Le souvenir effacé

Chapitre 5

Enfin, Livvy se tourna vers Mr Forkle et lui dit que tout était revenu dans l'ordre. Elle allait néanmoins donner un dernier élixir à Sophie afin de restaurer ses pouvoirs, qui avaient souffert lors de son évaporation. Elle sortit alors d'une de ses poches un petit flacon rempli de Libium, une substance spécifique des cités perdues. Amy sentit enfin son angoisse et sa peur disparaître et laisser place au soulagement ; même si elle avait perdu son sang froid quand Sophie s'était décomposée devant elle et qu'elle avait prononcé des mots qu'elle regrettait déjà, elle l'aimait énormément et elle avait eu très peur qu'il ne lui arrive malheur. Par sa faute en plus, puisque Sophie s'était précipité sur elle pour lui sauver la vie. C'était donc un véritable soulagement pour elle d'apprendre que tout serait bientôt terminé... C'est alors que tout bascula.

Le visage de Sophie se mit à gonfler petit à petit. Elle semblait avoir de plus en plus de mal à respirer. Livvy était affolée, ne sachant ni ce qui se passait ni comment agir face à cette réaction... À cours d'idées, Mr Forkle se précipita sur le téléphone et composa le numéro des urgences. Si les élixirs elfiques faisaient cet effet à Sophie, peut-être que la médecine humaine pourrait contrebalancer l'effet néfaste ? Il appela également les parents de Sophie afin qu'ils accompagnent leur fille à l'hôpital. Avant que tous arrivent, il demanda à Livvy s'il pouvait modifier les souvenirs récents de Sophie sans détériorer encore plus son état. Livvy ne trouvant pas de contre-indication à cette opération psychique, Mr Forkle posa ses mains sur les tempes de Sophie quelques secondes avant de répéter la même opération chez Amy. Encore sous le choc de la réaction de sa sœur, Amy ne réagit pas lorsque le vieil elfe toucha sa tête, facilitant ainsi sa tâche. Il modifia leurs souvenirs récents, afin qu'aucune des deux fillettes ne se souviennent de la raison de l'allergie de Sophie. Par mesure de sécurité, il élimina également tous leurs souvenirs datant des dernières 24 heures en rapport avec le monde elfique. Elles oublièrent ainsi tout ce qu'elles avaient découvert, depuis le rêve de Sophie jusqu'à l'existence des elfes. Seules des intuitions demeureraient après l'opération,  auxquelles elles pourraient éventuellement faire appel plus tard et qui leur seraient peut-être d'une grande aide. Une fois cette action télépathique  terminée, Mr Forkle installa Amy confortablement dans un fauteuil afin qu'elle se remette doucement de cette opération.

Le temps que l'ambulance parvienne jusqu'à eux, Sophie s'était mise à rendre tout ce qu'elle avait mangé au goûté. Livvy et Forkle étaient plus pâles que des fantômes et Amy paraissait à deux doigts de tomber dans les pommes. Les premiers arrivés furent les ambulanciers. Analysant la situation en un regard, ils sortirent le brancard afin d'y installer Sophie. Livvy s'étant éclipsée juste avant le débarquement des secours, le voisin des Foster se retrouvait donc le seul adulte présent. Il monta à l'arrière du véhicule avec Sophie tandis qu'Amy eut la chance de voyager à l'avant, ne pouvant rester toute seule dans la maison car étant encore mineure. Elle profita cependant peu de ce court trajet car la manipulation de souvenirs de l'elfe l'avait à moitié assommée. Heureusement, les soignants posèrent peu de questions sur son état, le mettant sur le compte de l'émotion dû à la forte réaction allergique de sa sœur.

Maintenir Sophie en vie durant le trajet s'avéra plus compliqué que prévu, nécessitant même un appel d'urgence à l'hôpital pour demander de préparer à l'avance la salle d'opération et de réunir des médecins spécialisés. Ainsi, tout était en place lorsque l'ambulance atteignit enfin le parking réservé aux cas critiques. Le véhicule à peine stoppé, les brancardiers en  jaillirent immédiatement afin de remettre au plus vite la blessée entre des mains expertes. Quant à elle, Amy fut prise en charge par la garderie de l'hôpital où se trouvaient déjà de nombreux enfants.

Les parents de Sophie arrivèrent pendant l'opération. Une infirmière les accueillit puis les dirigea vers la chambre qui avait été préparée à l'intention de Sophie afin qu'ils puissent l'y attendre. Pendant ce temps,  Sophie se battait contre la mort... Autour d'elle s'affairaient de très nombreux spécialistes, cherchant tous à comprendre la raison de ses gonflements inhabituels. Pendant un long moment, ils essayèrent différentes molécules afin de contrer l'allergie ou même simplement d'observer une quelconque évolution qui soit positive ou négative, qui permettrait d'orienter les recherches. Ils finirent finalement par trouver le traitement après de nombreux essais et de longues heures à repousser l'échéance mortelle. Une fois le remède concocté, ils mirent Sophie sous perfusion afin que toute trace d'allergène soit  neutralisée par l'antidote. Afin de permettre à son organisme de se concentrer exclusivement sur la lutte contre la substance nocive, Sophie fut mise sous oxygène. On dût également la relier à d'autres machines, permettant entre autre de vérifier son pouls. Perdue au milieu de tous ces fils, la jeune fille paraissait si frêle !

Lorsqu'elle ouvrit les yeux pour la première fois depuis son opération, elle put quitter la salle de réveil. On poussa son lit jusqu'à sa chambre où l'attendaient ses parents. Cependant, elle ne resta éveillée que quelques secondes avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience. Après s'être occupés des documents administratifs, ses parents avaient tenu à rester et à suivre de près le déroulement de l'opération : le personnel médical venait donc régulièrement les informer des avancées des tests. Quand Sophie était sortie du bloc opératoire, les médecins leur avaient expliqué qu'ils n'avaient pas réussis à comprendre d'où venait l'infection mais qu'ils avaient malgré tout concocté un antidote dans le cas où l'allergie se manifesterait de nouveau.

Lorsque Sophie finit par émerger de nouveau d'un sommeil peu réparateur, elle vit que sa mère s'était endormie sur une chaise, installée à côté de son lit. En jetant un coup d'œil à la fenêtre, elle vit que la nuit était tombée. La lune et les étoiles resplendissaient dans le ciel d'ébène. Aucun nuage ne venait obscurcir la moindre lueur céleste. Sophie put ainsi découvrir les contours de sa chambre grâce à la clarté des astres. C'était une chambre blanche, semblable à toutes les autres chambres d'hôpital. Elle possédait un unique lit, une armoire et la chaise où reposait sa mère. S'intéressant ensuite plus spécifiquement à son entourage immédiat, elle s'aperçut que de très nombreux fils reliaient son corps à quelques machines disposées à gauche de son lit. De plus, sur la commode, elle découvrit un plateau avec un repas froid. Un mot y avait été posé à son intention ainsi qu'un dessin. Le message lui indiquait que, ne sachant pas quand elle se réveillerait à cause de la quantité astronomique de molécules qu'elle avait dû ingurgité pour être sauvée, un plateau-repas avait été préparé pour elle au cas où elle se réveillerait en dehors des heures de services. Le dessin était signé par Amy. On pouvait y reconnaître une maison semblable à la sienne entourée de nombreux cœurs et de têtes d'elfes. Sans comprendre la présence de ces petites têtes à oreilles pointues, elle sourit devant l'amour évident de sa sœur.

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