Un petit défi où un personnage devait apparaître en maître d'école... C'est donc Henri qui s'y colle, et ses méthodes ne sont pas exactement orthodoxes... Bonne lecture !
Les écoles de campagne étaient toujours plus intéressantes que leurs équivalents des villes. Pas seulement parce qu'il y avait des enfants de tous les âges, mais aussi parce qu'on y rencontrait des archétypes variés – le cancre qui dormait à côté du poêle, le premier de la classe avide d'attention, le timide caché derrière son livre, le fils de notable qui paradait dans ses beaux habits, la descendance du garde champêtre qui estimait que l'autorité se passait en héritage, le comique avec du goût pour le de chaos... On aurait pu en faire un roman, songea Henri avec amusement.
Ce petit monde le contemplait avec curiosité pour les uns, ennui pour les autres, méfiance pour quelques-uns.
« Bonjour à tous. Votre institutrice, mademoiselle Grangier, est retenue par un problème familial. Son oncle, qui se trouve être mon patron, m'a demandé de la remplacer. Je n'ai pas pu refuser : je tiens à ma place ! Se faire bien voir de ses supérieurs est un facteur important pour avancer dans la vie. »
Les enfants, qui devaient avoir entre six et onze ans, le regardèrent bouche bée. Ce n'était pas l'introduction qu'ils attendaient.
« Non seulement cela m'ennuie profondément, mais je n'ai pas les qualifications requises. Ou plutôt, je ne les ai plus. Je me suis jadis lancé dans la tâche de tirer de l'ignorance et l'illettrisme toute une population encore plongée dans des ténèbres préhistoriques. De toute évidence, vous n'en êtes plus là. C'est déjà un réconfort. »
On aurait pu entendre voler une mouche – d'ailleurs, en tendant bien l'oreille, un léger bourdonnement résonnait vers l'une des fenêtres du vétuste bâtiment de brique rouge. Les gamins le fixaient avec des yeux ronds – même le cancre s'était réveillé et suivait son discours avec intérêt.
« Mais revenons à l'essentiel : je suis Henri Berliniac, journaliste au Mercure Parisien. Recommandez chaudement ce journal à vos parents. La plupart des nouvelles ne concernent que la capitale, mais plus il y aura de tirage, meilleur sera mon salaire. »
Au moins, la classe était calme. L'instituteur de fortune s'en félicita et commença à parcourir les ouvrages en pile sur le bureau.
« Bien, par quoi commencez-vous, habituellement ? »
Un des garçons, un brun malingre au regard fiévreux, leva la main.
« Votre nom ?
— Jacquot, monsieur.
— Je vous écoute, Jacquot.
— Nous commençons par le cours de morale. Mademoiselle Grangier a dû laisser un signet. »
Le journaliste s'empara du livre sur le dessus de la pile, un petit ouvrage relié de percaline verte, et le feuilleta avec ennui... Le peu qu'il lut lui sembla cruellement dénué de nuances. Surtout la leçon du jour.
« Je ne volerai pas. »
Il parcourut rapidement la teneur du court récit, mettant en scène un garçon pauvre qui cédait à la tentation de glisser quelques pommes dans sa poche. Bien entendu, il était découvert et conduit à réaliser que si chacun faisait comme lui, la marchande se retrouverait à la rue... Il faisait amende honorable... et cœtera...
Henri referma le livre en soupirant. Comment pouvait-on former des gens pragmatiques avec ce style de platitude ?
« Je suppose que vous en connaissez déjà le thème ? »
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Histoires hermétiques
ParanormalLe bureau des Affaires Hermétiques est chargé de résoudre les affaires surnaturelles, avec l'aide de divers correspondants : parmi eux, le comte Alexandre d'Harmont, encyclopédiste de l'étrange, et Henri Berliniac, un journaliste peu ordinaire...