La première fois que je l'ai vue, elle dansait sur la plage. C'était une journée de pluie comme on en a souvent par ici. Le vent soufflait dans les branches, la pluie fine s'abattait en torrents sur les toits des habitations et coulait vers le sol jusqu'à former de grosses flaques. Le ciel sombre laissait présager que l'on ne reverrait pas le soleil avant plusieurs heures. La température ne devait pas dépasser les 2° celcius et les rafales de vent faisaient un bruit effrayant que l'on entendait à des kilomètres à la ronde.
Ce jour-là, je serai bien resté chez moi, mais j'avais fait le chemin depuis le restaurant familial où je travaillais jusqu'à un petit bras de mer qui s'avançait vers la ville. Paul, le patron, m'avait envoyé récupérer une caisse de poissons qui venaient d'être pêchés par le seul pêcheur de notre petite bourgade, Claude, un vieil homme qui avait déjà bien vécu mais qui refusait catégoriquement de prendre sa retraite.
En coupant le contact de la voiture, je remontai le col de mon manteau et mis ma capuche. Je suis un homme plutôt résistant au froid, mais c'est vrai qu'après le mois qu'on vient de subir, un peu de soleil ne serait pas de refus.
Je m'avançais vers le petit abri de pêche lorsque je cru entendre quelqu'un rire entre deux bourrasques de vent. Je me retournai mais ne vit personne. Je repris donc mon chemin. L'abri de Claude n'était pas grand : à peine de quoi stocker une table, une chaise, son filet de pêche et ses dix cannes à pêche. Les caisses m'attendaient devant la porte, abritées par le bois de l'ancien porche. Sa cabane avait certainement été belle autrefois, malheureusement le temps et le sel de la mer avaient fait leur effet.
Après que notre fournisseur officiel m'ait donné la caisse, j'étais retourné jusqu'à ma voiture, une vieille Ford 17M de 1960 qui avait appartenu à ma mère. En cherchant mes clefs dans la poche de mon jean, j'avais levé les yeux vers la mer, presque machinalement. J'avais l'habitude de venir observer la mer le plus souvent possible. Je me sentais bien sur la plage. C'est un endroit calme, surtout en hiver. Beaucoup de monde ici aime venir réfléchir près de la plage. La mer immense à perte de vue, et au milieu de tout ça, juste nous, nos pensées, nos envies.
C'est en levant les yeux que je l'avais vue. Elle dansait sur la plage habituellement vide à ce moment de l'année et de la journée. Elle tournait sur elle-même, les bras écartés sous la pluie qui tombait autour d'elle. Le sourire sur son visage respirait le bonheur, la liberté. Sa robe blanche volait au gré du vent. Ses bras et ses jambes étaient nus, si bien qu'elle devait être frigorifiée. Autour de sa taille se trouvait une ceinture marron qui semblait être de production artisanale et quelques colliers de perles pendaient autour de son cou en descendant jusqu'à sa poitrine. De là où j'étais, elle paraissait extraordinairement belle, elle était solaire. J'avais l'impression d'assister à une apparition.
Captivé, et aussi inquiet, je décidais de m'approcher afin de lui demander si elle avait besoin de quelque chose, si je pouvais lui prêter ma veste. Malgré le froid, j'aurais pu la lui tendre sans regret, je lui aurais même donné mon pull et mes chaussettes si elle me les avait demandés. Malheureusement, j'eus à peine le temps de faire quelques pas avant que le bruit de mes pieds claquant sur les flaques ne l'alerte. En un mouvement très rapide elle pivota et se retrouva face à moi. Il restait bien une vingtaine de mètres entre elle et moi mais je fus immédiatement charmé par le mouvement de ses longues boucles trempées couleur caramel, par les traits fins de son visage que je pouvais percevoir, même d'aussi loin. La pâleur de son teint la faisait ressembler à une poupée de porcelaine. Cette jeune femme était magnifique et j'en était ébloui.
Lorsqu'elle me vit, elle prit un air profondément surprise -sans doute ne pensait-elle pas être dérangée par ce temps. Et avant même que je n'aie le temps de l'atteindre, elle avait pris la fuite sans même dire un mot.
Ce jour-là, quand je suis retourné au restaurant,j'étais bouleversé par la rencontre que je venais de faire. Qui était-elle ? Que faisait-elle là ? Pourquoi n'était-elle paspartie s'abriter quand la pluie avait commencé à tomber ? Pourquoi avait-elle l'air si surprise, voire effrayéquand elle s'est aperçue que je l'avais vue ? Comment une femme aussibelle peut-elle exister ? Beaucoup de questions me restèrent en tête. Depuisce jour j'ai souvent pensé à « la fille de la plage » sans jamais la revoir. Je commence à penser que j'airêvé ce jour-là. Que la fatigue et le froid m'ont fait halluciner.
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La communauté de la fôret
AdventureUlrick est un jeune homme qui a perdu sa mère. Littéralement, elle n'est pas morte, elle n'est pas partie, elle a juste disparu. Paul, ami de celle-ci, décide de prendre le jeune garçon sous son aile et de s'en occuper. Une fois adulte, Ulrick se la...