La Pléiade du Marchebrume

Prologue : La Mad'Juleï

*Mad = mère, fille de la grand-mère ; Juleï = destin, fil, vie ( Ylerien)*

*Agym =  Aube(emprunt à l'elfique de la lune) ; Ion = Famille, Cercle*

*En = Anneau (Ylerien des îles)  ;  Koth = Obscurité ; Yl =  Sûr, Tout, protégé. 

*Khe/Kh' = occident ou ouest ; D'waar = les autres.

Narrateurs : 

² = Aeqyr et ¤  = Sullivan

² C'est Aeqyr et Sullivan qu'on les nomma. Amis ? Pas réellement. Ils venaient de se rencontrer. Aux portes du Piton, les soldats les avaient mené, avec leurs grands airs sérieux et solennels.  Le Conseil des Maisons et le Cercle des Matriarches, ceux qui décidaient de la vie de cette terre, les avaient appelés. Quelques jours plus tôt, le garde qui avait toqué à sa porte avait prononcé une phrase à ses parents. Simplement, croyait-il, "Nous appelons l'Élu des Cendres". Et ils l'avaient emmenés avec eux en voyant en lui ce qu'ils cherchaient, le traînant sous la pluie nocturne et acide de la Mer de Cendre jusqu'au Piton Ardent.

¤Le petit homme qui avait marché derrière moi sur la route du Haut-Temple était un apprenti forgeron. Un jour plus tôt, nous avions passé une nuit courte et étouffante à l'abri d'un rocher, et il nous avait raconté, aux deux plantons et à moi, qu'il avait travaillé seize années chez un maître nommé Shkah pour s'éloigner de ses vieux qui l'auraient placé dans le commerce d'épices. J'avais écouté son histoire comme j'écoutais celle de mes anciens clients, c'est à dire avec peu d'intérêt, mais je souffrais pour lui d'être encore si jeune et si inquiet face à l'avenir. Ces trente ans de vie ne l'aideraient pas beaucoup pour ce que nous promettait les Matriarches et leur mère, la Mad'Juleï. Moi, je m'étais contenté d'essuyer la pluie qui perlait de mon visage grisâtre alors que nous étions entrés dans le Haut-Temple, siège de tout le peuple Salaméen dont nous deux faisions tristement partie. 

²Aeqyr passa le bracelet autour de sa main abîmée par la forge, dans le vestibule qui les séparait de la salle du conseil. Il leva la tête vers les murs. L'endroit était sombre. Chaud mais sombre. L'homme était là, à ses côtés, dans la pénombre, en train de mettre le médaillon à son bras couvert de vieux bandages en papyrus. Il était vêtu de la cape et de la ceinture  couleur ocre et écarlate des pyromanciens du nord, ceux qui vivaient dans le Marais Bleu. Son regard de braise flamboyait d'une excitation secrète qu'il voilait par ses traits maigres et fatigués, sa fine bouche tiré vers le bas et sa posture nonchalante. Il n'avait pas donné son nom, et le jeune apprenti ne l'apprit qu'après avoir pénétré dans le grand hall sans fenêtres, quand, menton baissé par respect, ils furent appelés par des hommes en longues robes. 

-Salamandre Sullivan Kavanagh! Tonna un des conseiller sur le ton de la gloire. La Maison Agymion te convoque pour pardonner tes erreurs passées. Puisse-tu répondre à l'appel de la rédemption que nous t'offrons. Nous défendrons ton honneur devant la Grande-Mère des Flammes et devant sa fille, la vénérée Mad'Juleï.

Il y eut un silence. Bref, mais marqué, comme entre les frappes du marteau. Des prêtresses s'approchèrent de l'homme, posèrent leur doigt sur son bracelet et effectuèrent ce qui pourrait ressembler à une prière. Enfin, après quelques gestes fluides, on lui traça sur le front une marque à l'épice pourpre, protecteur des Hommes. Aeqyr était intrigué par la religion. Il l'aimait sans la comprendre. Ses yeux s'illuminèrent devant se rituel si plein de grâce et d'adresse. Les piliers qui soutenaient le haut plafond voûté crachaient de puissantes  flammes au dessus de leurs têtes. Femmes, hommes et dri'maaris se rangeaient autour de l'estrade de pierre ou siégeaient les représentants des grandes familles et les différentes matriarches du pays. Au centre de toutes ces personnes brûlaient un âtre énorme, contenu dans une coupe primairement sculptée puis polie dans de l'obsidienne. Les yeux d'Aeqyr se perdirent dans ces flammes  lumineuses avec leurs ombres dansant sur les visages.