Le patron qui n'aimait pas Noël

Chapitre 1

Chapitre 1.

Keint tenait son carton serré entre ses doigts. À l'intérieur, il y avait trois petits cactus, un porte-crayon, un calendrier et pas mal de paperasses. Aujourd'hui, il commençait son tout nouveau boulot ! Il avait passé l'entretien d'embauche quelques semaines auparavant et il avait tout de suite aimé l'entreprise, ce grand open space moderne et dynamique lui plaisait beaucoup. Il avait récemment terminé ses études en graphisme et il était impatient de se lancer pour de bon dans la vie professionnelle après plusieurs années à se chercher soi-même et à faire des changements d'orientations par rapport à son cheminement scolaire. Il se voyait déjà en train de réaliser de grands contrats et de voir son art être affiché sur de grands panneaux publicitaires.

Une fois arrivé dans le grand building vitré, il grimpa jusqu'à son étage et, souriant outrageusement à tout le monde, il trouva son bureau et commença à installer ses cactus.

— Tu es nouveau ici ?

Keint leva la tête pour croiser le regard d'une femme ronde au look pin-up.

— Oui, c'est mon premier jour !

— Je suis Jessica, j'espère que tu te plairas ici. Et tu es... ?

— Keint, je m'appelle Keint !

— Enchantée, Keint.

Il tendit la main et serra celle de Jessica. Il termina d'installer son matériel et alluma son ordinateur de travail.

— Tu m'as l'air jeune, tu as quel âge ? lui demanda Jessica pendant qu'il ouvrait Photoshop.

— J'ai vingt-huit ans, avoua-t-il, mais on ne me croit jamais !

— Vingt-huit ans ?! s'étouffa Jessica. Non, j'y crois pas ! Je te donnerais... gros maximum vingt ans !

— Et pourtant ! Je sais, j'ai un visage de bébé, mais j'ai vraiment vingt-huit ans !

Il sortit son permis de conduire de son portefeuille et le montra à Jessica pour qu'elle le croit.

— Eh bien ! C'est un vrai don du ciel de paraître si jeune !

Il rangea son permis de conduire en riant.

— On verra ça quand j'aurai quarante ans !

Il s'écoula un petit moment, puis après avoir replacé systématiquement la grosse boucle rouge dans ses cheveux, Jessica poursuivit :

— Tu as pu rencontrer tout le monde ? Tu as rencontré le patron de la branche ?

Il secoua la tête.

— Non, je n'ai pas encore eu cette chance.

— Tu le rencontrera toute à l'heure. Il passe toujours le matin pour superviser les tâches de tout le monde.

Keint hocha la tête et se rassit.

— Tu sais où se trouve la machine à café ?

Jessica lui indiqua la salle des employés tout au fond de l'open space. Il traversa le grand local et s'y rendit. Il prit sa tasse personnelle – ornée de la tête d'un renne –, ainsi qu'un sachet de chocolat chaud qu'il avait apporté et se servit de la machine à café uniquement pour avoir de l'eau bouillante. Une fois la tasse remplie, une douce odeur de chocolat grimpa jusqu'à ses narines. Un chocolat chaud commençait toujours bien la journée !

En route pour retourner à son poste de travail, il croisa en chemin un grand homme en costard à l'allure sévère qu'il manqua de renverser. Heureusement, il retint de justesse sa tasse, mais deux ou trois gouttes tombèrent directement sur le veston de son vis-à-vis qui grimaça avant de s'essuyer du revers de la main. L'inconnu fronça les sourcils, puis Keint sentit son regard le scanner de la tête aux pieds. Le froncement des sourcils de l'homme s'accentua quand ses yeux s'arrêtèrent sur les chaussettes colorées et dépareillées de Keint à ses chevilles, puis quand il réalisa que le contenu de la tasse était plus chocolaté que caféiné. Mal à l'aise, le nouvel employé gigota sur place.

— Hum... je suis nouveau, dit-il, je suis vraiment désolé, je ne connais pas encore bien l'endroit.

Keint déglutit, mais il fut incapable de s'empêcher de détourner les yeux. L'homme avait des yeux d'un bleu profond qui le transperçaient. Ses cheveux étaient bruns et son visage fermé. Cet homme respirait l'autorité. Il aurait pu être un de ces mannequins à l'allure de glace qu'on voyait dans les grands défilés.

— Je l'aurais parié, lui répliqua l'homme sur un ton glacial. Tu dois être... Keint ?

Il hocha vivement la tête.

— C'est ça !

— Je suis Zander. Je vais te transférer la liste de tâches à faire pour aujourd'hui.

Zander le détailla une nouvelle fois du regard, puis il poursuivit sa route. Keint resta immobile pendant quelques secondes, puis retourna s'installer à son poste de travail, un peu nerveux. Décidément, il n'aimait pas beaucoup ce Zander. Il risquait d'avoir des flammèches entre eux !

— Ah, tu as croisé le patron ? lui demanda Jessica.

— Le... pa... tron ?

— Oui, Zander ! Il vient de passer !

Keint blêmit un peu.

— Oh...

Oui, il aurait dû s'en douter puisque Zander lui avait parlé d'une liste de tâches. Zut, maintenant il s'en voulait d'avoir fait une aussi mauvaise impression ! Mais d'un autre côté, Zander n'avait pas l'air d'être le genre de type avec lequel il pourrait nouer une relation amicale. Généralement, il préférait s'entourer de personnes plus extraverties et enjouées. Zander avait l'air de détester le monde entier !

— Je suis fichu..., murmura-t-il.

Dans le coin de son écran, il vit une notification et, du bout des doigts, il ouvrit la liste de tâches. Bon, plus qu'à se mettre au travail ! Il devait rester optimiste : cette première journée pouvait encore être super !