Aujourd'hui, j'aborde mes rêves de petite fille et le travail de la mémoire ! Parce qu'il faut bien le dire, quelle que soit notre profession, celle-ci nous prend un maximum de temps par jour et il n'est pas simple de tout concilier. Nous, notre personnalité, la femme que l'on est et celle que l'on donne à voir, celle qui chaque jour se rend à son travail.
Pas simple non plus de se faire confiance, de dépasser nos moments de faiblesse, de coup de mou.
Qu'on vive la réalisation d'un rêve ou qu'on soit dans la désillusion totale face à la vie qu'on s'était imaginée enfant, voire lorsqu'on est dans une période où on est sans travail (mais bien en activité de type femme au foyer dont l'expression me chiffonne toujours un peu), à chaque fois on se retrouve à frôler la surcharge mentale et à nous sous-évaluer, à avoir une représentation de nous-mêmes faussée, à se mésestimer.
Je vous invite d'ailleurs à lire le passage sur le sujet dans l'ouvrage d'Odile Chabrillac, Âme de sorcière aux éditions SOLAR. Le chapitre cinq de la troisième partie, « Retrouver confiance en soi » pourra peut-être vous éclairer, qui sait ?
Mais avant d'atteindre l'âge d'exercer un métier, comment envisage-t-on son avenir professionnel pour une enfant qui n'a même pas quinze ans ?
Avant d'être une femme et d'avoir cette vie professionnelle qu'on imagine, le rêve d'une petite fille, c'est quoi ?
Et le rêve d'une petite fille traumatisée... c'est quoi ?
Même sans marquer le coup par un bal des débutantes, même sans participer à la fête des quinze ans si j'avais été espagnole ou argentine, le sweet sixteen par ailleurs, il fut un âge auquel j'ai commencé pour la première fois à vouloir me sentir femme et donc à avoir des velléités de vie professionnelle. Être une femme, pour moi, c'était, outre avoir des seins développés, m'imaginer dans un corps d'adulte et travailler habillée comme une femme d'affaires.
Oh, ce n'était plus coiffeuse comme à cinq ans ou caissière ou grutière comme à dix (non, ne cherchez pas le symbole phallique à travers ce dernier fantasme, j'étais juste jalouse de mon grand frère à qui on offrait une grue à Noël tandis que je bénéficiais que de la énième poupée dont je m'empressais de couper les cheveux).
Non, moi, ce qui m'a motivé, ce fut le rêve d'une vie à travers le jeu de scène. Oui, je voulais être actrice de cinéma, bouger devant la caméra, être comédienne sur les planches d'un théâtre. À quatorze ans, je pris des cours, me faisant passer pour une jeune fille de plus de seize ans puisque c'était l'âge minimum requis pour s'inscrire, et je côtoyai pour la première fois des vieux de dix-huit ans avec qui je découvris mes premières soirées festives.
Des bagues sur les dents, de l'acné sur ce visage que je trouvais trop ingrat et surtout une mémoire de poisson que je ne supportais pas d'avoir, j'étais fière de pouvoir montrer que je n'avais peur de rien... sauf de moi-même !
Je ne saurais plus dire si j'avais ou pas une haute estime de moi mais ce qui est certain c'est que je ne m'imaginais pas vivre sans le faire à travers des personnages et, surtout, surtout, des personnages qui seraient très loin de moi, de ma vie, de ma souffrance.
Finalement, à bien y réfléchir, peut-être est-ce que je me détestais ? Seuls mes carnets intimes pourraient en témoigner mais je n'en ai gardé aucun. Et sincèrement, je ne m'en souviens pas ! Ce dont je suis sûre, par contre, c'est la souffrance dans laquelle je vivais. Car décider de stopper des situations et des actions de viol est une chose. Ne plus en souffrir en est une autre !
Donc, ne pas se souvenir a quelques avantages, n'est-ce pas ? À l'époque, durant cette période scolaire allant du collège au lycée, cela me convenait très bien de m'enfuir à travers des personnages. Le théâtre amateur, c'était justement ce qu'il me fallait. M'évader. M'amuser. Rire mais tout en faisant travailler cette mémoire qui me faisait tant défaut.
Ce que je ne savais pas alors, c'est que j'allais apprendre un peu plus tard à travers la technique de jeu qu'il faudrait puiser dans cette souffrance qui m'avait construite pour faire vivre les personnages.
