Face contre Terre

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Il est cinq heures, et enfin, Paris s'éveille. Il est cinq heures, et moi je suis seul. Aujourd'hui, Brigitte est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai seulement reçu un appel, très froid, concis. Oui, Aujourd'hui, Brigitte est morte. Et tout à l'heure je devrai, encore une fois, parler, sourire, mentir. Il est cinq heures, et aujourd'hui Brigitte est morte. Je me répète ces mots, comme pour me convaincre moi même, comme si tout cela n'était pas encore réel, comme si j'étudiais toujours La Cantatrice Chauve avec elle. Aujourd'hui, Brigitte est morte. Il est seulement cinq heures, mais aujourd'hui, les secondes sont des heures. 

Aujourd'hui, Brigitte est morte. J'ai besoin de me recueillir. J'ai besoin d'être avec elle, encore, toujours. J'ai besoin de retourner à Amiens. Mais il est cinq heures, et dans deux heures je devrai parler, répondre aux journalistes.

Je m'allonge sur le parquet froid, là où nous jouions si souvent. Je m'allonge, et je me le répète, encore une fois "il est cinq heures, et Brigitte est morte". Je me le répète, encore et encore, pour me sortir de cette léthargie, pour accepter. Ou alors pour ne plus avoir à trembler, pour ne plus sursauter à la vue de chaque objet qu'elle ait touché, pour la tuer un peu plus. Il est cinq heures et demie, et Brigitte est morte. Déjà cinq heures et demie. Et toujours cette impression de nausée, cette impression de détachement, comme si tout cela n'était qu'un rêve. Mais non, il est cinq heures et demie, et Brigitte est morte.

Froid. Le froid du parquet, voilà à quoi me rattacher. Il est cinq heures et demi, Brigitte est morte, et le parquet est froid. Je repense à cette phrase "C'est fini maintenant monsieur l'Antéchrist". C'est fini maintenant. Le parquet est de plus en plus froid, Brigitte est de plus en plus morte, et il est maintenant six heures. Cela fait une demie heure que je suis allongé sur le parquet. Je suis allongé comme ce dimanche, où j'ai du mal à me réveiller, Brigitte doit me secouer. Nous ne mangeons pas, nous voulons nous baigner tôt. Mais aujourd'hui rien de tout ça. Je me sens vide, et jai mal à la tête. Aujourd'hui, pas de baignade, pas de rires, pas de débats. Aujourd'hui, il est 6 heures et quart, Brigitte est morte, et le parquet est froid. Et moi, je suis là, vivant, la joue sur ce sol froid et dur, sur ce sol que je déteste. 

Confessions d'un Enfant de Droite.Where stories live. Discover now