Voilà pratiquement trente minutes que je suis assise sur cette chaise en plastique noir à fixer les murs blancs de la pièce et je sais que ce n'est que le début d'une longue attente. Il y a encore trois patients avant moi mais j'ai l'habitude. C'est pour ça que je prends ma journée quand j'ai rendez-vous ici.
Comme à chaque fois, je n'ai pas penser à prendre de livre. Pourtant, ce n'est pas mon premier rendez-vous, j'aurais pu en lire des romans vu le nombre d'heures que j'ai patienté ici. Pour faire passer le temps, je regarde les autres patients attendant leur tour chacun à leur manière.
Il y a cette mère qui surveille son fils qui ne doit pas avoir plus de six ans. Il joue aux playmobiles calmement, la lumière du plafonnier se reflétant sur son crâne sans cheveux et blanc. Beaucoup serait attristés de voir cet enfant aussi pâle mais pas moi. Ce n'est pas le premier que je vois ainsi et ce ne sera surement pas le dernier.
Il y a aussi un petit couple de personnes âgées, assis à ma droite. Ils chuchotent entre eux, la dame s'inquiétant à plusieurs reprises de l'état de son mari. Lui non plus n'a plus de cheveux sur la tête mais c'est plutôt à cause de l'âge que de la maladie. Je le sais car il a encore ses cils. Généralement, les gens sous chimio n'en n'ont plus. Je suppose qu'il est là juste pour une vérification.
Puis enfin, il y a cette fille dans la vingtaine, assise juste à côté de la porte comme si elle était prête à s'enfuir. Elle en meurt sans doute d'envie mais en même temps, elle sait que si elle le faisait ça ne changerait rien. Elle me fait penser à moi, il y a douze ans de cela, quand je suis venue pour la première fois accompagnée de ma sœur, afin de faire un dépistage.
Je me rappelle encore de l'énorme boule qui me nouait l'estomac et cette immense peur qui me tétanisait alors que j'avais tant envie de fuir. Ce jour-là pourtant, tout c'est bien déroulé. Je suis même sortie soulagée du bureau de ce médecin, qui avait juré à ma sœur et moi, que si nous faisions cet examen régulièrement, cela permettrait de détecter les tumeurs assez vite pour qu'elles ne nous emportent pas comme elles l'avaient fait avec ma mère trois ans plus tôt.
Je venais quatre fois pas an avec ma sœur. C'était devenue une habitude et j'y allais comme à n'importe quel rendez-vous médical. Enfin, du moins la première année. L'année de mes dix-huit ans, cette fois le bilan était mauvais. Celui de ma sœur du moins. Le médecin lui avait appris que deux grosseurs étaient apparut sur son ovaire droit. Après plus d'examens, il s'avérait que ces tumeurs étaient cancéreuses et que pour plus de prudence, il fallait mieux lui retirer les ovaires. Ma sœur venait tout juste de se marier et on lui retirait le droit d'enfanter.
Je me rappelle très bien de cette époque car c'est à ce moment précis que j'ai fait une croix sur l'amour. Pour plus de sécurité, elle a profité de cette opération pour subir une ablation de la poitrine pour ainsi amoindrir les risques d'un cancer du sein. Mais, un an plus tard, une tumeur grossissait au cœur de son cerveau et l'emporta en six mois seulement.
Ça fait maintenant onze ans qu'elle a disparut et autant d'années que je viens seule ici. Plus les années passent, plus la peur que ce soit mon tour disparaît. Je ne me sens pas protégée, loin de là. Au contraire, je me dis que si je chopais le cancer, je pourrais enfin cesser de vivre avec cette peur constante d'être malade. Non, je n'ai aucun espoir d'y échapper. Pratiquement toutes les femmes de ma famille sont mortes de cette maladie alors je sais qu'un jour ce sera mon tour.
D'un côté c'est un soulagement que ma sœur n'aie jamais eu d'enfant. Son ex-mari a pu refaire sa vie sans problème et elle ne laisse aucun enfant avec ce gêne maudit de notre famille. D'ailleurs, moi non plus je n'ai pas l'intention de perpétuer notre famille. Je suis la dernière survivante et tout se terminera avec moi.
VOUS LISEZ
Un Couple Avec DLC
FanfictionLe cancer, cette foutue maladie a décimé toutes les femmes de ma famille. Il ne reste que moi et je sais qu'un jour il m'emportera moi aussi. Je me suis fait une promesse, pour ne jamais faire subir cette maladie à mes enfants ou mon mari, jamais j...