Le tournoi

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Pas d'écuyer à ses trousses, encore moins de destrier, et pas l'ombre d'une armure ni d'armes. Il portait près de son flanc gauche une simple épée de fer, au repos dans son fourreau. Alegan comprit l'ironie de la situation. Il voulut se justifier, mais Rawenn prit la parole, visiblement sur la défensive. Elle s'écarta de lui.

« -Que me cachez- vous Messire Alegan ? Qui êtes- vous réellement ? N'êtes- vous pas un routier, contrairement à ce que vous affirmez ! Vous essayez de gagner ma confiance....

 - Non, coupa- t- il, non ! Je vous en conjure, vous vous fourvoyez Princesse ! Je suis un chevalier. J'ai été élevé dans les valeurs de cet ordre, je suis de lignée noble ! Mais...je... »

La princesse s'était arrêtée et écoutait, impatiente d'entendre les arguments du cavalier. D'après sa mise, il n'était qu'un cavalier errant pour elle. Au mieux un brigand, au pire un homme des Routes. Alegan sentait qu'il perdait la confiance de la princesse. Il devait la retrouver. Être sous la protection royale, c'était le meilleur moyen d'être vassal du Roi et de faire partie de sa cour. Lui qui cherchait la protection d'un suzerain pour terminer la formation de chevalier qu'il n'avait pu achever.

     -Madame, j'ai besoin de votre confiance, dit- il dans un murmure, la tête basse. Je suis un noble chevalier. J'en ai pour preuve le sauvetage de votre personne de la noyade. Je suis votre obligé désormais. »

La jouvencelle semblait hésiter. Elle reprit sa marche.

   - Vous prétendez être un chevalier, et pourtant vous êtes si différent.

-Différent de ceux que vous fréquentez ? Vous êtes injustes pour l'ordre de la chevalerie, Madame. Vous me demandiez si votre comportement était inapproprié pour une princesse ? Accordez-moi aussi le bénéfice du doute. Acceptez la nouveauté. Des gens comme nous ont peu de place dans cette société. Laissez- nous  une chance de la trouver. »

Rawenn acquiesça d' un sourire.

  -Je vous accorde ma confiance, chevalier Alegan de Moleric. A une condition cependant.

 - Dites Madame, répondit précipitamment le chevalier, en posant un genou à terre devant elle.

  - Voyez les bannières au loin dans le champs- clos, proche de la forteresse royale.

Alegan se releva et leva les yeux vers l'horizon. Il eut quelques peines pour apercevoir les formes de couleur flotter au vent, mais il en connaissait déjà la raison. Le Roi avait organisé un évènement. Il en avait ouï dire dans les rues du village qu'il venait de traverser. Les vilains en étaient friands. Il ne voyait pas où la princesse voulait en venir.

   -Mon père, le Roi, organise un tournoi de chevalerie, expliqua Rawenn, d'une voix calme mais décidée. Ces combats ont pour but de départager mes futurs prétendants. Le plus valeureux sera considéré comme mon futur époux. »

Alegan perçut une pointe d'amertume dans les propos de la princesse. Il comprit alors les raisons de sa présence près de cette rivière. Par respect pour la dame, il ne dit rien. Il ne savait rien de la pression faite sur les femmes et sur leur mode de vie au château. Il ne pouvait mesurer combien elles étaient contraintes et vouées au destin tracé pour elles, fait d'attentes et d'obéissance.

La princesse Rawenn semblait chercher quelque chose près de son sein. Elle fronça les sourcils et en tira quelque chose d'un blanc pur, qu'elle tendit sans cérémonie à Alegan. C'était un mouchoir d'une soie très fine,  brodé de feuilles d'or aux quatre coins. Du fait de la chute de Rawenn dans l'onde boueuse, il était trempé et maculé de quelques auréoles brunâtres.

Les portes des VatÿysWhere stories live. Discover now