Chapitre 1

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              La pièce était sombre et humide. Une seule bougie éclairait l'espace exigu dans laquelle elle se trouvait. Dehors le crépuscule laissait place à la nuit, et le vent léger du soir, aux bourrasques qui annonçaient une tempête prochaine. Un courant d'air glacé parcouru la pièce et la fit grelotter. Elle était là, assise sur le vieux sofa de l'atelier à contempler les anciens tableaux. C'était un rituel qu'elle avait gardé. Elle le faisait souvent quand elle était petite lorsqu'elle aidait ses parents au restaurant. Ceux-ci tenaient une auberge aux abords de la ville. Elle était richement décorée de tableaux, tentures, tapis, et autres bibelots, tous ramenés de voyages lointains par les voyageurs séjournant à l'auberge. L'atelier c'était le bureau de son père, là où il passait la plupart de son temps. Il lui était formellement interdit d'y accéder, mais depuis l'âge de ses sept ans elle avait réussi à trouver un moyen pour se faufiler en douce afin d'admirer les tableaux qui ornaient les mûrs de l'atelier. Ces tableaux représentaient pour la plupart des forêts, des grandes plaines bordées de rivières. Une nature sauvage et douce à la fois. Ils dégageaient un sentiment étrange pour la fillette qu'elle était, apaisant et mystérieux à la fois. Les arbres des tableaux lui semblaient parfois même bouger au gré du vent. L'atelier comportait un grand bureau en acajou, gravé de symboles dont elle ignorait la signification, un fauteuil moelleux et une lampe en bois flotté qui baignait la pièce d'une lumière douce et diffuse idéale pour la lecture, un des loisirs favoris de son père. La bibliothèque se trouvait à gauche du bureau, de l'autre côté de la fenêtre. On trouvait aussi dans cette pièce un coffre de la taille d'un grand livre, posé sur un guéridon dans un coin, et fermé d'un cadenas. Celui-là elle n'avait jamais réussi à l'ouvrir. Son père cachait la clef et en vingt et un ans elle n'avait toujours pas découvert où. Sa mère était une petite femme brune aux long cheveux bouclés. C'était une personne très simple qui aimait chanter, lire et écouter les histoires des clients, friands de voyages et d'aventures. Elle vivait leurs histoires et racontait à qui voulait l'entendre qu'un jour elle voguerait sur un voilier, cheveux aux vents dans les eaux limpides et cristallines des mers de l'ouest. Malheureusement l'atelier d'aujourd'hui n'avait rien de ce qu'il était auparavant. Le bureau était renversé, la lampe brisée, tous les livres de la bibliothèque jonchaient le sol en pierres. Les tiroirs vidés sur le sol rendaient l'accès de la pièce difficile. Il ne restait que le sofa et les tableaux qui avaient miraculeusement survécu à l'attaque de l'auberge.

             Mora était donc là, assise sur le sofa à contempler le désastre qu'avaient provoqué les mercenaires le mois dernier. Personne ne savait ce qu'ils étaient venus chercher mais ils avaient enlevé la vie sur leur passage. Cinq personnes avaient rejoint les étoiles cette nuit-là. Ses parents en faisaient partie. Le chagrin la bouleversa. Rien de tout cela n'était supposé arriver. Elle s'était imaginé des centaines de fois son futur. Elle aurait trouvé un mari, avec qui elle aurait eu de magnifiques enfants qui auraient dévalés les escaliers le l'auberge en criant et riant devant leurs grands-parents fous de leurs petits-enfants.

            Aujourd'hui elle ne pensait qu'à une chose, partir le plus loin possible de cet endroit où tout n'était que douleur et dévastation. Elle attrapa son sac sur le porte manteau et monta dans sa chambre. Un lit simple et une commode étaient à moitié renversés. Elle fouilla dans les affaires étendues par terre et débusqua plusieurs vêtements qui lui manquaient. Elle les mit dans son sac et redescendit prête à partir. Une larme s'écoula lorsqu'elle passa devant l'atelier. Elle trébucha sur un petit cadre et manqua de tomber dans la masse de livres répandue sur le sol. Elle prit l'objet et le mis dans son sac. Elle contempla de nouveaux les tableaux dans la pénombre dont seule la bougie offrait une légère clarté et cru apercevoir une lueur sur la toile. Elle s'approcha en faisant attention de ne pas tomber mais le tableau n'avait rien de plus que les autres jours. Elle prit alors son sac, sa veste et quitta l'auberge avec colère et tristesse. Dehors la nuit s'était installée et la tempête annoncée n'étais plus très loin. Elle prit la direction du village et arpenta les chemins et ruelles qui la séparait d'Elerios.

Amy-Mora   La rose BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant