Une alerte. Louise regarda alors son ordinateur et vit la notification d'un mail apparaître en haut à droite de l'écran. Aucun texte, pas même d'objet. Seul un lien — qui semblait être une vidéo au vu de l'URL — se trouvait dans cet email. Elle ne connaissait pas l'adresse de l'expéditeur, kitten13, mais sa curiosité l'emporta et, par conséquent, elle décida de cliquer sur le texte surligné en bleu. Dès lors, une vidéo apparue sur YouTube.
On y voyait un jeune homme qui semblait être, plus ou moins, jeune de par sa posture. Il caressait un chat avec délicatesse, sans montrer son visage. Il était vêtu d'un sweat vert à capuche (dont celle-ci lui recouvrait les cheveux) et d'une casquette rouge. On pouvait également apercevoir qu'il était blond grâce à une mèche de cheveux qui dépassait de l'accessoire. Il se trouvait dans une salle de bains assez exiguë où seuls une baignoire et un rideau de douche semblaient visibles. L'image n'était pas très nette, voire floue mais on y distinguait aisément la pièce. Sur fond sonore, on entendait très clairement (en plus du son de la vidéo en elle-même) Mr Sandman du groupe The Chordettes, ce qui rendait la vidéo d'autant plus dérangeante. Cette dernière continua sur le plan de la dite baignoire, remplit d'eau, et on y voyait désormais un jeune chat, les quatre pattes attachées entre elles. Il le tenait dans sa main droite et il commença à noyer l'animal sans montrer la moindre empathie. Il est resté à le maintenir sous l'eau pendant environ vingt minutes, jusqu'à ce que ce pauvre chaton finisse par se noyer.
Vingt minutes qui paraissaient être une éternité pour Louise. Elle n'arrêta pas de détourner le regard et ne pouvait pas s'empêcher de garder la main sur sa bouche. Elle entendait l'animal se débattre par le manque d'air et croyait — parfois — percevoir des sortes de râles (ou peut-être se les imaginait-t-elle sous le choc) qui lui donnaient des frissons. Elle sentit ses yeux devenir humides et brusquement l'ordi se ferma. Comment pouvait-on faire du mal à un être sans défense, qui ne demandait rien d'autre que de l'amour et de la tendresse. S'en était trop pour Louise et elle préféra se réfugier sur son portable où elle y composait le numéro de son meilleur ami, Jack.
* * *
Son téléphone sonna. Louise.
Un sursaut s'empara de lui à l'entente soudaine de la sonnerie mais sans chercher à comprendre, il lâcha la partie de Fifa 19 qu'il était en train de jouer en ligne avec ses amis virtuels et il répondit immédiatement à l'appel.
Louise avait un ton apeuré et ne laissait pas le temps à Jack de répondre quoi que ce soit, pas même un bonjour.
— Il faut que j'te vois. Tout de suite !
Elle raccrocha.
Jack se leva aussitôt et attrapa sa veste qui se trouvait sur la chaise en face de lui. Si Louise l'appelait, ce n'est certainement pas pour rien. Il se jeta ensuite sur ses clés de voiture et s'engouffra immédiatement dans la Peugeot. Il frôlait aisément les 120 kilomètres par heure sur la nationale et arriva aux environs de 21h chez sa meilleure amie.
Jack a 39 ans, tout comme Louise. Ils se sont rencontrés à l'école primaire. Alors qu'elle venait de débarquer dans cette nouvelle école, Louise se sentait un peu perdue et n'avait pas d'amis. Ses parents étant trop pauvres, ils n'arrivaient pas à subvenir à tous ses besoins et elle se retrouvait souvent sans déjeuner. Jack ayant remarqué cette petite fille perdue et débarquée de nulle part depuis maintenant quelques jours, il a vite compris qu'elle était différente. En remarquant, un midi, qu'elle n'avait pas de déjeuner, il s'est approché d'elle et lui a donné la moitié de son sandwich. Jack était tout l'inverse de Louise et, elle aussi, a remarqué qu'il était différent. Elle a donc timidement accepté son cadeau et ne l'a plus jamais quitté. Leur amitié étant très forte et fusionnelle, les deux amis se partagent tous leurs secrets sans jamais un seul jugement de travers.
Après avoir monté les quatre étages de l'immeuble de Louise, Jack frappa à sa porte.
Elle lui dit alors d'entrer.
— Je suis dans le salon.
Ce dernier s'exécuta et alla la rejoindre sur le canapé. Elle tremblait comme une feuille et n'osait pas regarder son ami. Il comprit aussitôt que quelque chose de grave était arrivé et remarqua l'ordinateur ouvert sur une vidéo mise sur pause.
Louise leva enfin les yeux sur lui et il remarqua immédiatement qu'elle avait pleuré. Ses cheveux bruns, coupés au carré depuis peu, étaient ébouriffés et ses yeux étaient vides d'émotions — ou peut-être trop plein. Elle a fini par se mouvoir contre son corps et se laissa bercer par ses bras. Jack ne comprenait pas ce qu'il se passait et décida de rompre le silence :
— Raconte-moi ce qu'il se passe, Louise.
Sa voix était douce, calme et posée, comme toujours. Il avait beau avoir une carrure d'homme fort, ses cordes vocales le trahissaient chaque fois qu'il ouvrait la bouche.
Louise leva à nouveau les yeux sur lui et son regard, habituellement profond, n'était autre qu'un trou noir. Deux orbites. Elle lui indiquait l'ordi des yeux, il se tourna alors — sans lâcher son étreinte — et appuya sur Play.
Contrairement à Louise, Jack eu finit la vidéo. Il restait néanmoins sans voix durant quelques instants. Louise avait la tête enfouie entre ses genoux. Elle commença ensuite son récit — il fallait bien que Jack comprenne d'où ça venait — avec le mail reçu plus tôt dans la soirée, d'un expéditeur inconnu, du lien qu'elle avait par malheurs ouvert, s'en suivit de son appel. Il ne comprenait pas qui et pourquoi on lui avait envoyé ce mail.
Kitten13, qui est-ce ? se demanda-t-il alors.
— Tu sais qui est ce kitten13 ?
— Absolument pas. Mais c'est vraiment glauque ! Qui pourrait bien faire une chose pareille ?!
Il réfléchissait un instant avant de répondre, le voix légèrement tremblante.
— Il faut vraiment être taré pour faire ça, le filmer et l'envoyer à quelqu'un.
Toute penaud, Louise n'osait pas demander à Jack de rester. Finalement, elle prit son courage à deux mains et d'une voix douce, telle une enfant, elle demanda :
— Tu veux bien rester ici cette nuit ? Je ne me sens pas de dormir seule dans cet appartement en sachant qu'un malade pourrait à nouveau m'envoyer ce genre de vidéos...
En disant ces mots, Jack remarqua que Louise tremblait toujours et que des frissons s'emparaient de son échine. Il savait qu'elle n'était pas une personne particulièrement peureuse mais il fallait bien admettre que ce mec était un malade.
— Bien sûr, je dormirai dans le canapé.
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La chanson de la mort
Mystery / ThrillerUn mail. Une URL. Un meurtre. Puis deux. Puis trois. Une vie qui bascule. Louise regrettera toute sa vie d'avoir ouvert cet email.