♤~|Evelyne Belmont |~♤

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Billings 8h03.
Je ne pus retenir un profond soupir. Cela faisait au moins une bonne dizaine de minutes que j’attendais que la queue avance. Elle s’était arrêtée net à cause d'une dame âgée de plus d’une soixantaine d'années qui ne savait visiblement pas faire un choix. La boulangerie pâtisserie dans laquelle j’étais, était très connue. Ses viennoiseries purement françaises étaient un régal pour le petit déjeuner et le goûter pour les enfants petits ou grands. Ses pâtisseries absolument divines méritaient qu'on fasse des kilomètres pour elles. Et justement elles étaient victimes de leur succès. Il y avait un monde pas possible et il fallait vite faire son choix car sinon les personnes derrières nous exprimaient leur mécontentement. Pourtant il n’était à peine que huit heures du matin.
La vielle dame à deux personnes devant moi hésitait entre commander un fraisier pour l’arrivée de son petit-fils et sa fiancée ou bien prendre une forêt noire car elle adorait le chocolat et puis ce n’était pas trop la saison des fraises en pleine automne. Mais bon avec la mondialisation tout est possible. La vielle dame ne faisait qu’exposer sa vie à la pauvre vendeuse qui lui affichait un faux sourire cachant son anxiété à la file qui se créait dehors. Vu la tonalité de sa voix, cette chère mamie était très fière de son petit-fils et elle voulait que le plus de gens possible connaissent ses exploits. Toute la boulangerie connaissait sa vie le pauvre. J’appris que celui-ci avait réussi son examen pour entrer dans une grande caserne de pompiers car son ancien métier était apparemment pour lui trop ennuyeux. Que sa fiancée était d'une laideur physique abominable mais d'une beauté morale à couper le souffle. Toutes les personnes dans la file en furent ravies de l'apprendre, moi comprise.
Enfin, la jeune maman derrière elle dont le bébé dormait paisiblement dans la poussette, tapota doucement l’épaule de la vielle femme en lui recommandant finalement une excellente tarte au chocolat. C'est vrai qu'elle faisait envie avec son chocolat miroitant et son sucre glace déposé comme neige avec planté dessus un chocolat plat avec le nom de la boulangerie. Mais la mamie ne fut pas de cet avis. Elle se retourna offusqué vers la jeune maman dévoilant son visage tout friper cacher derrière une énorme couche de crème anti-âge. L'odeur chimique de cette crème vint aussitôt me titiller les sinus, ainsi que son parfum pour dissimuler l'odeur de son corps vieillissant. La petite femme âgée dont le corps commençait à se courber par le passage du temps, releva son menton d'un air hautain et plissa ses yeux malicieux. Elle ouvrit la bouche et réprimanda la jeune maman.

《 - Qui êtes-vous donc pour me dire ce que je dois choisir ? Parce-que je suis vielle je perds la tête ?

-Enfin madame pas du tout. S'excusa la jeune maman dont le bébé commençait à pleurer.

-Ça y est vous êtes maman et vous savez tout sur tout ! Eh bien je vais vous dire moi j'ai soixante-huit ans madame et j'ai vu des choses que vous ne verrez jamais, dit-elle en pointant son doigt tremblant sur la jeune femme. 》

Et voilà. La remontrance de grand-mère imbue d’elle-même commença. La jeune maman se prit une avalanche de reproches et de commentaires désagréables. A chaque fois qu’elle voulait y répondre elle était brutalement interrompue par la vielle dame ne lui laissant aucun répit. Prenant son enfant apeuré dans ses bras pour calmer ses pleurs elle ne sut quoi gérer entre se défendre et prendre soin de son enfant. Elle lança un regard d’appel à l’aide derrière elle mais personne n’y répondit. A part moi.
Me dégageant de la queue j’arrive au côté de la jeune maman en détresse. La vielle dame marqua un temps de pause me scannant de la tête au pied et l’expression de son visage m’indiquait qu’elle avait perdue de son assurance.

« - Elle me veut quoi la punk ? Dit-elle d’un air hautain. »

C’est vrai que mon look était plutôt atypique. Des tatouages un peu de partout. Un piercing nasal en anneau sur la narine droite.  Une chevelure coupée en carrée plongeant assez court pour m’en raser quelques racines, mais surtout d’une couleur argenté métallique avec mes racines beaucoup plus foncées que mes pointes offrant un magnifique contraste. De grands yeux bleus aussi clairs que ma chevelure penchant eux aussi vert le gris. Des Docks Martins noires et vernis à mes pieds avec un jean taille haute noire pour finir avec un top a bretelle vert kaki. Beaucoup de bijou notamment des bagues et des bracelets mais surtout un collier très court avec comme pendentif un nœud celtique symbole de protection.

