Plume

Un vent si doux

Suis je capable d'aller au delà de mes propres limites ?

J'aimerai tant que cela soit possible. Tout serait plus simple ! Je n'aurais pas à hésiter, à me questionner, à me torturer l'esprit pour savoir comment je fonctionne.

Je suis fatiguée. Je ne sais plus rien.

Je ne sais pas qui je suis.

Je ne sais pas comment le découvrir.

Je ne sais même pas si je suis réelle.

À quoi bon réfléchir si tout est illusoire ? Je n'ai qu'à me laisser porter. Après tout, j'ai toujours su le faire. C'est même le seul domaine dans lequel j'excelle.

Il faut que je me ressaisisse. Passer outre, se cacher, ça va bien quelques années. Mais maintenant, il est temps de changer.

Je voudrais tant comprendre.

Je suis décalée, étrange, trop invisible ou pas assez exubérante, mais je ne suis jamais moi.

Je veux ma propre case.

Ma case d'oiseau qui sait voler.

C'est décidé. Je peux bien perdre une ou deux plumes si c'est pour me trouver.

J'effleure du bout de l'index la couverture du dictionnaire qui est toujours là, à côté de moi. Il me nargue, avec ses reliures dorées. Ses pages cornées savent exactement ce qu'elles doivent montrer.

Il faut que j'arrête de rêver, et que je passe à l'action. La contemplation n'aidera sans doute pas à mon développement.

Bon sang, je veux savoir ce que je ne sais pas !

Je regarde le dictionnaire, encore et encore, à la recherche d'une réponse dont je ne connais pas la question. Je réfléchis, je devine, je tente diverses hypothèses.

Je suis toujours aussi perdue.

J'essaie de fermer les yeux.

Plume est mon nom. Je suis une plume. Je suis légère, je vole, je respire, je sens le vent gonfler mes cheveux et remplir mes poumons. Je fusionne avec la nature, je suis ivre d'oxygène. Je communie avec l'extérieur. L'odeur de la terre mouillée et de la rosée du début printanier me montent aux narines. Les larmes salées descendent mon visage pour aller cultiver le sol sous mes pieds.

Je ferme les yeux encore plus fort. Je sens que je vais y arriver.