Chapitre 1

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    Comme chaque matin,  je me réveillais, doucement secoué par ma mère qui murmurais tristement des mots inaudibles avant de me signer un « Bonjour » que je lui rendais lentement, encore à moitié endormi.

Toujours la même routine, je me levais, regardais l'extérieur depuis ma fenêtre, rêvassant du chant des oiseaux, allais me préparer dans ma petite salle de bain mal éclairée et descendais manger avec mes parents dans un silence que je trouvais pesant. Ils n'osaient pas parler, et ce depuis longtemps, ils avaient peur que je le prenne mal, ils étaient effrayés de tout me concernant. Mais j'y étais en quelques sortes habitué, cela faisait depuis environ mes 5 ans qu'ils étaient comme ça, depuis que je me suis rendu compte que je n'étais pas comme les autres, que j'étais différent.

    Je suis né sourd. Une information que ma mère a très mal vécu en me donnant la vie, pour elle c'était inconcevable de donner vie à un enfant qui aura du mal à s'intégrer tout au long de celle -ci, elle s'en voulait terriblement et en était tombée en dépression. Malgré cela, elle essayait de rester forte,mon père et elle avaient appris la langue des signes pour que nous puissions communiquer et ils faisaient tout pour que je sois heureux.

Mais je ne l'étais pas, je voulais être comme les autres, j'en avais assez de ma vie monotone qui se résumait à me lever pour manger, faire mes cours sur internet toute la journée et retourner me coucher. Mes parents étaient tellement surprotecteurs qu'à ma naissance ils avaient décidé d'aller vivre à la campagne pour me « protéger » et m'interdisaient même de sortir ici parce que le monde extérieur est trop« dangereux » pour moi.

Donc je regardais le monde depuis ma fenêtre et depuis internet. J'avais l'impression que tout était fade, je voulais voyager, explorer, découvrir. Mais rien n'était à ma portée. Tout était, comment dire ? Sombre ?


    J'étais également et malheureusement intéressé par la musique, chose que je ne pouvais entendre bien sûr mais que j'imaginais et que je pouvais ressentir, la seule et unique chose qui arrivait à mettre de la lumière dans ma vie, la seule chose que je ne trouvais pas monotone. J'étudiais le solfège, les différentes notes calmement posées à l'encre sur le doux papier formant mes partitions et les touches du vieux piano à queue se trouvant dans mon salon morose.

Le première fois que je m'étais approché de celui-ci, ma mère m'avait regardé avec une douleur profonde, se doutant que je voulais en jouer mais que jamais je ne pourrais entendre la mélodie de cet instrument, elle m'avait conseillé de ne pas en faire mais je ne l'avais pas écoutée et j'avais commencé à étudier les touches blanches et noires, les associant chacune aux notes que j'avais apprises plus tôt, je les effleurais du bout des doigts, concentré. Je n'entendais peut être pas, mais je ressentais les vibration de chaque note au fur et à mesure que mes doigts exploraient le vieux clavier poussiéreux.

C'est ainsi que j'ai commencé à apprendre le piano malgré ma surdité, rendant ma mère un peu plus fière de moi chaque jour, voulant la sortir de l'état dans lequel je l'avais mise de par mon existence. Alors je jouais, mettant toutes mes émotions dans ma façon de produire les notes, ne sachant même pas à quoi ressemblais la mélodie que je créais. Et chaque fois c'était la même chose, je terminais la chanson et finissais par pleurer, seul, devant mon vieux clavier dans la pièce sombre qui me servait de salon, dans le silence le plus total, je ne savais même pas à quoi ressemblais ma propre voix, je n'entendais pas mes sanglots désespérés résonner contre les murs gris, je n'entendais rien, rien du tout.

Je partais alors dans ma chambre, le moral à zéro, me glissais lentement dans mon lit, me plongeant par la même occasion dans l'obscurité sous ma couverture et laissais les larmes dévaler mes joues parsemées de tâches de rousseur.

    J'avais mal, tellement mal, je voulais que ça cesse, le silence était assourdissant, il m'enveloppais, me faisais descendre au plus bas, il me détruisait. Je voulais vivre normalement, loin de mes parents surprotecteurs, loin de la campagne, je voulais aller en ville, aller dans les rue bondées, entendre diverses conversations, le bruit du trafique, les musiques provenant des nombreux magasins, je voulais entendre le monde qui m'entourais, rien que le chant des oiseaux me rendrait heureux. Laissez moi sortir de cette solitude, de ce monde où seul le son du silence se laissait entendre, ce monde froid et ténébreux.

Mes larmes se stoppèrent peu à peu, jusqu'à s'arrêter complètement alors que je sombrais dans un profond sommeil sans rêves.

    Je me réveillais le lendemain en sursaut à cause d'un bourdonnement étrange dans mon oreille. Je la couvrais d'une main, cherchant d'un regard fatigué la source du bruit. Attendez...

« Du... Bruit... ? »

Je sursautais de nouveau à l'entente de la voix grave passant la barrière de mes lèvres, je regardais autour de moi, les yeux écarquillés, la pièce était lumineuse, et ce n'était pas un bourdonnement qui résonnait dans mes oreilles mais un téléphone qui sonnait, un réveil « Cours » était actif dessus. J'en avais toujours mis un espérant me réveiller grâce à celui-ci un jour et c'était arrivé. J'étais guéris ? Ma détresse à été entendue ? Je peux entendre ? Vraiment ?

Je tournais, et retournais dans mon lit juste pour entendre le froissement des draps sous mon corps et je riais, de bon cœur, pour la première fois de ma vie, et j'aimais ça, j'aimais ma voix, mon rire,  j'étais heureux.

Je pouvais entendre.

Absolument tout entendre.

Whisper || Chanlix Où les histoires vivent. Découvrez maintenant