Je ne répondis rien à la forte provocation de la vielle dame. Je me contentais de la fixer et lui montra une montre imaginaire à mon poignet faisant tourner les fausses aiguilles sous mon doigt.

« - Ma patience n’est pas éternelle alors pressé votre choix. »

La vielle femme grimaça et je pus enfin voir son vrai visage. De grands yeux aux pupilles dilatées, une chevelure mélangeante plumes et poils, une bouche avec des dents semblables à celle d’un requin. Et surtout une odeur rappelant le fromage grec avec des herbes très subtilement derrière sa forte odeur de personne âgée. Je n’eus alors plus aucun doute. La vielle dame devant moi était une harpie. Pas l’adjectif pour qualifier quelqu’un au comportement exécrable, même si cela leur est caractéristique, mais bien la créature de la mythologie grecque.  Des femmes d’une beauté incomparable   sous forme humaine, mais dès qu’elles se montraient sous leur véritable forme la beauté se changeait en horreur. Une créature mi-femme mi-oiseau se dévoilait devant leur soi-disant victime. Car apparemment les harpies se nourrissaient de chair humaine. Elle possédait aussi une salive au poison mortel pour mieux digérer ses victimes. Mais cela ne fait qu’évidement partie des légendes qui les décrivent, tout était prétexte pour effrayer la population et éviter que les enfants ne fassent trop de bêtises. Mais s’il y a bien une chose que les légendes disent vraies c’est bien leur caractère abominable. Et pour donner suite à ma réponse j’allais y être confronté.
La vielle dame me grogna dessus, mais j’étais la seule à le voir grâce à mon pendentif. Elle n’était vraiment pas satisfaite que quelqu’un daigne lui répondre. Surtout que sous la frustration certaines créatures perdent pendant quelques instants leurs capacités de camouflage, les harpies comprises, et c’est dans ces instants d’inattention que mon pendentif opère et me permet de voir leur véritable forme distinctement et pendant plusieurs secondes.  Je peux donc ainsi savoir à qui j’ai affaire.

« - Parce-que vous êtes jeune vous vous permettez de tout faire ? Vos tatouages de mauvaise fille ne m’impressionne guère sachez-le. Dit-elle en ne prenant plus le temps de reprendre son souffle pour parler correctement, son visage commençait à se teinter de rouge. Je suis âgée, je mérite le respect, donc cessez de me traiter comme une attardée. »

Le ton de sa voix devenait de plus en plus agressif. J’oubliais que les harpies avaient aussi un égo surdimensionné. Pour me contenir j’inspirai un grand coup et croisa les bras. Ce vestige ne savait visiblement pas qui j’étais et si seulement elle s’en rendait compte son comportement changerai du tout au tout.    
                   
J’allais riposter quand une voix grave et portante vint nous interrompre. Ce n’était autre que Charles, le boulanger et pâtissier. Sans même l’aide de mon collier je savais déjà sa spécificité. Charles était un fae, cousin des fées européennes plus petites et adorables. Le boulanger sous sa véritable forme était un Bécut. Une longue branche éloignée dans l’arbre généalogique des Faes. Un être appartenant au folklore français, ou son ancêtre est apparu dans la Gascogne et dans les Pyrénées. Les Bécuts qu’ils soient sous leur véritable forme ou non sont gargantuesques et très musclés, ils ne possèdent qu’un œil aussi sous leur véritable apparence et sont donc des cyclopes. Comparé aux idées reçues les Bécuts et tous les cyclopes ne sont pas anthropophages, mais comme chez les hommes, il peut il y avoir des exceptions. Ce sont de bons vivants adorant la viande de brebis et de mouton, Charles compris. Je le connaissais bien car il était l’un de mes amis, mais aussi l’un de mes précieux informateurs.
Du haut de ses deux mètres dix, il apparut aux cotés de la caissière qui paraissait soudainement minuscule. Il toisa du regard la vielle femme puis me regarda et vit mon air agacé. En l’espace d’une fraction de seconde il comprit la situation. En se frottant les mains encore pleines de farine, un sourire angélique apparu sur son visage.

« - Madame Martin, quelle joie d’entendre la venue de votre fils. De mon souvenir il adorait la mûre. Et vous vous semblez toujours autant aimé le chocolat. Dit-il en rigolant ensuite avec un rire assourdissant et communicatif. Je vous recommande ce gâteau issu de mon imagination mélangeant vos deux penchants. 

- Trêve de bavardage Charles je le prends. »
À ce moment-là, tout le monde dans la queue exprima sa joie de la manière la plus discrète possible. Enfin plus ou moins pour certains. Mais fort heureusement mamie harpie n’a absolument rien entendu et a finalement payé son fichu gâteau en partant la plus heureuse possible en me bousculant au passage bien évidement. Charles se tourna vers moi ensuite en soupirant ayant perdu son faux sourire angélique.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 22, 2020 ⏰

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