Moi, c'est Lola

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"Vous savez ce que ça fait d'être violée par la personne qu'on aime? Imaginez que vous êtes tout en haut de la Tour Eiffel, qu'il fait beau, que vous êtes heureux, que tout va parfaitement bien et que sans prévenir, alors que vous pensiez qu'il n'y avait rien à craindre, que vous étiez en sécurité,  une main vous pousse et vous vous voyez lentement, très lentement, chuter et vous rapprocher à toute vitesse du sol sans ne rien pouvoir faire. C'est un peu ce que ça fait. Sauf que vous ne vous écrasez pas vraiment, au dernier moment une main vous rattrape, à quelques centimètres du sol et vous accuse d'avoir été imprudente, d'avoir provoqué votre chute et qu'il a été traumatisé par ça. Et puis ça recommence, encore et encore, à tel point que ça en devient normal, presque naturel. C'est comme ça que ça doit se passer, c'est de ma faute, je ne tiens pas en équilibre, je dois aimer la chute. Et puis à un moment, sans vous y attendre, vous comprenez. Vous vous dites, merde je suis une victime en fait, c'est lui le responsable, ce n'est pas moi. Alors vous faites ce qu'on vous dit de faire quand ça vous arrive.  Vous franchissez les portes d'un commissariat, racontez votre histoire à des policiers désintéressés, donnez tous les détails, en espérant qu'il croupisse en taule. Sauf qu'évidemment, ça se saurait si les violeurs allaient en prison. Mais au début vous y croyez, comme on dit, on ne se fait pas justice soi-même . Et un jour, alors que vous essayez de vous en remettre, on vous envoie une lettre, un petit bout de papier de rien du tout. Classement sans suites. Tout ça, tout ces efforts, toute cette souffrance, pour rien. Alors au début, on fait avec. Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre? On ne se fait pas justice soi-même. Et puis vous savez, à un moment, votre justice de merde, on en a plus rien à foutre. Je ne suis pas une célébrité, mon histoire n'est pas médiatisée. Je ne suis qu'une victime de plus au tableau des victimes des hommes, des mâles dominants éduqués pour agir impunément. Que voulez-vous que je vous dises, j'ai pris les choses en main. je savais très bien que je ne vivrais jamais plus sans le souvenir de mes larmes en attendant qu'il finisse, de ma peur. Mais lui, lui il pouvait vivre avec, il en était même fier. Je me suis rappelée d'un soir, le soir où j'ai réalisé qu'il pouvait me tuer. Il m'avait appelé, furieux pour changer, en me disant qu'il voulait tuer sa mère à coup de batte de base-ball. C'était facile de le trouver, il n'avait pas changé son adresse et avait même crée son entreprise en ligne, à son adresse personnelle. Quel con. Alors j'ai acheté une combinaison blanche comme pour les peintres en bâtiment, une batte, des gants en caoutchouc, et j'ai pris les transports jusque chez lui. J'ai attendu que quelqu'un rentre dans son immeuble, je me suis changée dans le box des boîtes aux lettres, et j'ai frappé à sa porte. Il a ouvert, vraiment, il le cherchait. Je suis rentrée et je l'ai tué. Je me suis déchainée. J'ai pris son téléphone, composé le numéro de la police, suis sortie et me suis changée. J'ai jeté la combinaison dans les poubelles de l'immeuble, avec la batte et les gants. Je suis gentiment rentrée chez moi et j'ai attendu qu'on vienne m'arrêter. Maintenant vous savez tout.

Je dois signer ma déposition? "

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⏰ Last updated: Jan 18, 2020 ⏰

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