Partir!

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09 mars 1986

La vie est belle! Aujourd'hui, Aleksendre a trouvé un travail! Il est embauché à quelques kilomètres de Kiev dans la Centrale Lénine, une centrale nucléaire récemment construite et très prometteuse! Nous quittons enfin notre campagne boueuse pour Pripyat! La ville modèle de l'URSS! Là bas, la vie sera belle! Plus d'hiver glacial aux températures pouvant aller jusqu'à -15°C, fini les bêtes sauvages dont nous avions toujours peur, au revoir la solitude omniprésente et la misère qui s'installait dans notre foyer! À présent, l'avenir nous sourit! Des voisins, des amis, des activités, des commerces... Que de changements! Que j'ai hâte! Nous n'avons aucun autres meuble qu'un lit de fortune, une table, deux chaises et un vieux canapé défoncé dont les ressorts sortent en dessous du tissu craqué... Quand à l'argent... nous aurions à peine eu de quoi nous acheter un appartement à Pripyat si le gouvernement ne prenait pas cela en charge... il sera bien vide, mais nous aurons un toit...!

Nous avons trois semaines pour déménager et une petite camionnette. Kiev est à quatre jours de voitures d'ici. Je préfère dire «Ici«, car nous n'habitons nul part... dans une forêt perdue à 100 kilomètres de Murmansk... Le froid d'hiver nous a encore rattrapé. Ce n'était pas pour nous surprendre, mais, cette année, le froid est encore plus  ardent ... deux de nos lapins et cinq de nos poules sont morts... La faim se fait sentir! Nous mangeons tous les deux jours, et encore, pas à chaque repas... il ne nous reste qu'un lapin, une poule et un coq... il était urgent de partir! À Pripyat, je retrouverai ma sœur qui habite à Kiev. Cela fait trois ans je nous ne nous sommes pas vu... la dernière fois qu'elle a voulu venir nous rendre visite, nous avons été obligés de refuser... nous avons déjà à peine de quoi nous nourrir. En pleine guerre froide. La famine fait rage en URSS; vivement la fin de cette foutue guerre!

il est 17h34, Aleksendre est allé couper du bois. -16°C au thermomètre... c'est de la folie de sa part! Surtout de nuit! Pourvu qu'il revienne vite!

09 mars 1986, 18h49

Enfin! Aleksendre est revenu! Il m'a raconté qu'il avait rencontré de loups... des loups! L'animal que nous craignons le plus! C'est  une première; si ils viennent jusqu'à notre modeste cabane, nous sommes morts! Nous n'avons qu'une hache et un fusil pour nous défendre en cas de vol, ou d'invasion de bête sauvage.

Rescapée de TchernobylOù les histoires vivent. Découvrez maintenant