o0O Les cinq premières fois O0o

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     La première fois que Luc avait vu Amelle, il rentrait chez lui après son premier jour d'école dans sa nouvelle ville. Il était perdu dans ses pensées, observant distraitement les gens qui marchaient eux aussi dans la rue.

     Puis, il avait entendu un «bonjour!» joyeux éclater au loin. Puis un autre. Et encore un autre. Et alors, il découvrit l'origine de ce bruit.
     Elle était apparue devant lui, elle et ses longs cheveux bruns cascadants sur ses épaules, elle et son sourire éclatant.
«Bonjour !», lui avait-elle dit, joyeuse. Il avait bredouillé un vague «bonjour» lui aussi, chamboulé par cette apparition soudaine. Avant qu'il n'aie vraiment eu le temps de réagir, elle avait disparu, aussi rapidement qu'elle était arrivée. Le moment n'avait duré que quelques secondes.

     La deuxième fois qu'il la vit, il passait dans cette même rue, de nouveau en route pour son chez-lui. Une semaine avait passé depuis la première fois qu'il l'avait vue, mais il avait décidé d'oublier cet événement, comme lorsque l'on voit un petit oisillon voler pour la première  de sa vie. On trouve ça mignon, ça nous rend tout philosophique et ensuite la routine reprend ses droits et on y oublie.

      La deuxième fois qu'il la vit donc, il n'avait pas passé une bonne journée et ruminait dans sa barbe inexistante. Son sac a dos pesait lourd sur ses épaules et ses pensées encore plus.

     Il entendit soudain le premier «bonjour !» et le nuage gris qui l'entourait devint moins épais.
«Bonjour !», entendit-il a nouveau, et, définitivement pour ce jour, le nuage gris s'en fut.
Deux autres «bonjour !» résonnèrent et soudain, elle fut devant lui.

     «Bonjour !», lui offrit-elle et il remarqua ses yeux verts-bruns brillants.
     «Sa...salut !» et comme il finissait de lui répondre, ses pas sautillants l'amenaient à un autre passant, et il l'entendit s'éloigner aux «bonjour !» qui s'amenuisaient.

     La troisième fois qu'il la vit n'était que le surlendemain. Il avait décidé -bien qu'il ne s'en rendit compte que plus tard- de passer uniquement par ce chemin pour rentrer chez lui, dans l'espoir de recroiser cette fille si pétillante de bonheur. Il entendit les premiers «bonjour» percer son état pensif et il attendit tranquillement qu'elle arrive devant lui, ralentissant son pas. Plus qu'un «bonjour» et elle était là. Il remarqua pour la premier fois qu'elle portait une jolie robe pleine de couleur, qu'importait la météo.

     «Bonjour !» lui sourit-elle.        «Salut !» lui répondit-il. Elle lui sourit un peu plus et s'en alla. Avant quelle ne disparaisse à nouveau, il réagit et lui agrippa délicatement le bras : «Attends ! Comment est-ce que tu t'appelles !»
Elle le regarda, amusée «Amelle. Et toi, qui ne se présente pas ?»
Il bafouilla, honteux : « Luc...Je m'appelle Luc.»
Elle se dégagea délicatement et, avant qu'elle ne se faufile entre deux passants elle lui souhaita : «Bonne journée, Luc !».

     La quatrième fois qu'il la vit, était un samedi. Il ne savait pas si elle se baladait aussi le weekend, mais si tel était le cas, il ne voulait pas la louper. Le temps passait et assis sur son banc, il regardait le soleil rouler dans son axe. Alors qu'il allait partir, il entendit un «bonjour !» retentir, et un sourire fit apparition sur ses lèvres. Il se leva et, après avoir agrippé son livre -qu'il avait pris pour s'occuper avant qu'elle n'arrive- , se dirigea directement vers la source de ces salutations. Il la vit, six mètres plus loin, elle et son sourire éclatant, elle et ses longs cheveux bruns cascadant sur ses épaules, en train de saluer les passants.

     Elle l'aperçu, lui et son livre, lui et sa jaquette verte trop grande, et elle se dépêcha d'arriver jusqu'à lui. Un dernier sautillement et elle s'arrêta devant lui.
      « Bonjour, Luc !» lui dit elle avec son sourire joyeux.
«Tu te rappelles de mon nom ?» s'exclama le garçon. Puis il parut se rendre compte de ce qu'il venait de laisser échapper et essaya de se rattraper : «euh, je voulais dire : salut Amelle !». Elle rigola, et le cœur de Luc rata un battement. «Oui, bien sur que je me rappelle de ton nom. Je me rappelle du nom de tout le monde- du moins, de ceux qui me le confient.». Le sourire de Luc se fana légèrement.
Puis il se rappela qui elle était, et qu'elle devait croiser beaucoup de gens chaque jour, qu'elle devait savoir pas mal de prénoms, et il se dit qu'il était chanceux qu'elle aie retenu le sien alors qu'elle en avait d'autres à se rappeler, d'autres sûrement plus important que le sien. Elle reprit la parole, tout en penchant la tête de côté, inconsciemment.

