L'obscurité

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  La première chose qu'elle vit en ouvrant les yeux fut du noir. Une immense étendue sombre. Ses paupières clignèrent plusieurs vaines fois, essayant de s'habituer à la pénombre. Aveuglées dans un premier temps, ses pupilles finirent par s'accoutumer au manque de lumière, doucement, ce qui lui permis de distinguer des lignes et des formes.

Elle examina la pièce dans laquelle elle se trouvait. C'était exigu, petit, étroit. Son cerveau marchant déjà à plein régime lui indiqua qu'elle se trouvait sûrement dans une cave ou une cellule de prison. Manifestement les deux étant donné le froid qui lui rongeait les os.
Froid, tellement froid.

Les murs de béton la rendait claustrophobe.

Le manque d'éclairage étant son principal gêne, elle ferma les yeux. Les paupières ainsi closes, les sens exacerbés, elle se concentra sur les odeurs qui se dégageaient de sa prison. Elle en eu un haut-le-cœur. Nauséabondes, fétides, empestées, voilà les adjectifs qui listaient parfaitement les senteurs de la pièce. Elle faillit vomir ses tripes.

L'atmosphère était lourde, si lourde. Elle se sentait confinée, elle étouffait. La tête lui tourna violemment. Il lui fallait de l'air, beaucoup d'air. Elle ouvrit aussitôt les yeux, paniquée. Ses iris affolés cherchèrent une ouverture comme une fenêtre ou une porte. Quel soulagement elle ressenti en apercevant un immense battant en acier sur le mur de droite.

Encore faible, elle se traîna lentement sur le sol de sa cellule. Chaque poussée lui arrachait un gémissement de douleur ; le sol glacé recouvert de graviers lui déchiquetait la peau, mettant son muscle à vif. Elle sentait le sang couler. Trop de sang. Elle serra les dents.

A la force de ses maigres bras, elle se hissa sur les fesses pour tendre les bras, essayant d'attraper la poignée, en vain. Elle tira dessus, priant pour qu'elle s'abaisse, mais rien n'y faisait ; cette porte était bel et bien close.

Je ne peux pas être prisonnière, non !

Prise d'un regain d'adrénaline, elle frappa la paume de sa main contre le métal pendant de longues minutes. Rien. Absolument personne pour lui venir en aide.

Alors, à la manière d'un fœtus, elle se recroquevilla sur elle-même, ramenant ses genoux contre sa poitrine, comme elle avait l'habitude de le faire, et enfouit sa tête dans ses bras. Elle paraissait si vulnérable dans cette position, ainsi repliée.

Honteusement, elle s'avoua que c'était bien ce qu'elle était : vulnérable. Les mauvais souvenirs de son enfance la giflèrent violemment.

Une perle salée coula le long de sa joue pleine de terre et de poussière. Une deuxième s'échoua dans le creux de sa cicatrice au menton. Une troisième, une quatrième... Ses larmes venaient s'écraser sur le sol, se mélangeaient à son sang.

La douleur la tiraillait de toute part, ses aiguillons de souffrance venant titiller chaque parcelle de sa peau. Elle ignorait si une blessure plus importante en était la cause ; elle était trop faible pour le vérifier.

Elle resta des dizaines de minutes dans cette position, le regard vide, l'esprit vide. L'isolement n'était pas le pire châtiment, elle y était habituée. Elle vivait seule dans un petit quartier en bordure de Brooklyn, dans un ridicule appartement miteux dont elle avait du mal à payer le loyer.

Ici au moins, plus de problèmes d'argent.

Tout au long de sa vie, elle avait enchaîné les petits boulots en espérant récolter assez d'argent pour se payer un toit. Mais de nos jours, la vie devenait de plus en plus chère et l'argent plus difficile à obtenir.

Les quelques billets qu'elle se faisait avec son job de serveuse dans un café quasi inconnu ne lui permettait pas le luxe de manger trois repas par jour. Combien de fois avait elle dû partir au travail le ventre vide, à peine remise de l'un de ses innombrables malaises. Elle était constamment rongée par la faim, la solitude, l'ennui...

La seule chose qui lui permettais de garder la tête sur les épaules et de tenir le coup, c'était de se dire qu'elle n'était pas la plus à plaindre, que beaucoup vivaient certainement pire que cela. Elle s'était toujours débrouillée, se sortant de situations plus périlleuses les unes que les autres. Certes pas indemne, elle s'en était pourtant toujours sortie vivante.