1 – Le théâtre
La troupe dans laquelle je jouais s'appelait La Sarbacane et vous savez ce qui m'a le plus marqué à l'époque où je découvrais pour la première fois le travail de respiration, de visualisation, des techniques de jeu... ? Outre les jambes flageolantes ou la peur d'oublier mon texte (en pleine représentation de L'atelier de Jean-Claude Grumberg par exemple) c'est le fait d'avoir échappé de justesse à jouer dans une pièce qui s'appelait Les rouquins ! (ouais, ça pue les rouquins, c'est bien connu... J'en toucherai un mot à mon mec) et l'humour des contrepèteries de mon professeur. Contrepèteries que je n'arrive pas plus à deviner aujourd'hui. C'est comme ça, dès qu'il y a une allusion sexuelle, je ne la vois pas, je ne l'entends pas... ou peu. Ce qui fait rire pas mal de monde, en fait.
En fouillant sur le net je me suis rendu compte que la troupe existait toujours ! Créée en 1981, la Sarbacane continue de donner le goût du théâtre aux adultes et aux enfants. D'ailleurs, il me semble bien que c'est en 1992 ou 93 que nous avons trouvé ensemble le nom de Sarbacane avec mes amis de l'époque, car nous écoutions beaucoup le chanteur Francis Cabrel. L'un des copains que je ne vois plus depuis bien longtemps, Gérald, est devenu comédien à son tour et a fondé sa propre compagnie : La compagnie Maintes et une fois et j'aime la présentation qu'il écrit sur son site : « il joue parce que créer des personnages et des histoires l'empêche de devenir fou ! Il fonce vers l'avenir avec joie et sérénité ».
Voilà, c'est comme cela que je me souviens de lui. Avec joie. Et quelles que soient les raisons qui le feraient devenir fou, il a choisi d'aller de l'avant. Cela me fait vraiment plaisir de voir ces deux troupes orientées vers l'apprentissage des enfants car on ne sait jamais quelle est leur histoire et qui sait si, parmi eux, une enfant n'a pas besoin d'être sauvée ? Si le théâtre, sans le savoir, participera alors à sa reconstruction comme ce fut le cas pour la mienne !
L'humour et la mémoire. Voilà ce qui m'a fait le plus grand bien. L'humour, celui qui permet non pas de se cacher mais d'évacuer. Et la mémoire, celle qui m'a fait souffrir à l'école car j'étais incapable de retenir depuis toute petite mes leçons, car elle me faisait défaut et m'a fait défaut pendant des années encore, sauf sur scène, sauf dans le jeu d'actrice.
Cette mémoire qui ne me permettait pas d'oublier ce que je souhaitais pourtant oublier. Cette mémoire qui me faisait penser que, non, vraiment, la vie était injuste avec moi. Mon karma était terrible, me disais-je à l'époque. Ce karma que j'avais pourtant décidé de changer !
Bon, vous me direz, arrivé à ce stade, Flo, quel rapport entre cette période ingrate certes mais gratifiante et la vie professionnelle d'une femme, de toi femme et quarantenaire aujourd'hui ?
C'est vrai, de prime abord cela peut sembler complètement déconnecté. Pourtant c'est loin d'être le cas et je pense que de nombreuses filles traumatisées sont devenues par la suite des femmes qui, dans leur vie professionnelle, ont dû régler des comptes avec elle-même et mettre en place des process pour que les conséquences de leur trauma passent inaperçues aux yeux de tous !
Parce que leur cerveau, qui n'est peut-être pas celui qu'il aurait dû être et qui garde des traces de ces traumas, ne leur permet pas de vivre et de travailler correctement sans perte de mémoire, sans surcharge mentale, sans flash, sans dissociation, sans perte de confiance en elles. Et j'en passe.
Ces femmes qui, dès qu'elles rencontrent un obstacle, ne savent pas si elles ont du mal à le surmonter comme tout un chacun ou bien parce qu'elles se sentent plus faibles que les autres. Parce qu'elles, elles sont à part, elles ne sont pas comme ces autres.
Parce qu'elles, elles ne sont pas les autres, elles ont un handicap caché, un handicap qui même s'il était reconnu ne serait pas accepté.
Parce qu'elles, elles ne savent plus si elles ont les capacités de surmonter cet obstacle ou pas.
Parce qu'elles, elles n'ont plus les repères pour se dire d'ambler, « je peux y arriver ».
Parce qu'elles, c'est moi. C'est peut-être vous. Toi.
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#5 - Un rêve de petite fille
Non-FictionJ'aborde mes rêves de petite fille et le travail de la mémoire ! Parce qu'il faut bien le dire, quelle que soit notre profession, celle-ci nous prend un maximum de temps par jour et il n'est pas simple de tout concilier. Nous, notre personnalité, la...