Chapitre 15

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Ses traits sont animés par la colère. Sa mâchoire de serre à ma vue et je déglutis. Je jette un rapide coup d'oeil à l'intérieur de la hutte; Loan dort comme une bûche. Il n'a même pas entendu Ella sortir.

-Tu fuis ? je lui demande en haussant un sourcil.

Elle se renfrogne en me jugeant du regard.

-J'avais envie de prendre l'air, dit-elle en se dégageant de moi pour poursuivre son chemin.

Bien décidé à ne pas lâcher le morceau, je la suis.

-Il fallait que je te parle, lui dis-je.

Elena se stoppe net. Elle fait volte-face en pointant son index contre ma poitrine.

-Tu ne penses pas que j'ai le droit à un peu de répit?

Je sens qu'elle va exploser. Ce n'est pas le moment de créer une scène au beau milieu du village alors que la meute dort.

-Allons à quelque part d'autre, je propose doucement.

Ella comprend et acquiesce sans rien ajouter. Je me dirige vers la forêt: je sais exactement où aller. Sans ronchonner, elle me suit. Je m'attendais à ce qu'elle pose plein de questions, mais non. Elena demeure silencieuse pendant tout le trajet. Ce qui ne fait qu'empirer les battements nerveux de mon coeur. Avec elle, je ne sais jamais à quoi m'attendre. L'inconnu. Avec elle, tout m'est inconnu. C'est cela qui m'effraie, mais attirant. Autant elle m'effraie qu'elle m'attire. Elena.
Au bout de quelques minutes de marche dans les bois, nous arrivons là. À ce lieu si précieux. C'est là que je l'ai vu pour la première fois. C'était une âme en peine, brisée, effondrée, il ne fallait que recoller les morceaux, mais même cette chose si simple j'en suis incapable. Loan ferait un meilleur amant. Il me surpasse dans bien des domaines comme l'empathie et les femmes. Il sait comment leur parler et les comprendre, moi, c'est comme du mandarin! Je me demande si Loan fait des cours.. Après tout, cela devrait exister dans les écoles: des cours sur la psychologie des femmes. Ça serait drôlement utile.

Des secondes se sont écoulées alors que j'étais perdu dans mes pensées. Ella s'est assise en tailleur sur le bord de l'eau et ne semble pas se préoccuper de ma présence. Je fais deux pas vers elle, mais me ravise sur-le-champ. Son aura est plus froide et méfiante que jamais. L'absence de son esprit dans le mien me donne des frissons. Elle s'éloigne, je le sens.

-Elena, je...
-Suis désolé? complète-t-elle sèchement.

Je soupire.

-Oui.

Elle demeure silencieuse quelques secondes. Toujours assise dos à moi, elle répond:
-Et alors?

Perplexe, je fixe son dos en fronçant les sourcils. Ella se relève doucement et me fait face. Ses yeux s'illuminent de colère, mais aussi... de tristesse. Je l'ai blessée et « être désolé » ne sera pas suffisant.

-Tu m'as fais vivre un calvaire durant ces derniers jours. J'ai changé de demeure pour fuir les horreurs que les hommes me faisaient et je ne le regrette pas. Je t'ai fais confiance. J'ai accepté le fait que vous soyez tous des loups. J'ai avalé l'information que nous sommes soi-disant lié selon les étoiles ou je ne sais pas quelle connerie et que je sois la Luna de ta meute. J'ai failli mourir d'une maladie. Les hommes nous ont attaqués pour que je revienne... Mais ça, dit-elle en nous pointant, c'est trop. C'est trop pour moi.

Ses yeux s'emplissent de larmes, elle va craquer. Elle a raison. Je lui fait vivre un cauchemar, alors que j'essaie de lui faire vivre une belle vie. Celle qu'elle mérite. Quel raté, je suis ! Et en plus, elle est restée tout ce temps ici, au village, près de moi. Je m'approche d'elle et tends la main pour caresser sa joue, mais elle me repousse immédiatement. Mon coeur se casse un peu plus.

