Cry For Me, Bitch

2-Jelena

La nuit a déjà recouvert le ciel au moment où j'arrive chez moi. Encore sous le choc, je me gare devant la porte du garage et reste assise dans ma voiture.

Deyan est revenu. Il est de retour et n'a même pas dénié m'avertir. Sale con ! Pendant une année entière, je me suis demandée ce qu'il faisait, où, et avec qui. Pire, j'ai flippé à l'idée d'apprendre sa mort. En attendant, monsieur menait sa petite vie bien pénard, sans se soucier de moi. De nous, et ce que nous avions vécu. Je pousse un profond soupir et m'extirpe de la voiture.

En entrant dans l'immense demeure digne d'un château, il n'y a aucun bruit bien que tout soit éclairé. Mes parents n'ont pas de limite en ce qui concerne la folie des grandeurs. Tout doit être plus majestueux que leurs amis, pour éblouir et en mettre plein les yeux. Une idée que je ne partage pas, contrairement à mon frère Nash, dont l'appât du gain fait tourner la tête.

Je me dirige vers la cuisine et sors une bière du frigidaire. Lorsque je me tourne, je tombe nez à nez avec Carlita. L'une de nos domestiques. Sa corpulence longiligne peut faire penser qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche mais c'est mal la connaître. Elle ne se laisse pas impressionner et me connaît depuis que je suis née.

Les bras croisés et le regard braqué sur moi, Carlita me toise, puis se racle la gorge.

— Mademoiselle souhaiterait me parler de quelque chose ?

Elle désigne la bouteille d'alcool du menton, alors je la pose sur le comptoir en regrettant que ma gouvernante soit toujours dans les parages.

— J'ai peur que tes vielles oreilles chastes ne supportent pas ce que j'ai à dire, la taquiné-je.

Elle lève les yeux au ciel et j'aperçois un sourire au coin de ses lèvres. Lorsqu'elle parle, sa voix se fait plus douce.

— Mademoiselle où étiez-vous ? Avez-vous vu l'heure ?

— Oui, Carlita. Mais tout va bien. Où sont mes parents, s'il vous plaît ?

— Invités à dîner ce soir, vous aviez oublié ? Ils m'ont chargé de vous faire réchauffer le plat du jour et...

— Prenez votre soirée, merci.

Je passe à ses côtés pour me diriger vers les escaliers, puis rajoute en me tournant vers elle :

— Je vais simplement fumer quelques joints et boire de la vodka. Ça devrait faire l'affaire.

Carlita ouvre de grands yeux et un sourire ourle mes lèvres, satisfaite de l'avoir choquée.

— Mademoiselle, vous ne pensez pas ce que vous dites voyons ! Une femme aussi distinguée que vous, âgée seulement de vingt ans ! Ne gâchez pas votre potentiel.

Je fronce les sourcils et avance vers elle.

— Mon potentiel ? Vraiment ? Carlita, comment pourrais-je exploiter quoi que ce soit quand mes parents ont planifié ma vie depuis ma naissance et sur les vingt prochaines années !

— Mademoiselle Jelena, cela est pour votre bien. Regardez votre frère, il s'en est très bien sorti en reprenant le flambeau que lui a laissé votre père.

Je retire mes talons qui me font un mal de chien, puis soupire.

— Effectivement. Nash est le fils modèle. En théorie, il fait gagner de l'argent à mon père, roule en berline tout en étant propriétaire de trois villas de luxe. Mais dans la pratique, il fume de la coke, boit de l'alcool et s'envoie en l'air avec des strip-teaseuses. La dernière en date est enceinte d'après les rumeurs.

— Oh, nom de Dieu ! s'écrie Carlita, visiblement outrée et pour qui la religion demeure le pilier de son existence.

Je souris à nouveau, ravie d'avoir provoqué cette réaction chez elle. Il est temps qu'elle cesse d'idéaliser notre famille tout ça parce que cette dernière a du fric.