Pauline ne s'était jamais vue, dans sa jeunesse, devenir mère d'une petite fille. Sans doute ne voulait-elle pas recréer ce schéma infernal. Ce schéma qui l'avait amenée à épouser un homme comme Charles. Elle s'était toujours dit, et même persuadée, qu'elle deviendrait alors mère d'un petit garçon, qu'elle élèverait dans le seul but de devenir un homme qui saurait traiter les femmes avec respect. Un homme qui ne ressemblerait en rien à son père à elle, rigide et strict comme tous les hommes de la vieille école le sont. Avoir un mari comme Charles avait poussé son désir encore plus loin : elle voulait d'un petit garçon pour qu'il ne devienne pas aussi mou que son père, pour qu'il ait de la hargne et de l'ambition. Elle écopa d'une petite fille. Une petite fille à laquelle elle avait secrètement promis d'offrir une vie meilleure. Et ce, peu importait le prix à payer.C'était à se demander si Pauline aimait être mère. Elle qui semblait constamment rêche avec sa propre fille, l'on doutait de ses moments affectifs. Zoey avait l'air de ne lui apporter qu'ennuis et tracas, depuis qu'elle était arrivée au monde. Bébé, elle avait été relativement calme, souvent laissée aux nourrices – ici, les mères n'en ont le nom que pour avoir donné la vie à un être. Enfant, Zoey s'était révélée espiègle, pleine de vie et de joie. Il avait fallu la recadrer et lui apprendre à se tenir, quand l'adolescence avait pointé le bout de son nez. Désormais, Pauline avait une fille dans la fleur de l'âge, polie, calme et belle. Pauline se reconnaissait en Zoey. C'était une manière pour elle d'avoir une autre vie. De pouvoir renaître. De voir accompli ce qu'elle n'avait pas pu faire elle-même – la pire des projections qui soit.
La routine. Zoey est réveillée aux alentours de neuf heures du matin par Lyne, sa dame de compagnie – douce avec Zoey, vouée aux parents. Après un bon bain chaud, Zoey s'habille. Il semble faire plutôt bon, par la fenêtre. Lyne l'a ouverte, pour faire entrer la fraîcheur du matin dans la pièce. Il y a un vent doux et plutôt agréable. C'est que le printemps s'est déjà bien installé. Fouillant donc dans sa penderie, Zoey finit par choisir ses sous-vêtements – une paire de soutien-gorge, rose pâle, presque transparent vers le haut, culotte assortie -, sa robe blanche, aux motifs de roses avec leur feuillage, transparente au niveau de la gorge et des épaules, assortie d'un collant rose pâle. Aux pieds, elle enfile ses chaussures à talons blanc cassé. Elles camouflent les doigts de pieds, le tout surmonté par un nœud de papillon, ouvertes sur la cheville et le pied. La boucle frotte tout contre le mollet ; la chaussure serre, comprime le pied. C'est après s'être légèrement maquillée – crème de jour, du mascara, un trait d'eyeliner – et coiffée qu'elle descend pour rejoindre sa mère. Son père étant debout depuis quelques heures, c'est seulement avec elle qu'elle prendra son repas matinal.
« Il était temps, Zoey. Il est presque dix heures., que commence à rouspéter Pauline, visiblement peu d'humeur.
- Pardonnez-moi Mère, j'ai traîné.
- Et pour l'amour de Dieu, Zoey, couvre-moi ces épaules. Au moins pour cet après-midi, nous allons chez Madame de Fontenay. Tu réarrangeras ta coiffure, je veux que tu aies l'air présentable. Il faut que tu le sois. »
Zoey hoche doucement la tête, signe qu'elle avait entendu. Pauline la reprend également sur ceci. Elle veut l'entendre dire qu'elle a compris, qu'elle va corriger tout ceci. C'est en prenant place à table, face à sa mère, que Zoey s'exécute. Elle s'en chargera après le repas, avant de reprendre la couture laissée en plan la veille. Le repas s'ouvre sur une petite prière. Zoey a les mains jointes devant son assiette, garnie de viennoiseries. Elle remercie silencieusement le Seigneur de lui offrir ce repas. Pauline pense plutôt à réprimander la cuisinière si c'était mal préparé plutôt qu'à prier. Quand elles rouvrent toutes deux les yeux, c'est après un souhait de bon appétit qu'elles s'attaquent à leurs victuailles.
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Etre mère
Short StorySlice of life de l'une de mes ocs, directement tirée de mon imagination, ainsi que mon univers. Propriété privée, merci de ne pas toucher.