     «Comment vas-tu Luc ?» Le garçon rougit légèrement et lui répondit «Et bin, bien, oui, je vais bien. Et... Et toi ?» «Bien, je te remercie.» Elle lui fit un rapide câlin qui le prit par surprise et le laissa figé, désormais rouge comme une tomate, alors qu'elle s'en allait vers d'autres passant :«À la prochaine fois, Luc!»
Le garçon resta figé, les joues en feu au milieu de la rue, l'esprit bloqué sur le moment où elle lui avait fait un câlin amical.
Lorsqu'il reprit enfin ses esprits, il empoigna son livre qu'il avait fait tomber sous l'étreinte de la jeune fille, se redressa et se mît en route, son cerveau bloqué sur la dernière phrase qu'elle lui avait dite : "À la prochaine fois, Luc !".

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     Le dimanche, Luc vit Amelle pour la cinquième fois, et il était prêt à échanger plus que deux phrases avec elle. Dans sa poche, le poids de son porte-monnaie, avec les quelques pièces qu'il contenait, lui rappelait la décision qu'il avait prise plus tôt. Ainsi, lorsqu'il l'entendit arriver, elle et son sourire éclatant, elle et sa robe chatoyante, il se mît debout, bien en vue, et attendit qu'elle le remarque.
     Lorsqu'elle le fit, elle se dirigea vers lui, tout en distribuant des « Bonjour !» joyeux à ceux qu'elle croisait. Elle arriva devant lui et il la laissa s'exprimer la première : «Bonjour Luc !» «Salut Amelle», lui répondit-il, enchaînant les mots rapidement, avant quelle n'aie le temps de s'en aller.
      «Dis, est-ce que tu veux bien t'arrêter cinq minutes et manger une glace ? Ou bien une crêpe ? Ou une gaufre ? » lui demanda-t-il, désignant à tour de rôle l'échoppe qui coïncidait. «ou bien tu préfères continuer, enfin, y'a pas de problème, c'est juste si tu veux quoi, c'est une proposition mais si tu veux pas c'est pas grave hein.» elle l'interrompit, alors qu'il se confondait en excuses pour son intervention.
     «Luc, Luc ! Oui, c'est bon, oui, j'accepte.»
     «Oh, c'est pas grave tu sais, bon, bah je....» il s'arrêta et la regarda droit dans les yeux et croisa son regard amusé
      «Attends... Tu es d'accord ?» elle hocha la tête et un sourire jaillit sur les lèvres de Luc.
     «Yes !! enfin...je veux dire...ok, tu veux aller où ?» lui demanda-t-il en se frottant le haut de la nuque, gêné. Elle éclata de rire , et, entre deux éclats, lui répondit : «La glace ...ce sera....super...merci !»
Alors ils se dirigèrent vers l'échoppe et se trouvèrent une table sous un parasol. Amelle finit de rire et lui dit :
     «Olalala... Désolé si je t'ai vexé. Je ne me moquais pas de toi, j'aime juste tellement rire que je ne voulais pas manquer un rire comme celui-là.» Le garçon la détrompa.
      «Oh, je ne suis pas vexé. Si tu t'es amusée, tant mieux .» «Oui, c'était amusant ». Un serveur arriva et leur demanda quels parfums ils voulaient pour leurs glaces. Amelle commanda directement, comme une grande connaisseuse :
«Je voudrais une boule pistache et une melon vert s'il vous plait». Le serveur hocha la tête et se tourna vers Luc : « Et vous, Monsieur ?» «Oh, euh....je vais prendre une boule vanille et ....et c'est tout. Merci»

     Le serveur partit et ils restèrent un petit moment dans leurs pensées, regardant les gens pressés de rentrer chez eux en ce chaud dimanche de juin.
     Amelle chantonnait, le léger vent du sud dansant dans ses cheveux. Luc l'observait, et essayait de retenir chaque détail dans la peur que, lorsqu'ils se quitteraient ce soir, ils n'arriverait plus jamais à la croiser à nouveau, et ce sentiment l'habitait à chaque fois qu'ils se rencontraient.
     Il regardait ses longs cheveux bruns ondulés, ses beaux yeux verts-bruns, sa robe colorée qu'elle portait ce jour-là, et ses ongles, chacun coloré d'une couleur différente. Il la regardait observer les gens, et le le léger sourire qu'elle avait toujours lorsqu'elle voyait n'importe qui. Il la regardait, et vint le moment où il comprit qu'elle l'avait démasquée, car elle lui sourit, et il pût apercevoir ses jolies lèvres roses prendre une esquisse amusée.
    Ses joues à lui devinrent légèrement roses.  Il assumait totalement -enfin, en tout cas assez- son action pour ne pas en avoir honte.

AmelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant