J'arrive à la gare les mains dans les poches, il fait hyper froid, j'aurais dû prendre ma veste, j'ai pas pensé, remarque je m'en fous. Je me suis proposé pour aller chercher Chiara à la gare, Camil avait la flemme. J'appréhende, je l'ai un peu abandonnée. Elle est là, sur le quai de gare, en train de s'allumer une clope, assise sur le banc. Elle se lève et regarde l'horizon, elle plisse les yeux, c'est nouveau, elle le faisait pas avant : je me rends compte que je connais plus rien d'elle mais c'est ma faute. Elle est très belle, elle a une tresse plaquée, je crois que ça s'appelle comme ça, un peu défaite, avec des mèches qui descendent sur son visage, elle a un gros pull rouge marocain dans un jean bleu taille haute, elle a changé, elle a l'air impénétrable, comme si elle n'en avait plus rien à foutre de rien. Elle regarde le monde, les gens qui vivent, j'ai remarqué qu'elle aime faire ça. Elle tire une bouffée de sa clope et tourne la tête vers moi, son expression ne change pas d'un pouce. Elle rejette la fumée :
-Salut.
Je m'avance :
-Salut.
-Il t'a envoyé me rechercher ? demande-t-elle en tirant sur sa clope.
-Non j'me suis proposé.
J'essaye de lui sourire mais ses yeux me déstabilisent : ils ont perdu leur éclat, comme si elle ne vivait plus. Elle hausse les sourcils, un sourire narquois, puis rejette la fumée.
-Tu fumes depuis quand ?
-Un moment.
-Pourquoi ?
Elle rigole :
-J'ai pas d'explication.
-Ça va niquer ta santé.
Elle me sourit :
-Je sais.
Elle s'approche de moi, son visage à deux doigts du mien, elle me fixe dans les yeux :
-J'ai le droit de t'embrasser ?
J'avale avec difficulté, elle se penche et embrasse ma joue. Elle sourit, une seconde j'ai l'impression de l'avoir retrouvée.
-On y va ?
Je vais prendre ses skis, elle me sourit toujours et tire sur sa clope avant de l'éteindre :
-Eres un amor.
Je la regarde, interloqué :
-Depuis quand tu parles espagnol ?
-Je m'y suis mise.
Je peux pas m'empêcher de lui sourire mais il y a toujours ce vide dans ses yeux, je la regarde, attristé :
-Qu'est-ce qui t'es arrivée ?
Elle me regarde :
-Comment ça ?
-T'as l'air...brisée.
-Je vais bien.
On se tait tous les deux jusqu'à l'appart'.
Je toque à sa porte :
-Entre !
Je baisse la poignée, elle est sur son lit, sur le dos, en sous-vêtements, elle fume une clope. Elle est juste magnifique, j'en perds mes mots.
-Chiara, t'es presque nue.
-Si ça m'aurait gênée, je t'aurais pas dis d'entrer.
Je m'assieds au bout du lit, elle se redresse et vient s'asseoir à côté de moi.
-Si j'avais su qu'un jour ce serait moi qui devrait t'aider et pas le contraire.
Il y a une musique de fond, calme.
-Je vais bien...juste regarde-toi, t'as plus de joie de vivre, t'as l'air tellement détruite...
Elle se penche et chope mon t-shirt, l'enlève et je sais pas par quelle technique l'enfile. Elle prend mes mains et me force à me lever :
-Danse avec moi.
J'aime ces moments où elle est de nouveau elle. J'accepte, elle pose ses mains sur mes épaules, j'enlace sa taille.
-T'es parti, d'un jour à l'autre, je t'en veux pas. J'ai continué à vivre mais j'en ai eu marre de me faire briser, alors je me suis brisée moi-même pour que les autres ne puissent pas.
-C'est de ma faute ?
Elle me fixe et baisse les yeux, elle regarde mon torse.
-Je...C'est juste que...Tu me donnais envie de vivre. Et tu m'as abandonné, sans toi, ça a toujours été difficile.
-Tu m'aimes encore ?
-C'est plus compliqué que ça. Je t'ai aimé bien plus qu'on ne peut, c'était pas quelque chose qu'on rencontre tous les jours, depuis toi je sais que les autres c'étaient juste des petites amourettes de passage. J'aimerais personne comme je t'ai aimé toi. Mais je continue ma vie, comme si tu étais même plus de ce monde et quand ça va pas, j'aimerais que tu sois là. La vie c'est d'la merde Romain.
-Je sais mais tu te rappelles pas de ce que je t'ai dis : tu dois te battre pour réussir.
-Je t'explique le truc : j'ai plus envie de me battre, plus envie de vivre,c'est tellement triste, à quoi ça sert honnêtement ?
J'ai envie de la serrer dans mes bras.
-Donc j'ai toute une nuit pour te faire t'amuser, qu'est-ce que tu veux faire ?
Je prends un air ironique mais elle me brise tout au fond. Elle me regarde, sourit et approche sa bouche de mon oreille :
-Fumer de la weed.
Je ris :
-Ok mais je veux faire quelque chose d'autre avant.
Je lui enlève mon t-shirt et je caresse ses flancs, je commence à embrasser son cou. Elle sourit et je la fais tomber sur le lit, elle éclate de rire et ramène ma bouche vers la sienne, je pose enfin mes lèvres sur les siennes.
Je me réveille dans le lit, elle est dans mes bras, nue. J'embrasse son crâne, elle s'étire.
-Bonjour.
-Salut.
-Il est quelle heure ?
-Approximativement 02:00 du mat'.
Elle se relève, enfile mon t-shirt et un slip et me regarde :
-On fume ?
Je souris et je me lève, je vais rouler. Elle s'assied sur le grand lit défait et me sourit, elle est si belle, ses cheveux décoiffés et placés délicatement derrière son oreille, je l'ai retrouvée. Je lui tends le joint, elle sourit, le sourire qu'elle prend quand elle a envie de jouer, elle tire, laisse tomber la tête en arrière et souffle la fumée :-
J'adore ça.
Je lui souris, je ne peux décrire ce que je ressens actuellement.
-Chiara...
Elle ramène sa tête en avant et la penche sur le côté.
-Oui ?
-Je veux pas te voir aussi détruite.
Elle me sourit et je m'y attendais pas. Elle s'approche à quatre pattes et embrasse mon front avant de me faire face, son visage à deux centimètres du mien.
-J'irai bien, fais moi confiance.
Elle se laisse tomber assise sur le lit, elle me défie presque du regard.
-J'serai tellement belle que t'en tomberas amoureux la prochaine fois.
Je ris, cette fille est exceptionnelle, beaucoup plus qu'elle ne le croit.
-N'arrête jamais de sourire au monde, ça doit être ce qui le rend plus beau.