Chapitre 1 : Attente

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Ses petits doigts pressaient la mousse verte du muret, l'arrachait, la faisait tourner entre ses phalanges puis, lorsque sa main se verdissait, elle l'abandonnait et en reprenait une nouvelle.
Ses jambes fines se balançaient dans le vide devant elle, au rythme tout particulier de la chanson qui trottait dans sa tête.
Cette chanson, elle avait un joli tempo, oui. C'est elle qui lui avait apprise. Elle se jouait en quatre temps et tournait, tournait, comme les valses sans fins des grandes soirées. Elle patientait avec cette chanson.

Elle l'attendait.
Elle lui a dit qu'elle reviendrait la chercher.

Sous ses fesses, la mousse est devenue chaude et humide de la trop longue attente, pour son esprit trop à l'étroit.
Elle ne doit pas bouger, jamais, et même le froid mordant qui griffait ses joues n'aurait pu la déloger de son royaume perché, assise sur ce petit muret.

Elle comptait les secondes, au début. Elle a apprit tout récemment à les compter. Elle sait le faire seule, maintenant. Et puis quand elles sont devenues des heures, elle a cessé.

La mousse semblait engourdir chacun de ses membres endormi par le froid, et alors, elle vit une forme.
Un être est venu vers elle. Des longs cheveux noirs, un visage presque invisible sous sa chevelure de jais, un cou nu où, sous la peau pâle, les veines étaient visibles. La personne était toute maigre, toute seule, toute sombre. Elle s'est assise à côté d'elle, et elle a attendu, elle aussi.
Des secondes, des minutes, des heures.
Elle ne savait pas, ne savait plus. Elle avait tout juste la notion de la nuit qui tombait sur eux, qui les engloutissait, pas à pas, silence pesant.

Aucun des deux n'a bougé. L'astre nocturne était haut dans le ciel pailleté.
Le froid grignota d'abord ses doigts de pieds bleuies, tout nus, puis dévora ses jambes, engloutit son corps, et enfin, l'être en noir l'emporta. Loin d'ici, loin de l'attente
Elle a tut la chanson, tué le temps. 

Elle aurait pourtant voulu encore attendre, en chantant cette chanson.
Celle-là même qui pour elle, sonnait comme un requiem. 

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