Prologue

288 19 29
                                    

C'était un de ces jours pluvieux, au blizzard glacial et au vent sans pitié, qui vous donne pour seule envie celle de rester au lit. Ces jours où la déprime semble avoir investi l'ordre des choses au point d'en devenir le cœur et où toute tentative de motivation échoue dans les caniveaux crasseux des grandes villes autant que dans les champs boueux des provinces.

Et pourtant, dans un des rares bars tenant encore et toujours tête au mauvais temps, un jeune homme au chapeau noir, accoudé au comptoir reluisant du "Choix de Buscaron", soupirait d'un air blasé. Une blonde en main il ne semblait pas attendre qui, ni quoi que ce soit, juste que le temps daigne passer. La pluie battante cinglait les vitres sans relâche et ses yeux anthracites observaient les trombes d'eau s'abattre sur terre avec rêverie, seul dans l'établissement moite.

Mathieu secoua sa tête et porta sa bière à ses lèvres.

Cela faisait à présent un mois qu'il se réservait au minimum une sortie par jour. Depuis l'épisode du bambou, il s'était promis de prendre d'avantage l'air, de voir des gens, bref reprendre contact avec le monde. Il avait appris à gérer ses personnalités. Les efforts avaient été colossales et fatigants mais le résultat convaincant. Il avait réussi à retrouver une vie presque normale. Car après réflexion, cela faisait seulement 2 ans qu'il s'était embarqué dans cette spirale néfaste en se raccrochant à sa maladie comme si elle était une bouée. Elle avait faillit l'emporter dans ses abysses sans fond et sans lumière mais voilà qu'il était en train de trouver comment remonter.

Complètement plongé dans sa tête il fixait son verre, les sourcils froncés.

Ce fut alors que le tabouret voisin racla le sol et qu'une voix forte vint percer le silence et le calme jusqu'alors présent dans le bar.

- Putain. Quelle belle journée de merde !

Un homme, environnant la trentaine, les cheveux trempés et en bataille, et une veste brune sans capuche enfilée sur le dos s'accouda à son tour au comptoir.

Mathieu releva la tête et croisa son regard. Derrière la fine monture des lunettes, il rencontra deux iris ambrés qui l'observaient avec sympathie.

- Carrément, répondit le vidéaste avec son rictus un poil railleur.

Rare contact humain, Mathieu en frissonna presque.

C'était comme revenir à la vie. Sortir d'une dépression. Se réveiller d'un coma. Et ENFIN respirer.

Il ne parlait pas au Hippie, ni au Patron, au Panda ou Geek. Il ne parlait pas non plus au patron du bar, Buscaron, qui commençait à le connaître un peu à présent.

Non, il parlait à QUELQU'UN.

L'arrivant sourit en déclarant :

- Antoine Daniel. En temps que survivants de ce temps de merde, autant faire connaissance.

L'autre empoigna la main qui lui était tendue en souriant en coin.

- Mathieu Somm-

Buscaron fit alors soudainement son apparition fracassante derrière le comptoir, claquant la porte des cuisines.

- ANTOINE !

- AAAAAAAAH ! Buscaron ! Ce bon vieil ami ! s'exclama à son tour l'interpellé, en accueillant le pirate à bras ouverts. Ça fait une éternité, dis-moi ? Combien exactement deux, trois jour ?

Le patron s'avança vers ses uniques clients et répliqua sèchement, claquant ses mains sur le plan de travail :

- Ça fait 3 mois, Antoine.

Mathieu haussa un sourcil, Antoine les fronça.

- Pff arrête de dire des conneries ! Je suis juste parti pour le week-end dans la Creuse chez ma grand-mère donc ça m'étonnerai que j'y ai passé autant de temps à faire des tartes à la myrtilles !

Thérapie - MATOINEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant