AUJOURD'HUI

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Durant les soirées de l'automne, c'est de plus en plus tard que mes pas légers se font entendre à travers les ruelles vides de Paris.
Je cherche les ombres, ces ombres qui n'existent plus, seules celles des maigres lampadaires habillent la rue. La nuit se fait belle pour le soleil de demain.
Les amoureux ne courent plus les rues, il est trop tard pour voir la moindre personne. Paris dort profondément, seule les roues des taxis viennent ajouter des ronflements à la ville des merveilles.
Ce soir comme tout les soirs je suis seul, un homme lache qui marche en direction de nulle part, juste à la recherche des ombres, je me perd dans ces ruelles qui n'en finissent plus. Elles aussi, cherchent une destination, mais aucune destination n'est véritable. Toute les routes mènent aux mêmes endroits, aux mêmes lieux, mais elles arrivent de partout. Je suis sans fin ces chemins, ce labyrinthe qui n'en fini plus.
Mais chaque matin, je retrouve les ombres, les travailleurs courageux, les amoureux gourmands qui attendent les ouvertures des boulangeries, les femmes fortes qui doivent affronter leurs mari après avoir travaillées de nuit, les chiens qui errent et qui cherchent définitivement un ami, et moi.
Mon ombre, on ne la reconnais qu'au faite quelle n'existe que pour moi, cette ombre qui me suit, n'existe que la nuit, quand Paris ronfle du bonheur, des pleurs et des malheurs d'autrui.

Ce matin je vais voir Élie, nous avons ce plaisir égoïste de se retrouver dans le café chaque mardi, elle prend du lacté et moi du café noir et fort, ce plaisir n'est que pour ouvrir mes papilles gustatives pour déguster mon beignet aux amandes.
Élie de son vrai prénom Elizabeth, est mon unique amie dans la plus belle ville du monde. Habillée de ses petits talons et de ses robes colorées, son chignon couleur cuivré noisette est tenu par une simple broche qui appartenait à sa mère.
Élie est belle.
Son rire empli les autres de bonheur. Les parisiens se retournent au passage de son parfum vanillé, Paris devient coloré et joyeux à son unique présence.
Élie est belle.
Elle rougit quand le fleuriste lui offre une rose, elle a cette manie de plisser du nez quand elle se brûle avec son lacté. J'aime ses cheveux qui se promènent sur son visage lorsque qu'elle danse. Ou quand ses yeux brillant lorsqu'elle me raconte ses voyages.
Élie est belle.

Ce matin, nous nous sommes arrêtés dans un petit bistrot pas loin de la tour Eiffel. Nous y étions jamais allé. Ses murs sont décorés de vinyles, de dédicaces et de journaux datant de 1930. Ce bistrot s'appelle "les conquêtes des arts" et a été construit pendant les années folles à Paris. Il a été utilisé par les Allemands et une partie a été brûlé à l'étage. Lorsqu'on y rentre, c'est comme pénétré dans un vieux livre où un vieux journal. Les murs ont une histoire, le sol est abîmé, les tables se fondant dans la masse se déguisent de vieux articles. Une vieille musique de jazz flotte dans l'aire et se mélange parfaitement avec l'odeur de vieux livres et de pain chaud qui parfume le bistrot.
Élie et moi nous asseyons à une des tables et commandons.
Une petite femme vient nous servir et nous offre un petit gâteau sucré à chacun. Le café est délicieux, il est plus doux que celui auquel j'avais l'habitude de boire dans l'ancien café. Le beignet se fond dans ma bouche lorsque je croque dedans.
Élie m'observe en souriant, ce sourire. Il se propage sur tout son visage, ses yeux se plissent et ses joues se lèvent. Elle porte une de ses mains à sa joue, et avec l'autre, elle apporte à ses lèvres son lacté. Elle rie doucement quand elle baisse sa tasse et laisse apparaître une délicieuse moustache de crème sous son petit nez.
Ses yeux me fixent quelques minutes, je peux me plonger dans son regard, ses yeux couleurs océans me font penser aux vacances que nous avions fait tout les deux il y a quelques années.
Lorsque nous avons fini notre gourmandise, nous sortons du bistrot, mes yeux s'arrêtent sur une ruelle étroite et sombre. Je propose à Élie de s'aventurer dedans.
Plus nous nous approchons, plus je vois que cette ruelle a plusieurs couloirs qui mènent sûrement à des endroits différents, nous entrâmes à l'intérieur et marchons plusieurs mètres. Les murs sont abîmés, et cannettes et mégots trainent au sol. Nous tournons à droite et quelques pas plus tard, nous nous retrouvons face à une très grande maison de briques rouges qui me semble étrangement familière; certe elle est abandonnée et quelques vitres sont cassées, elle se maquille de nombreux tags et de vulgaires écritures, mais elle est magnifique.

Certains volets anciennement blancs, sont rompus, la porte en bois de chêne a été forcée et se trouve entrouverte. Je m'avance de la boîte au lettre et je lis "Mr et Mme Olvord".
Je reste planté la plusieurs minutes, mon regard vagabonde entre la maison et la boite au lettre. Élie me détache de mes pensées et me prend le bras en me trouvant des prétextes pour s'en aller.
Je jette un dernier coup d'oeil perplexe à la maison, et je détourne les yeux en m'éloignant, penaud.

Durant la journée, je repense à la maison, à sa carrure dévalorise mais qui lui donne ce charme fou, a ce nom sur cette boîte aux lettres. Nous faisons un petit tour dans certaine ruelles avec Élie et allons chacun de notre côté pour reprendre nos petites vies monotones.

Ce soir comme une grande partie de mes soirées, je décide de partir me promener dans Paris, seul et coupé de la vie bombardée de la grande ville.
En réalité, je veux retourner dans cette maison, je veux pouvoir me souvenir d'elle durant la journée prochaine, alors je me met en route pour le café de ce matin, et suis les pas que j'ai emprunté pour me retrouver une seconde fois, devant cette merveille.
La porte est toujours entrouverte et c'est après plusieurs minutes que je me décide à entrer dans la demeure. Je me retrouve dans un large couloir qui se voit être l'entrée, les murs sont vieux et abîmés de graffitis infâmes, des tableaux et des bouts de verre de bouteille recouvre le sol.
La tapisserie est tout de même facile à deviner, on peut voir qu'elle était anciennement des dessins d'oiseaux, et de fleurs.
Il y a une porte à ma droite et une à ma gauche, du moins, ce quil en reste puisqu'elles ont été fracassées et brûlées à certains endroits, devant moi il y a un escalier en bois foncé et robuste, l'escalier contrairement au reste de la maison, est très peu abîmé, il y a seulement des gravures de mots, de lettres et de déclarations d'amour, sûrement jamais assumées.
Je décide de prendre l'escalier et de me rendre à l'étage, je remarque un nouvel escalier et plusieurs chambres et une salle de bain.
Je vais dans une des chambre, elle est habillée en blanc et une certaine air pure imbibe la pièce. J'observe le lit, cassé et les draps blancs tachés et très sales, la tête de lit qui était en tissu blanc est déchiré.

J'ai la tête qui tourne tout d'un coup, je vois flou et la pièce tourne de plus en plus autour de moi, je respire une dernière fois et soudain, tout est noir.

Les Ombres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant