Le temps finit par replonger mon père dans ses habitudes, les masques finirent par tomber, la colombe refit place à l'épervier, la tendresse à la rudesse. Et pour un rien je recevais des gifles, parfois même pour ce que je n'avais pas fait. Mais je savais que je devais cette fois rester solide car l'examen était déjà proche. Et puis je compris qu'il ne changera jamais, l'option finale serait de quitter ce toit avec ma mère.À cette époque, le CEPD ressemblait encore à de l'examen, il fallait batailler pour décrocher les soixante-dix points mis en jeu. La course à la montre était lancée très tardivement de mon côté, j'avais du mal à suivre le rythme des calculs écrits et les leçons tantôt recopiés, qui devaient être assimilés.
Les deux derniers mois avant les examens rouges furent intenses, j'avais subitement repris les forces, mon envie de réussite se bonifiait chaque jour. Malgré l'atmosphère qui régnait à la maison, je consacrais du temps à mes cahiers.
Ma mère était désormais présente les soirs et s'occupait de la cuisine.
Mon père trouvait rarement les occasions pour me battre. Ce fut ainsi jusqu'à ce que je passai l'examen.L'attente des résultats fut stressante, j'y pensais à chaque minute. Il m'arrivait de calculer mes notes dans l'imaginaire et parfois j'avais tout juste la moyenne. D'autres fois quelques points manquaient, parce-que j'avais des doutes sur le calcul mental. J'étais sûr de rien, et plus les jours se succédaient, plus mes nuits me rappelaient mes erreurs en EDUSIVIP ou mes fautes d'orthographe en Dictée.
Puis vint le jour J. Lorsque j'appris qu'on proclamait nos résultats, ce fut mon coeur qui le premier se manifesta, ensuite j'eus une folle envie d'uriner, sauf qu'aucune goutte ne sortit ce jour là. La peur au ventre, je couru sans assurance dans mes élans jusqu'au Centre d'écrits.
Il y avait déjà foule, et les numéros des admis résonnaient. S'en suivaient des joies et des pleurs, pleurs pour ceux dont les numéros étaient sautés.
Je retrouvai certains camarades de classes qui comme moi priaient tous les dieux de la réussite, bah s'ils existaient !
Ce fut ainsi, que l'un d'entre nous sauta de joie et disparut dans la foule. Il venait de décrocher son examen. Chaque joie nous donnait espoir et chaque pleur nous faisait envisager le pire. De numéro en numéro, de jury en jury, on arriva enfin à mon niveau. Et tout autour de moi devint calme, mon entourage avait totalement disparu.
Mes yeux avaient pour cible les lèvres qui disaient les numéros.
22.40 espérais-je écouter. La patience me rendait folle, mille milliards d'idées gesticulaient dans ma cervelle. Je m'imaginais des scénarios incroyables et je pensais plus à l'échec qu'a la réussite, mon coeur n'était plus tranquille dans sa cave. Mes jambes, je ne les sentirent plus ; mes mains se faisaient arroser de sueur et ma gorge s'asséchait de plus en plus. La seule partie de mon corps que je contrôlais à cet instant était mes yeux.
Ce jour là, je passai l'un des moments les plus stressants de mon enfance.Puis, arriva l'instant fatidique, où mon numéro s'échappa de ses lèvres tel un obus de délivrance, et il m'atteignit en plein coeur.
Ma joie fut aussi immense que mon stresse. Je sautai dans tous les sens, je criai au monde ma réussite, je repris contrôle de tout mon corps et ressentie la présence de mon entourage. Comme pourrais je bien vous décrire toute ma joie ? Il faut le vivre. Cela faisait si longtemps que j'avais plus ressentie une telle émotion positive. Le chemin du retour m'avait apparu très long malgré mes grandes enjambées. Sur la route, personne ne posait la question, ma joie trahissait d'avance la réponse. Eh oui j'avais eu mon CEPD.
À la maison, ma mère était déjà de retour, et sans savoir comment, par quelle magie, elle fêtait déjà mon succès. L'information avait belle et bien emprunté pieds et bouches pour me devancer. Mon père n'était pas encore de retour, les voisins s'étonnèrent de ma réussite, une femme avait même conseillé à ma mère d'aller vérifier par elle même. Mais ma mère avait confiance.
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SURVIVANTE
Non-FictionSurvivante est une histoire inspirée de faits réels. À travers ma plume, Solim vous ouvre son monde : son enfance, son adolescence, et sa jeunesse. Bonne Lecture 💌💪