Chapitre 1

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Chapitre 1💌
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C'est incroyable comme le temps file. Les jours se bousculent pour se faire une place dans le passé, les lunes se succèdent à chaque battement de coeur ; et moi une fois encore, le regard fixé sur la rue, la pensée piégée dans un lointain passé, je ressasse encore des souvenirs.
Des souvenirs qui m'appartiennent, ma petite vie sans éclat, mes malheurs et mes pleurs.

Aujourd'hui encore, j'ai du mal à raconter ma vie car chaque mot réveille une cicatrice sur mon coeur.

C'est très difficile de fermer la page de nos défaites, car les remords, souvent reviennent perturber nos silences. Mais cette fois, je décide de vous dire mon histoire, j'ai envie de parler pour tout vider. Peut-être ma voix finira par calmer ces fantômes du passé, peut-être mon histoire donnera de l'espoir à autrui.

Je me nomme Solim, togolaise résidant en Côte-d'Ivoire il y a déjà quinze année de cela.
Mais avant de vous parler de mon présent, demi-tour au passé.

Des années plus tôt..

Comme tout le monde, j'avais moi aussi une famille. Mais une famille bien éphémère dont un père exerçant dans l'armée togolaise, une mère ménagère, un frère puis une petite soeur.

En effet, ce serait vous tromper si je vous disais que j'ai gardé des souvenirs de mes frères, car très tôt, le premier rendit l'âme, avant même que je ne sache prononcer un mot.

Ensuite ce fut le tour de mon père, et là encore, je n'avais que cinq ans, l'année d'après, ce fut ma petite soeur qui rendit l'âme.

Ces périodes furent très douloureuses pour nous. Ma mère était devenue méconnaissable et moi j'attendais mon tour car j'étais convaincue que la mort avait décidé de décimer toute ma famille.

J'étais juste une gamine mais déjà je connaissais cette douleur qui dépassait celle de la chair ; cette absence spirituelle, cette souffrance de l'âme, qui comme ce puits sec au profondeur éternelle fait souffrir l'espoir d'un assoiffé. Toutes les nuits je pleurais et criais leurs noms et ma mère en me consolant faisait pire. On était comme des bébés abandonnés.

Les jours duraient des mois, et les mois n'arrivaient pas à cicatriser nos plaies.

Logées dans un camps militaire, ma mère et moi étions obligées de déménager pour un nouveau toit.

Par chance, une de mes tantes accepta de nous accueillir pendant un bref moment. Ça a fini par aller mieux, en tout cas les larmes avaient peu à peu pris congé de nos yeux.

Ce nouveau toit réussit à éloigner un temps soit peu nos douleurs. Les jours devenaient moins longs, même si un lourd silence continuait par occuper mon esprit. Je repris le chemin de l'école après un long répit, j'étais au CM1.
Une nouvelle classe, de nouveaux camarades, tout était nouveau, surtout moi.
Je me sentais différente et toute l'année je n'arrivai pas à me faire une amie, même l'enseignant m'arrachait difficilement mon silence.
Un jour, il m'envoya au tableau pour la correction d'un devoir, et moi je restai là telle une poule mouillée, silencieuse, la craie en main ne sachant pas quoi faire.
Je tournai le regard vers l'enseignant, dont le visage avait changé de couleur, et la main bien occupée .
À cet instant je compris que ce bâton devenait mon interlocuteur, et je devais me préparer à un langage soutenu, car l'exercice ne me disait pas grand chose. Je fis face à mon destin, je tendis ma main sans cligner les yeux.

SURVIVANTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant