J'aurai pu mourir

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Face contre terre, je suis allongé. Face contre terre, j'aimerai rêver. Je suis tiré de ma torpeur par des pas. Une porte, au milieu du palier du premier étage, commandait les marches. Cette porte, menant tout droit à Sa chambre, oui, cette porte qui symbolise tout ce que je ne veux pas voir, tout ce que je ne veux plus vivre. Cette porte qui symbolise la vie qu'Elle n'a plus, la vie que je ne veux plus. Mais on ne se tue jamais quand on est fou paraît-il... Jamais. Malgré le bruit de ville qui s'éveille, son absence me donne l'impression d'un féroce silence. Je réouvre les yeux sans plus regarder cette porte. Mon regard reste perdu sur le mur blanc, et sans qu'un seul de mes muscles ne bouge, une larme coule sur mon nez, reste suspendue au coin de ma bouche, trahissant par sa vie presque sourde, poignante comme la douleur des hommes, cette réalité inoubliable, inacceptable.

 "Monsieur, il est l'heure, devons nous retarder la conférence?".

 Ces mots distordus parviennent jusqu'à moi à travers la porte. Je les écoute, mais ne les entend pas, toujours coupé du monde. Toujours aussi machinalement, comme si je n'étais qu'un pantin inarticulé, je répond, à ma propre surprise:

"Annulez tout."

Le ton sec de cette personne qui ne me paraît pas être moi sonne faux, comme s'il était amplifié, réfléchi par chaque murs de la pièce. Les bruits de pas s'éloignent de nouveau. Je me décide à me lever, seulement motivé par la volonté d'échapper à cette impression onirique qui s'empare de plus en plus de moi. Machinalement, je me dirige vers la salle de bain. 

Il est déjà sept heures. Il est sept heures, et je vomis dans mon lavabo. Je me regarde dans le miroir. Je ne me reconnais pas. Je recommence à pleurer, comme si ma propre personne était irréversiblement liée à Elle. Il est sept heures, et je ne me reconnais plus. Je frappe le miroir. Du sang s'écoule lentement de mes phalanges, tandis que mon reflet brisé reste là, comme pour me provoquer, comme pour me narguer, m'invitant à continuer. Alors je continue. Encore et encore. C'est fini, il ne reste plus rien que des éclats de miroir sur sol. C'est fini, mais je ne me sens pas mieux. 

Et toujours ces bruits de ville, toujours ces bruits sourds de moteurs, de cris, comme une nouvelle provocation. Toujours cette douleur dans ma tête. Surtout, ne pas bouger, ne surtout pas bouger. Trop tard, j'ai attrapé un morceau de miroir. Je pose ma main sur mon genou, et j'envoie un coup sec. Ah, raté, la lame à glissé, la plaie est superficielle, mais je saigne. Je regarde avec satisfaction la flaque crée se disperser dans les raies du tissu de mon pantalon. Le sang coagule, et ma peau à l'air rouillée. Je ne veux pas penser , mais je pense que je ne veux pas penser. Ça n'en finira jamais. J'existe parce que je pense, et je ne peux pas m'arrêter de penser. La haine, le dégout, le mépris de tout être supérieur, ce sont tout autant de manières de penser, et de me faire penser. Je n'en peux plus, je dois dormir. Toujours aussi machinalement, presque comme un automate, je prend les somnifères de Brigitte. Encore un effort pour arriver jusqu'au lit. Ça y est. Je prend enfin les somnifères.

Confessions d'un Enfant de Droite.Where stories live. Discover now