-Tu..Tu ne peux pas me dire seulement « désolé », me caresser la joue et penser que je vais re tomber dans les bras ! Non, Malik ! On doit en parler !

Mes épaules s'affaissent. Je suis l'Alpha, mais ce petit brin de femme me met K.O. en seulement deux paroles. Plus vraies que la vérité, qui plus est. Arg! Ce sentiment d'infériorité me met en rogne! J'ai une envie de frapper quelque chose. De fendre un arbre en deux ou un rocher. De courir des miles et des miles sans m'arrêter. Ne trouvant pas les mots pour lui répondre, Elena soupire et prend les rênes de la conversation:

-L'aurais-tu changé?

Mon regard croise le sien. Ce simple contact anime mon coeur et ma gorge se noue.

-Q...?
-Ce rituel. L'aurais-tu changé ?

Nos regards restent accrochés l'un à l'autre durant quelque temps.

-Évidemment. Je ferais tout pour toi. Je... Je comptais le faire après ma rencontre avec les Hommes, mais tu l'as appris plus tôt que prévu.
-Tu comptais me le dire? Sincèrement? questionne-t-elle.
-Non.. Je ne voulais que tu aies peur et que tu prennes la fuite. Je ne veux pas risquer de te perdre, alors que je viens de te trouver. Je m'apprêtais à changer cette coutume sans t'en parler.
-Qui est Kiara pour toi?

Je pousse un petit rire nerveux.

-Kiara? Une amie avec qui j'ai grandi. On a développé une attirance, juste physique, mais elle s'est mis en tête que je ne te trouverai jamais ou que je finirai par me languir d'elle.
-Et? s'enquit Elena.

Je m'approche d'Ella et encadre son visage entre mes larges mains. J'attends le temps de voir s'elle va me repousser. À mon grand soulagement, elle n'en fait rien et ses yeux magnifiques se plongent dans les miens.

-Elle n'est rien pour moi. Je t'ai, toi, et je ferai n'importe quoi pour te garder dans ma vie. Je renoncerai à tout ça, à mon titre, à ma meute, à ma nature pour aller vivre en Allemagne avec toi.

Ses yeux, tout à l'heure emplis de haine, maintenant pétillent d'espoir. Un faible sourire apparaissent sur ses lèvres rosées. Tranquillement, son esprit s'ouvre aux miens et, depuis quelque temps, je ne me sens plus vide. Elle apporte des couleurs à mon âme, à mes pensées et c'est cela qui me manquait.
Je rapproche mon visage du sien. Comme pour demander une approbation, de peur qu'elle me repousse. Ses mains laiteuses enserrent mes biceps et, avec une lenteur surhumaine, je pose mes lèvres sur les siennes. Je me ressens vivre, naitre de mes cendres, de mon coeur en décomposition. J'amplifie notre baiser et Ella enlace ma nuque de ses bras. Elle m'a manqué. Ne plus l'avoir dans la tête était une torture. Quand je l'imaginais seule avec Loan, je ne pouvais m'empêcher de m'imaginer les pires scénarios. Ça me tuait. Mais je fais confiance à Elena et à Loan. Jamais mon bêta, mon homme de confiance, ne me ferait quelque chose du genre. Il n'aurait jamais profité de cette situation. Je le connais.
Ce baiser dure de longues minutes avant que nous nous laissons pour de bon. Je colle nos fronts ensemble, reprenant notre souffle saccadé.

-Est-ce que ça veut dire que tu reviens à la maison?

Souriante, elle acquiesce. Rien ne pourra m'enlever ce bonheur. Jamais. J'ai eu un avant-goût de perdre mon âme-soeur, jamais je ne ferais l'erreur deux fois. Mon père avait raison, je mourrais.

L'Âme d'Un AlphaWhere stories live. Discover now