Son mental d'acier revenu en force, elle se redressa du mieux qu'elle pu et se remit à frapper la porte en criant à l'aide. Elle ignorait d'où lui venait cette soudaine énergie et comment des sons autre que des gémissements avaient pu sortir de sa gorge mais elle cria, encore et encore, à s'en casser les cordes vocales.

Elle sursauta en entendant du bruit de l'autre côté de la porte et redoubla ses coups à l'image de ses hurlements. Un bruit de clefs se fit entendre ainsi qu'un verrou qui s'enclenche.

Sauvée !

La porte s'ouvrit violemment, laissant place à une ombre gigantesque. Un homme capuchonné entra dans la pièce, vêtu entièrement de noir. Elle releva la tête pour le détailler. Ses jambes fuselées et musclées étaient recouvertes d'un jean noir. Son torse était puissant, tout en angles. Il devait être taillé comme un roc sous ce sweat à capuche sombre. Du col de celui-ci s'échappait un tatouage noir et blanc. Elle crut reconnaître un dragon japonnais s'enroulant autours de son cou. Une de ses veines tressauta sur ce dernier. Elle examina alors son visage, enfin, ce qu'elle pu y voir. La quasi totalité de sa face était cachée par sa capuche. Seul son regard ressortait vraiment, et celui-ci la figea sur place. Ses iris noisettes la foudroyait, la faisant bondir en arrière. Elle n'avait jamais vu tant de haine dans le regard d'un homme. En se reculant d'avantage elle remarqua sa position d'attaque, légèrement penché en avant.

Un détail attira son attention. Ses mains. Ses immenses mains calleuses recouvertes de petites incisions – des cicatrices. Elles semblaient prêtes à emprisonner sa gorge pour lui ôter la vie, là, sur le sol de sa cellule.

Alors elle comprit. Cet homme n'étais pas venu dans le but de la sauver, oh non. Chaque parcelle de sa peau semblait avoir été crée pour tuer.

Il grogna tel un animal enragé, la sortant de son observation, et s'avança dangereusement. Il s'accroupit, lui lança un sourire sadique et lui tira les cheveux d'un coup sec.

« Tu vas la fermer oui ! »

Hurlement.

Il tira encore plus fort, ne faisant qu'augmenter la douleur de sa victime. Se fût au tour de l'homme de hurler.

« JE T'AI DIT DE LA FERMER SALOPE ! »

Sa voix rauque lui vrilla les tympans. Elle n'était que douleur. Mais elle mordit sa lèvre jusqu'au sang pour éviter de crier.

Il desserra un peu sa prise avant de la raffermir quelques instants plus tard et répéta ce petit manège plusieurs fois, mettant ses nerds au supplice.

« Bien. Maintenant tu vas m'écouter attentivement et fermer ta jolie petite bouche ! Très bien. Cela ne sert à rien de t'acharner sur cette porte et de crier comme une désespérée puisqu'il n'y a que moi ici. Moi et seulement moi. Personne pour m'empêcher de te frapper si tu me désobéis ou simplement si l'envie m'en prend.
-Dans le noir, en manque d'eau, de nourriture, d'air et de soin, tu vas t'éteindre lentement. La douleur deviendra ta meilleure amie. Pire que ça, elle deviendra ta drogue. La folie s'emparera de ton corps, de ton esprit. Tu payeras pour ce que tu as fait. Tu me suppliera de te tuer. Tu souffriras. Et je serai spectateur de ta décomposition, acteur principal de ta torture. Tu me haïras, tant mieux, mais tu seras toujours trop faible pour riposter. Je vais détruire ton âme comme tu as détruit la mienne. Seul ton silence et ta coopération pourront atténuer ta souffrance. Compris ? »

Elle en était bouche bée. Terrifiée était un euphémisme vis à vis de ce qu 'elle ressentait maintenant. Chaque muscle de son corps était tétanisé. Elle tremblait, non, vibrait d'horreur et de panique. Mais par dessus tout cela, un sentiment lui rongeait l'esprit. L'incompréhension.

« Pou... pourquoi ? »

Les yeux de l'homme se voilèrent. Elle y lu de la rage, de la haine, de la folie.

« Mauvaise réponse. »

Il balança son crâne contre le mur. Elle entendit un bruit sourd et, dans un dernier cri, elle s'effondra.

Kidnappée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant