première lettre

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P R E M I È R E⠀L E T T R E


⠀⠀Ma chère Élise,

Peut-être, en lisant ces mots, te souviendras-tu longtemps de ce que je te raconte là ou auras-tu tout oublié du jour au lendemain. Cela dépend si les faits t'auront marquée ou pas, et je t'avoue que je n'ai aucune idée de ta réaction à la lecture de ces lettres.

En ce qui me concerne, les souvenances que je couche sur ce papier sont restées jusqu'à ce jour, et le resteront d'ailleurs encore longtemps je pense, profondément gravées dans ma mémoire.

Aussi, après de mûres réflexions, j'ai décidé de te confier tout ce que j'avais sur le cœur, à titre définitif. Tous ces secrets finissaient par me hanter, me ronger, et je me devais de les confesser au moins une fois. J'imagine que mon état ne s'améliorera pas après l'écriture de ces lettres, mais tant pis. J'espère au moins que je me sentirai mieux vis-à-vis de ma propre conscience.

Tellement de choses ont changé après ton départ. Tout d'abord, l'ambiance à table est beaucoup plus froide. On ne prend désormais la parole que lorsqu'on juge ce que l'on a à dire plus important que le silence. La parole est d'argent, mais le silence est d'or, tu te souviens ? C'était toi qui m'avais sorti ce dicton une fois, affirmant que c'était le pur fruit de ton imagination. Je t'avoue que j'ai esquissé un léger sourire lorsqu'un jour, je suis tombée dessus sur Internet. Par hasard, évidemment.

Ensuite, la corbeille à fruits ne déborde plus de pommes. Combien en mangeais-tu par jour, rappelle-moi ? Élise et les pommes, chacun de ces mots ne va pas sans l'autre. C'était plus qu'une simple affection, c'était carrément une véritable passion, je dirais même un respect pour ce fruit à pépins au goût sucré et acidulé. Et tu justifiais ce coup de cœur par les différentes manières de cuisiner les pommes, et tu citais même la compote, la tarte, le chausson, la charlotte, le clafoutis, la salade, la gelée, le gâteau tatin, la pomme au four, la pomme sautée ou encore en jus, mais moi je savais bien que ce que tu préférais par-dessus tout, c'était de sentir la chair fraîche et sucrée du fruit sous tes dents, la « pomme nature » comme tu disais.

Mais le détail qui me fend le plus le cœur, celui auquel je pense chaque jour, auquel je pleure chaque soir, c'est cette sorte d'atmosphère conviviale et chaleureuse qui s'est évaporée de la maison, envolée comme une feuille morte par le vent d'hiver, éclipsée juste après ton départ.


⠀⠀M.

Lettres à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant