Je suis concentrée, et j'ai bientôt l'impression de ne faire qu'un avec l'univers.
Ce n'est plus moi qui cherche ma place, c'est la vie qui me pousse vers l'endroit qui me correspond. Les yeux fermés, la tête renversée, je serre les poings. Je m'imagine dans une autre dimension, où tout semble plus léger, plus fluide, et je commence vraiment à me sentir là où je devrais être.
Le monde, les planètes, le soleil, tout s'amplifie. Tout tourne et se déplace, et la luminosité devient tout à coup aveuglante.
Malgré mes essais, je n'arrive pas à ouvrir mes paupières ; la lumière est trop forte et me brûle les pupilles.
Je suis coincée là, plantée comme une idiote à l'extérieur. Je sens les rayons du soleil chauffer délicatement ma peau. Je n'ai même pas envie de bouger.
Plume. C'est moi. Et si je m'envolais ?
Je pourrais partir loin. Loin de cette planète où je ne comprends rien. C'est vrai, qu'est ce que je fais là ? Qu'est-ce qu'on fiche tous ici ?
Je suis Plume. Je suis vent, légèreté. Tout est éphémère, de toute façon. Comme moi.
Une bourrasque me fait ouvrir les yeux.
Le temps s'assombrit. Adieu le soleil, les petits oiseaux, que déjà je sens la pluie.
Le vent s'enroule dans mes cheveux. Je vais rentrer, les nuages couvrent tout. Le mois de mai ne fait pas toujours face aux intempéries. Demain peut-être, il fera beau.
Je passe la porte de la maison, légèrement chancelante. Puis, je vais m'asseoir à la table de la cuisine. Je laisse traîner mes doigts sur le bois, le temps de ressentir les rainures. Lorsque je lève la tête, le nécessaire d'écriture de ma mère est posé à côté de moi.
Ça ne me fait plus rien, désormais. Elle laisse ses affaires dans toute la maison.
Mais une chose attire mon attention.
La plume.
Elle me nargue.
Elle porte mieux son nom que moi.
J'attire l'encrier vers moi. Le liquide brille un peu. Lui aussi me rit au nez.
Prise d'un élan soudain, j'attrape la plume. Je la trempe dans le liquide bleu. Je tire une feuille.
Face à la page blanche, je comprends quelque chose.
Si je ne sais pas qui je suis, alors autant l'imaginer.
Moi, Plume, je vais me créer. Je vais être celle que je veux être.
Et sur ces dernières pensées, je prends la plume de ma mère, et j'écris ma vie.
VOUS LISEZ
Plume
Short StoryJ'aime le bruit de ces pages, aussi blanches que les quelques nuages qui parsèment le ciel d'aujourd'hui. Les feuilles glissent entre mes doigts à mesure que je feuillette le lourd ouvrage ; ça y est, j'ai ce qu'il me faut. Alors que mon regard se p...