Mortel

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/!\ IL Y A (encore) DANS CE CHAPITRE UNE ALLUSION AU SUICIDE,
À LA MUTILATION ET AU HARCÈLEMENT.
LES PERSONNES SENSIBLES PEUVENT (encore et toujours) PASSER AU CHAPITRE SUIVANT
(promis y'aura un résumé cette fois!!)


À l'heure qu'il est, les seules personnes présentes sont celles qui partent très tôt au travail, ou qui en reviennent. Les passants nous regardent comme des bêtes, avec un air de dire "Mais qu'est ce qu'ils foutent ces gamins?". Mais je ne m'en soucie pas. Je l'ai sauvé et c'est ce qui compte, il est dans mes bras maintenant et c'est tout ce qui compte. Nous sommes toujours par terre, sur le goudron. Je décide de l'emmener dans un parc près d'ici, je ne lui lâche pas la main du trajet. Je ne veux pas le perdre. Nous nous asseyons sur un banc, sous un cerisier en fleur.
"-Pourquoi?" C'est la seule question, le seul mot qui arrive à sortir de ma bouche.
Il fixe ses pieds. Il ne répond pas. J'essaie de captiver son attention, je n'y arrive pas. Alors je le force, je prend son menton entre mon pouce et mon index. Il me regarde enfin, ses yeux emplis d'une profonde tristesse, et d'un peu de surprise. Il détourne le regard, se tient droit, inspire, et commence.

Flashback PDV Mitsuki:
C'est toujours comme ça. Ils me frappent, m'insultent, me disent d'aller crever. Je suffoque, ma tenue trop épaisse me tient affreusement chaud, mais amorti un minimum les coups. Ils disent que je suis dégueulasse, que je suis le "chouchou" juste parce que j'ai une "petite maladie de merde". Est-ce vraiment de ma faute? Je leur gueule dessus, ils croient que j'ai choisi de naître comme ça? Ils croient vraiment que je fais ça juste pour être le "chouchou" du prof? Je cours loin d'eux. J'en ai marre. Je veux que ça s'arrête. Depuis deux ans, ils me harcèlent. Tous les soirs, après l'école, ils viennent me frapper parce que je suis différent. Je n'ai pas choisi ma vie, je veux qu'il crèvent tous autant qu'ils sont.
J'arrive chez moi, ouvre la porte et entre. Mes parents ne savent pas, je trouve tout le temps une excuse pour toutes mes blessures et ma combinaison défoncée. Je retire tout, toute cette combinaison insupportable. Ma mère arrive, elle soupire et me demande comment j'ai fait pour ENCORE abîmer ma combi'. Je ne supporte plus mes mensonges. Je lui dit la vérité, presque en pleure. Qu'en fait, c'est un groupe de deux garçons et trois filles qui me font ça, que je n'en peux plus et que ça dure deux ans. Elle s'approche, le visage assombri, elle va m'aider. Elle se met à ma hauteur et... me colle une gifle.
"-MITSUKI! J'en ai marre de t'es mensonges! Après toutes tes excuses bidons, tu me sors que ce sont tes gentils camarades qui te harcèlent? TU DEVRAIS AVOIR HONTE!! On se tue pour t'aider avec ton père, respecte donc notre travail au lieu de dire des conneries pareilles!"
Je reste abasourdi. Quoi? Elle ne... me croit pas? Je lui crie dessus à mon tour, lui dit qu'elle ne comprend rien, qu'elle ne peut pas comprendre. Je monte dans ma chambre en pleurs. Je ferme la porte à clé, et tombe sur mon lit. Elle ne prend même pas la peine de venir me voir.
Je n'en peux plus. En plus, j'ai fais fuir cette fille. Elle était si belle, si gentille. Je ne fait que des erreurs, j'ai tout perdu. Ma famille, mes amis... et cette fille... comment elle s'appelait déjà? Ah oui, Emi. Je ne l'oublierais jamais. Je regarde par la fenêtre, je n'ose plus monter. Monter sur les toits, là où j'allais si souvent. Même si j'y allait, je suis sûr qu'elle ne serait pas là, elle a dû avoir peur de moi...
Je remonte mes manches. Mes poignets et avant-bras sont coupés. Des croûtes se sont formées un peu partout, les plus anciennes formant déjà des mini cicatrices. Je prend la lame dissimulée dans mon bureau. Je me coupe. Le sang coule, un liquide rouge foncé au goût de fer. Les gouttes pèrlent. Je souffre, mais ça me fait du bien. Pourquoi je fais ça? Pour me faire payer... pour tout ce que j'ai fait. Parce que je suis différent, parce qu'on me protège plus que les autres, parce que je suis laid. Parce que je n'appartient pas ici. Le sang coule, beaucoup. J'essuie ma lame, la range précieusement dans mon bureau. Je prend des pansements et m'en enroule sur les poignets et avants-bras. Mon pull est taché de sang, le sol aussi. Je prend un mouchoir et nettoie le sang, MON sang. Je ne sais plus depuis quand je le fait, depuis quand je me mutiles. J'ai perdu le fil. Je souris, j'ai une sorte de soulagement. Mais ce soir, c'est différent. Je me sens comme vide. Comme si plus rien ne me retenais ici. Je l'ai lu quelque part, quand on va mourir, on se sent léger. Alors c'est le jour. Je sors discrètement par la fenêtre, dépose un petit papier près de la cheminée, espérant qu'elle le voit. Je me dirige vers mon endroit préféré, un petit pont depuis lequel on peut voir le soleil se coucher.

Je veux en finir. Arrêter tout, ne plus souffrir. Je suis peut être lâche... qu'importe. Je veux juste être libre. Je me tient droit sur la barrière. Il n'y a personne, heureusement. Je vois l'eau couler sous le pont. Une eau profonde, et une chute de plusieurs mètres me séparant d'elle. Je vois le soleil se lever doucement. Une larme coule lentement sur ma joue. Je veux sauter, mais quelque chose me retient... Je reste comme paralysé. Allez!! Saute putain, tu le mérites! Mes jambes refusent de fonctionner, c'est alors que je l'entend. Sa voix douce. Emi. Je me retourne, elle pleure. C'est bon, je me sens mieux, mes jambes se sont remises à marcher. Je lui souris, je me remets face au soleil couchant et je peux enfin sauter. Me libérer, et libérer au passage toutes les personnes qui me détestent.
Elle, elle ne voulait pas, elle me suppliait de rester. Elle m'a sauvé. Je ne pourrais jamais assez la remercier. La suite, vous la connaissez...

Une rencontre au clair de LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant