AKI

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Il ne faisait pas encore jour quand j'entendis Aki frapper à ma porte, m'ordonnant de me lever et de m'habiller. Comme une somnambule, je me levais et enfilais un pantalon de toile, une tunique et des bottes en cuir. Puis, je ceignis un long pan de tissu à ma taille. En me regardant dans un miroir je ne pouvais m'empêcher de noter la sobriété de mes vêtements. Habillée ainsi, je ressemblais à une ombre. Je me sentais déjà pousser des ailes.  Mon rêve se réalisais enfin !

Mais en passant de l'eau sur mon visage je secouais la tête... Je pouvais très bien ne pas réussir ces neufs mois et mourir bien avant mon entrée chez les miliciens.

Avant de sortir en trombe de ma chambre, je pris soin de cacher la marque qu'avait jadis laissé le milicien sur ma main, avec un long et unique gant en cuir tout aussi noir que le reste de ma tenue. Mes cheveux déjà courts, je ne leur prêtais aucune attention. Ma vie de jeune demoiselle était derrière moi à présent.

Aki m'attendait. Il se tenait dans l'embrasure de sa porte et jouait avec un poignard. J'ouvrais la bouche pour le saluer lorsque la fine lame de son arme se trouva fichée dans le  cadre de ma porte de chambre avant qu'un seul mot ne puisse franchir mes lèvres. Je restais figée.

- Tu es en retard pour ton premier jour...

- ... je ...

- On verra plus tard quelle tâche tu exécuteras pour racheter ta première erreur. Dépêche-toi à présent, il est l'heure de s'entraîner.

- ... Bien.

Trop abasourdie pour dire quoi que ce soit, je le suivis en silence. Il poussa une petite porte qui débouchait sur une cour. Aki ne s'attarda pas à me présenter les lieux et continuait de marcher à grandes enjambées. C'est lorsque nous nous retrouvâmes véritablement dehors, sur des falaises qui surplombaient la mer qu'il déposa le sac qu'il tenait.

Il ôta la cape de ses épaules. Comme je n'en portais pas, je le regardais faire. Il commença ensuite à disposer des objets dans tous les sens sans que j'en comprenne la logique. Puis, il se tourna vers moi.

- Ton entraînement peut commencer. N'espère de moi aucune clémence. Je suis ici pour te former et pour rien d'autre. J'attends de toi que tu fasse de ton mieux. Lorsque que je te donne une consigne tu ne discutes pas. Nous n'avons que neuf mois pour te garder en vie et faire de toi un parfait milicien. Alors ne perdons pas de temps.

Je hochais la tête et profitais de l'aube pour regarder et distinguer les traits de celui qui serait mon mentor. Il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Aki avait des yeux bleus, glacials. Des traits fins presque féminins mais l'impassibilité et la froideur qui habitaient son visage le rendait intimidant, presque menaçant. Ses lèvres pleines et bien dessinées ne devaient pas souvent esquisser de sourire. Ses cheveux étaient coupés courts. Ils étaient lisses et reflétaient la lumière du soleil en un halo bleuté. Je restais frappée à la vue de son corps souple, musclé et, qui semblait bâtit par le combat mais qui n'avait rien de la brutalité du guerrier. Non. Toute sa personne était infiniment plus subtile. De cet homme se dégageais une aura qui me laissait deviner qu'il était redoutable, implacable et qu'il pouvait broyer n'importe quel adversaire qui se trouvait sur son chemin.

Nerveuse, impressionnée, je ne pouvais m'empêcher de regarder cet homme avec admiration et fascination.

Je compris que je devais me saisir du bâton quand Aki le désigna d'un hochement de tête. Je me penchais pour le saisir puis, je me tournais vers mon mentor. Je clignais des yeux, il tenait également un bâton qui n'était pourtant pas dans sa main la seconde d'avant. En souriant je comprenais vite qu'il avait usé de la magie. Aki feignait malgré tout l'ignorance et passa outre mon sourire qui indiquait que je n'étais pas dupe.

Il se mit en garde et en me regardant droit dans les yeux puis déclara :

- Vas-y, montre-moi ce que tu sais faire.

Prise au dépourvue, je devais me ressaisir. J'encrais mes pieds au sol. Inspirais profondément. Je m'élançais pour me retrouver plaquée au sol, la botte d'Aki en travers du torse.

- Tu es bien trop lente. Tu ne contrôle pas tes gestes. Tu n'es pas sur ta garde. Tu ne fais le poids contre personne. Et, tu mourras bien assez tôt si tu ne t'améliore pas dès aujourd'hui.

Je me relevais avec peine, le corps endoloris. Honteuse je baissais la tête.

- C'est que je ne me suis jamais battue auparavant. Je ne sais que manier le couteau...

- Considère que tu ne sais rien. Tu es encore plus ignorante qu'un nourrisson désormais. Pourquoi crois-tu que tu as été renommée ? Ce que tu savais auparavant ne te sera d'aucune aide. Ici, tu vas apprendre. Ma première leçon consiste à ce que tu te fie à tes sens dans un premier temps.

Je n'osais pas répondre.

- Concentre-toi sur chacun de tes sens. Ressens le vent sur ta peau. Ecoute le bruit des vagues se briser sur les falaises. Ton corps est une arme vivante. Tu dois l'utiliser au maximum de sa capacité. Chaque geste doit être calculé. Prémédité. Millimétré.

Je fermais les yeux. Je fléchis les genoux, bandais les muscles. Impassible, je sondais le visage de mon adversaire qui semblais aussi à l'affût que moi mais d'une façon bien plus assurée et naturelle. Concentrée resserrant l'étreinte sur mon arme, je bondis. Aki voulut me décocher un coup semblable à celui qu'il m'avait asséné quelques minutes auparavant. Je pu l'esquiver de justesse. Je me préparais à frapper mais l'homme saisit mon arme. D'instinct, je la lâchais et évitait un second coup. Je bondis en arrière, haletante et surprise par ma propre force.

Aki me regardait.

- Bien. J'ai vu ce que tu savais faire mais ton corps n'est pas assez souple. Tu manques d'endurance, de force et de coordination. Chaque matin dès l'aube tu devras t'entraîner. Le combat et le renforcement physique feront désormais partie de ton quotidien.

Ca y est je commençais vraiment ma formation.

Les secrets d'EnalasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant