Comment commence-t-on une lettre que l'on n'a pas l'intention d'envoyer ? Est-ce qu'il existe une formule particulière ? Est-ce que je suis même obligée d'écrire quelque chose ? Je ne sais pas. Mais il est vrai que j'ai l'impression de ne plus savoir grand-chose ces derniers temps. Ou est-ce seulement aujourd'hui ?
Quoi qu'il en soit, je t'écris cette lettre car... je ne suis pas sûre. Je n'ai jamais fait ça avant. Les seules lettres que je n'ai jamais écrites sont les cartes postales que je me vois forcée d'envoyer chaque été à mes grands parents. Mais peut-être que j'ai tout simplement besoin de te parler, sans que tu ne puisses m'interrompre et sans avoir à subir ton regard.
J'ai passé une assez mauvaise journée. Tu es peut-être déjà au courant ; après tout, c'est en partie ta faute. Pas que cela ne fut intentionnel de ta part, mais...
Ça y est. Tu commences à cerner le problème.
C'est elle. Bien sûr que c'est elle.
Alors comme ça, tu as des sentiments pour elle ? J'imagine que j'aurais du m'en douter. Ou du moins me douter que quelque chose de ce genre finirait par arriver. Tu as beau le nier ou ne pas t'en rendre compte, tu as toutes les filles à tes pieds ; tu aurais bien fini par en choisir une et je savais depuis longtemps que cela ne serait pas moi.
J'y ai cru, pourtant, trop peut-être pour mon propre bien. Mais il m'est difficile de te résister. Tu es toi, et à mes yeux tu es parfait ; et moi je ne suis que moi, une parmi d'autres, perdue au milieu de celles qui t'admirent.
Parce que je ne suis pas la seule, tu sais, à te placer sur un piédestal. Tu l'as remarqué pour certaines. Tu l'as peut-être même remarqué pour moi -mais je n'aurais certainement jamais le courage de te le demander. Et elle... je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. Car si elle aussi t'apprécie, je suis perdue.
Un mois. Il m'a fallu un mois pour comprendre que je te voulais, et autant pour me rendre compte que je ne t'aurais jamais. Et même s'il paraît que le bonheur réside bien plus dans le désir que dans la réalisation, dernièrement, je te désire si fort que c'en est douloureux, et je voudrais parfois ne plus rien ressentir du tout. J'ai besoin d'une pause, j'ai besoin de me retrouver seule avec mes sentiments pour tenter d'enfin les comprendre pleinement ; mais tu es toujours là, quelque part ; mes yeux te cherchent et te trouvent, et mon cœur se brise à nouveau. Car partout où tu es, elle est aussi, et toi tu es si proche d'elle, avec ta main sur son épaule et sa main dans la tienne.
Je sais que je ne devrais pas t'en vouloir -et encore moins lui en vouloir à elle- pour des sentiments que tu ne contrôles pas, mais je n'y arrive pas. J'ai toujours été comme ça : la jalousie me dévore le cœur tout autant que les sentiments que j'ai pour toi. J'aimerais être à sa place, me sentie en sécurité entre tes bras, et t'embrasser.
Je t'ai embrassé, une fois, t'en souviens-tu ? Mais ça ne voulait rien dire. Ce n'était qu'un jeu, un stupide jeu pour lequel tu as embrassé bien d'autres filles que moi. Je ne saurai sûrement jamais si tu as la moindre idée de ce que ce baiser a représenté pour moi, mais ici je peux bien te le dire.
La musique résonnait dans mon corps tout entier, et l'alcool que j'avais bu commençait à me monter à la tête, pas assez cependant pour me faire perdre le contrôle de moi-même. Je savais ce que je faisais lorsque j'ai pris place dans le cercle qui s'était formé autour de la bouteille de bière. Je me suis assise loin de toi, pour ne pas te sentir contre moi, et aussi parce qu'une bouteille s'arrête rarement sur deux personnes côte à côte et qu'au fond de moi j'espérais. Mais le sort semblait se jouer de moi, les secondes défilaient, et toi tu riais sans connaître le quart des émotions qui m'assaillaient de toutes parts. Et puis soudain, j'ai lancé la bouteille, et elle t'a désigné. Tout à coup c'était comme si mon esprit s'était arrêté, mis en veille, m'avait abandonnée. Je me suis approchée de toi, prête à t'embrasser comme j'avais déjà embrassé une autre quelques tours auparavant. Ce n'est que lorsque j'ai repris ma place que j'ai réalisé : je venais de t'embrasser. Je venais de t'embrasser et déjà le souvenir de tes lèvres sur les miennes s'échappait, m'échappait. Mon cœur battait si fort, autant d'excitation que d'angoisse, que je me suis demandé comment tu pouvais ne pas l'entendre. Une vague de chaleur s'était emparée de moi et me traversait, rendant écarlates mes joues déjà rougies par l'alcool. Le jeu avait repris, mais je n'étais plus là, plus vraiment. J'essayais vainement de me raccrocher à ces quelques secondes, qui s'étaient presque entièrement effacées.
J'ai attendu. J'ai attendu que la bouteille s'arrête à nouveau sur toi. Mais ce n'est jamais arrivé, et j'ai du me contenter de ce demi-souvenir, insuffisant pour me combler tout à fait. Je voulais regoûter à tes lèvres, pour de bon cette fois-ci, mais je n'en ai plus eu l'occasion.
Et elle, est-ce que tu l'as déjà embrassée ? Vraiment embrassé, je veux dire. En le voulant, et en y laissant ton cœur.
Je voudrais tout savoir. Quand est-ce que tu as commencé à la voir de cette manière, s'il y a eu un élément déclencheur, pourquoi elle et pas une autre (et si j'osais, te demander pourquoi pas moi), si tu comptes lui avouer et en ce sens trouver ce courage qui me manque puis plus d'un an, si tu comptes entreprendre quelque chose avec elle, et surtout si c'était intentionnel de ta part de me tenir à l'écart de la confidence, alors que tous semblaient au courant.
Parce que ça change tout, tu comprendre ? Peut-être tu aurais fini par me le dire ; mais si tu n'en avais jamais eu l'intention, je suis en droit de me demander pourquoi. Est-ce parce que, finalement, tu sais ce que je ressens pour toi ? Est-ce que tu as voulu m'épargner ? Ou cette gaffe n'a-t-elle qu'anticiper ce qui aurait dans tous les cas fini par se produire ?
J'aimerais avoir le courage de venir te voir et te poser ces questions en face, crois-moi, j'aimerais tellement. Mais je n'ai jamais été courageuse, et encore moins en matière de sentiments. Parfois, je me demande si je n'ai pas laissé passer ma chance. Si je t'avais avoué la vérité l'année dernière, est-ce que ça aurait changé quelque chose ? D'une certaine manière, j'espère que non, car cela voudrais dire que je ne dois ma douleur qu'à mes propres peurs et incertitudes, et je n'ai vraiment pas besoin de me blâmer plus que je ne le fais déjà.
J'ai écrit plus que je ne le pensais, et je pense qu'il serait temps que je m'arrête. Je ne suis pas encore sûre de recommencer, ni même de garder ces écrits. N'est-ce pas un peu pathétique, de m'adresser à toi par l'intermédiaire d'une feuille et d'un stylo ?
Quoi qu'il en soit, et comme j'ai le sentiment de devoir te le dire (ou plutôt te l'écrire), je vais t'avouer la vérité, pour que d'une certaine manière, tu saches :
Je t'aime.
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Elle
RomantikComment commence-t-on une lettre que l'on n'a pas l'intention d'envoyer ? Est-ce qu'il existe une formule particulière ? Est-ce que je suis même obligée d'écrire quelque chose ? Je ne sais pas. Mais il est vrai que j'ai l'impression de ne plus savoi...