Prologue

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Je me revois encore, mon premier jour à l'Académie.

Toutes ces couleurs, ces étincelles volant de partout sorties des baguettes magiques, bâtons, sceptres et autres bourdons. D'étranges odeurs flottaient dans les airs, pas désagréables, mais néanmoins surprenantes dans cette zone calme de la ville. Une foule immense, qui grouillait, s'agitait dans tous sens, sans ordre apparent même si chacun semblait y trouver son compte. Et dans tous les sens, de jeunes mages s'entrainant aux sortilèges, faisant apparaitre un oiseau ici, allumant un feu là, pour amuser leur famille et leurs amis, venus leur rendre visite en ce jour exceptionnel.

C'était la fête ce jour-là. Comme chaque année, l'académie ouvrait ses portes aux nouveaux élèves, et pendant une journée, chacun pouvait aller et venir librement dans ce temple de la connaissance et de l'émerveillement. On racontait tant de légendes, tant de mystères étaient contés qu'il en devenait difficile de discerner le vrai du faux. Mais à me trouver ici, je pensais à présent que les légendes étaient bien loin de la vérité. Nul ne pouvait saisir l'essence de ce lieu sans s'y trouver : il s'en dégageait un pouvoir, une force tranquille et bienveillante, mais néanmoins impressionnante pour quiconque venait ici pour la première fois. L'air lui-même sentait la magie, et les murs de vieille pierre blanche semblaient vibrer de l'intérieur. Le sol, bien que composé de simples dalles, semblait pavé de marbre. Les arbres semblaient bouger au rythme de la musique d'un groupe de troubadours au loin, comme envouté par le charme qui semblait habiter cet endroit. Au milieu de la place, une grande fontaine trônait, et l'eau qui en coulait était aussi claire que celle d'une source. Mieux encore, on pouvait sentir une force vitale en émaner, comme si les éléments eux-mêmes ressentaient le pouvoir concentré en ce lieu, et revêtaient leurs plus beaux atours pour faire honneur à la grandeur concentrée ici.

De l'autre côté de la place siégeait la grande bibliothèque, le saint des saints, le trésor suprême de l'Académie. On racontait que tous les ouvrages ayant été écrits, et même ceux qui ne l'étaient pas encore, se trouvaient dans ces murs. Les lourdes portes de chêne étaient fermées, mais nul doute que le bâtiment renfermait bien des secrets. Il s'émanait de lui une force, une majesté qu'il est difficile de décrire pour quiconque ne l'a pas ressenti par soi-même. Les toits d'ardoise scintillaient sous le soleil de cette fin d'été, et tout semblait absolument parfait.

Partout la foule s'agitait, dans une joyeuse cohue caractéristique des jours de fête. Et pourtant, elle ne me paraissait absolument pas étouffante. Tous étaient joyeux, de larges sourires brillaient de partout. Des enfants émerveillés couraient après les étincelles d'un magicien rieur, un groupe de jeunes gens s'extasiaient devant les tours de passe-passe d'un de leurs amis, et une grande partie de la foule errait sans but, savourant chaque instant de ce jour merveilleux et de toute la magie qui lui était donnée de voir. Une troupe de musiciens animait des danses sur l'une des esplanades, et chose étonnante, les notes jouées par les troubadours se matérialisaient sous forme d'étincelles lumineuses, les couleurs changeant au rythme et au son de la musique. De l'autre côté de la place, un vieux conteur racontait à un groupe de jeunes adolescents les histoires qui lui avaient été transmises par ses maitres, allant de la farce au récit historique en passant par de folles histoires de princesses enfermées dans des tours.

À la nuit tombée, de grandes tables furent montées, et toute l'assistance put partager un banquet gratuit, cadeau de l'Académie au peuple en ce jour exceptionnel. Rien ne manquait : la nourriture était excellente, et l'on trouvait des plats venus de toutes les contrées connues, allant des poissons exotiques des lointaines mers Hippiennes, aux chèvres des montages, au encore à des animaux inconnus de tous ramenés par des trappeurs de Kheos, trônants rôtis entiers au milieu de la table. Le vin était lui aussi d'une qualité remarquable, et semblait aussi doux que du lait, tout en ayant la force et le caractère d'un bon hydromel. La musique et les danses accompagnaient le banquet, et tout était absolument magnifique.

Rien ne semblait pouvoir venir troubler ce moment de pur bonheur. Rien ne semblait pouvoir le rendre encore meilleur non plus, tout était absolument parfait.

Et c'est alors que je la vis.

Elle.

Elle qui allait devenir ma joie et ma tristesse, ma plus grande fierté et ma plus profonde blessure. Mais en cet instant, je ne voyais qu'elle, et après cela le monde n'a plus jamais été le même.

TordanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant