La Nuit Obscure

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Ma mère me disait toujours que Dieu ne connaissait pas la colère, qu'Il n'était qu'amour, bonté et miséricorde.
Quand je craignais d'offenser Dieu et qu'Il me punisse, elle me répondait que Dieu pardonne tout, à tout le monde.
Aujourd'hui, j'en suis moins sûre...
Lorsque j'ai rejoint l'Ordre, j'ai cru servir ce que nous appelons tous "La Source" en aidant l'humanité à évoluer et à bâtir un monde meilleur.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment que tout ce que nous avons fait n'a servi à rien et que Dieu a finalement d'autres plans pour la planète.
L'humanité aurait-elle mérité la colère de Dieu ?
L'humanité aurait-elle mérité de disparaître ?
Dieu estime-t-il qu'il n'y a plus rien à sauver sur terre ?
Ce matin, je suis perdue...
Ma vie, tout à coup, me semble dépourvue de sens. Tout ce en quoi je croyais s'effondre comme Paris, hier. C'est mon coeur qui est aussi en ruines.

Pendant longtemps, j'ai détesté l'humanité, j'ai détesté ce qu'elle faisait subir à la nature, aux animaux et aux autres hommes.
En quelques années, j'ai vu ma planète péricliter, les espèces disparaître, les forêts brûler, les océans se vider et l'argent couler à flot, encore et encore, partout, pour toujours plus d'inutile, toujours plus de décadence.
J'aurais voulu que l'espèce humaine disparaisse à tout jamais...
Et pourtant, quand je me suis éveillée et que j'ai eu conscience qu'il y avait au dessus de moi un être infiniment bon qui aiment tous ses enfants, malgré leur inconséquence, j'ai retrouvé foi en l'Homme et je me suis battue, "au nom du Père".
Mais je comprends que nous avons échoués.
Et ce matin, nous sommes tous orphelins...

Nous avons pu rejoindre hier la maison du Levant, miraculeusement intacte, qui s'est transformée en hôpital de fortune.
Nous accueillons autant que faire se peut les blessés et les sans-abris.
J'essaye de joindre ma fille Lucie depuis hier mais les réseaux téléphoniques sont en panne. Ça me rend folle d'inquiétude. J'espère qu'elle et Jean n'ont rien.
Je pense également à mon père.
Depuis le décès de maman, nous ne nous sommes pas revus. J'ai dû l'appeler trois ou quatre fois en 7 ans. Nous n'avons jamais été proches lui et moi. Peut-être parce qu'il appartient à "l'ancien monde", à ces générations à la conscience obsolète, plus endormies que les endormis.
Je me demande si je le reverrais un jour...

Ce matin, j'ai aidé Marie en cuisine. Avec tout ce monde à nourrir, nous nous sommes relayés pour mettre la main à la pâte. Raphaël et Victor sont retournés en ville pour acheter à manger, si tant est qu'il y ait encore un magasin debout...
Il est 14h et je n'ai pas dormi depuis plus de 24h. Je suis exténuée et mon moral fait de la spéléo...
Je décide d'aller me reposer une heure ou deux. Avant de monter dans ma chambre, je vais passer voir Dorian pour le prévenir.
Je le cherche mais ne le trouve pas. Au détour d'un couloir, je croise Marie et lui demande où est Dorian. Elle me répond :

- Le maître s'est retiré dans son bureau. Il ne va pas très bien je crois.

Pressée, elle repart aussitôt.
Je m'engage donc dans le couloir qui mène au bureau de Dorian. Arrivée devant la double porte, il me semble entendre des pleurs. Je tends l'oreille un instant. Oui, quelqu'un pleure. Je frappe tout de même à la porte.

- Oui ?

C'est bien la voix de Dorian. J'entre timidement et le trouve assis sur une des chaises face à son bureau.

- Oui, Julia, avez-vous besoin de quelque chose ?, me demande-t-il les yeux rougis.

- Non, mais vous, tout va bien ?

Cette question me paraît stupide. Il est clair que ça ne va pas bien.

- Excusez-moi, je...

Il éclate alors en sanglots. Je referme doucement la porte et me dirige vers lui.

Requiem - Les Soldats de l'ApocalypseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant