Une poésie du dedans

3 0 0
                                    


Il fallait remonter loin dans cette existence. Y chercher au fond ce qui l'avait mené sur l'autel de la gloire. Y trouver la source intarissable de cette force fantastique qu'il avait déployée dans les épreuves les plus ardues d'une vie, de celles dont on succombe.Il fallait remonter loin, bien loin, dans cette existence. Y dénicher les secrètes histoires qu'on oublie au fond des tiroirs de l'enfance. D'une enfance qu'il avait vécue à l'ombre du chêne, perdu entre les lignes d'un livre, dans les brises d'été, en voyage dans un autre monde où il avait tant cherché sans savoir quoi.Il fallait remonter loin, si loin ! dans cette existence. Y trouver une autre vie, de celles qu'on vit en soi. Auxquelles les livres donnent naissance, que nos fantasmes façonnent et que l'esprit porte plus loin encore. Cette vie du dedans n'avait pas de fini. Cette vie avait poussé plus loin les espérances d'un Homme que ne l'avait fait l'existence. Cette vie nous avait donné l'existence.C'était aux confins de cette existence qu'il fallait remonter. L'on y trouvait alors ce que le cosmos a fait de plus beau dans l'âme d'un enfant. Car l'on y trouvait ce nulle part, cette place de l'entre-deux, entre l'existence et la vie du dedans, à l'instant infime où le dedans recouvre l'existant, au moment où le dedans devient existant, où le monde se fait représentation de l'imaginaire intérieur. C'était à ce genre de confins qu'il fallait remonter, autrement dit des confins qui n'existent pas, ou du moins de ceux qui surpassent l'existence.Il fallait donc remonter au primitif du dedans, c'est-à-dire à la naissance de ce dedans. Et mon dedans naquit un soir, je croix, entre chien et loup. Et je devais être près d'un buisson frémissant, je devais être près d'une tribune remplie de monde, je devais être un enfant. Un ciel bleu, légèrement ambré, dans la chute de l'astre. Des voix un peu partout. Des voix d'adultes. Des voix d'enfants. Et ma voix, la mienne, qui attendait ses premiers mots. Et cette voix, soudaine voix, que le ciel dans ses flancs porta et jusqu'aux miens souffla ! Cette voix désincarnée, je crois, dont voilà... dont voici ! les mots :« Faites des rêves, et réalisez-les ! »Il fallait donc remonter à l'instant où le dedans naissant donne naissance à l'existence. Et juste avant ce dedans naissant, remonter à cette voix du ciel, à ses mots, aux trépidations violentes qu'elle suscita en mon être, à cet être courbé, hurlant, qui, engrossé par la poésie du monde, mit au monde une poésie du dedans. 

-Blossom

The NotebookWhere stories live. Discover now