Coriace !

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Alignant la poudre blanche en une fine ligne verticale, il augmenta le volume de la musique qui sortait de son enceinte portative. Il secoua la tête de haut en bas, suivant le rythme des coups de basse puissants et entrouvrit les lèvres pour chanter en playback les paroles brutales de métal que crachaient le chanteur du groupe. Il prit un morceau de papier et l'enroula pour former une paille de la taille d'un demi auriculaire. Il se pencha au dessus de la table basse et renifla un grand coup. Il répéta l'action plusieurs fois, effaçant complètement toute trace de drogue.

Il s'affala sur le canapé, la coke commençant déjà à faire effet sur son organisme. Il le sentait ; les poumons comme liquéfiés, la tête soudain légère, les oreilles bien plus sensible au volume de la musique. Il était shooté.

Un camé, voilà ce qu'il était. Pas au point d'en devenir accro, mais assez pour utiliser la drogue chaque fois qu'il avait besoin d'oublier. La coke, s'était un peu la gomme qui effaçait les erreurs de la journée, aussi graves soient-elles. Elle permettait de penser à autre chose, de se sentir bien, presque euphorique le temps d'une soirée. Alors il enchaînait rail de coke sur rail de coke. Pour l'instant, ça marchait.

Ce qu'il voulait ce soir, c'était essayer de se sortir cette fille de la tête.

Il l'avait kidnappée quatre jours auparavant, mais ce n'était que quarante-huit heures plus tôt qu'il s'était vraiment rendu compte de son acte. La raison de sa soudaine prise de conscience ? L'avoir vue. En vrai. Face à face.

A vrai dire, il ne s'attendait pas à cela. Il pensait rencontrer une femme d'une trentaine d'années, gâtée par ses géniteurs, bien en chair grâce aux mets raffinés d'une vide de luxe. Quelle surprise alors de voir cette jeune femme d'à peine vingt-cinq ans au corps si frêle, si innocent.

Mais elle ne l'était pas, innocente ! Il ne devait pas oublier qu'elle se plaçait en tête de la liste de ses ennemis. Une rage immense était montée en lui. Il haïssait cette femme, de tout son être. Elle était responsable de tant de malheurs. Responsable de Son malheur.

Malgré cela, il devait avouer qu'elle avait du cran. Elle l'avait défié avec une telle ardeur, plongeant ses yeux vert d'eau pourtant apeurés dans les siens sans jamais détourner le regard, qu'il se demandait si elle tenait vraiment à la vie.

Sûrement pas, s'était-il dit. Elle ne survivrait pas de toute manière.

Heureusement, ce soir, la coke avait réussi à calmer suffisamment ses nerfs, à complètement les déconnecter. Il ne se souvenait plus de rien. Il était amnésique, pendant quelques heures, et il voulait en profiter. Les soucis seraient pour le lendemain. Alors il augmenta une seconde fois le volume de la musique, faisant affreusement vibrer ses tympans ; comme si la musique s'était frayée un chemin jusqu'à sa boîte crânienne et dansait inépuisablement dans sa tête.

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Vide. Un immense vide. Un profond gouffre. Il tombait, tombait, tombait, griffant les parois de cet interminable fossé. Pas l'ombre d'un petit éclat de lumière. L'obscurité la plus totale. Happé par l'apesanteur, prisonnier des cerfs de l'attraction terrestre. Impuissant. Il se rapprochait dangereusement du sol. Trop vite. Le choc. Les cris.

Horrifié, il expulsa tout l'air de ses poumons. Il regarda à gauche, à droite, puis encore à gauche, s'assurant que tout cela était bien terminé, qu'il se trouvait bien dans son vieux canapé défoncé. Le souffle court, le cœur battant à mille à l'heure, il tenta de se calmer.

Chaque fois c'était la même chose. Après chaque descente. Après chaque dose. Il se retrouvait toujours en proie à ce cauchemar angoissant et terriblement réaliste. Puis il se réveillait en sueur, tentant vainement de retrouver ses esprits. Cela lui prenait plusieurs longues minutes.

Il ignorait pourquoi ce cauchemar, et à quoi était-il lié. A vrai dire, il ne cherchait pas plus que cela. Ses mauvais rêves le traumatisait déjà assez pour y repenser en dehors de la nuit. C'était sa plus grande faiblesse, voilà tout. L'explication à ses nuits solitaires.

Selon lui, c'était le prix de ses pêchés. Un traitement mérité qui lui était réservé pour le punir. Une dose de peur. Un faible aperçu de ce qu'il était capable d'infliger. Ce n'était qu'un cauchemar certes, mais il s'ajoutait à la longue liste de ses blessures psychologiques. Et Dieu seul sait que les blessures corporelles ne valent rien comparées aux douleurs mentales. D'après lui.

Il trouvait cela injuste. Injuste au vu de tout ce qu'il avait auparavant vécu. N'avait-il pas déjà assez souffert ? Etait-ce vraiment mérité d'en rajouter une couche supplémentaire ? Le corps de l'Homme est-il conçu pour en supporter autant. Sûrement pas.

Chaque four que Dieu faisait, il était rongé par le manque, la haine, le besoin de vengeance. Il lui était impossible de contenir toutes ses émotions. Il avait déjà essayé et avait fini par imploser. Et cela provoquait bien plus de dégâts. Alors il compensait. Il faisait subir aux autres les douleurs que lui vivait. Sans aucun remords.

Il se pencha au dessus de la table basse, passa sa main en dessous et tâtonna à la recherche du tube. Le coin de ses lèvres se souleva imperceptiblement en découvrant le cylindre. Le Saint Graal en main, il sortit un cachet et l'avala. Il allait refermer la boîte mais se ravisa. Il en mis un autre sur sa langue et déglutit. Il attendit que l'aspirine face son effet et calme son mal de tête. Tout devint moins brumeux il recouvra peu à peu ses esprits. Il sortit une cigarette de sa poche et l'alluma. Il tira une taffe, attendit que la nicotine brûle ses poumons puis pencha la tête en arrière et expulsa la fumée.

Puis cela lui revint.

La fille.

Il grogna. Elle était enfermée depuis plusieurs jours déjà et n'avait rien avalé. Il fallait l'alimenter un minimum. Il se dirigea vers la petite cuisine de son modeste appartement et ouvrit le frigo. Nouveau grognement. Il était quasiment vide. Un yaourt y traînait, non loin de deux bouteilles de Heineken et d'une gourde d'eau. Il prit le produit laitier ainsi que l'eau et claqua la porte du frigidaire.

Il se dirigea vers le couloir, le long couloir sombre de l'appartement. Il ouvrit la porte branle ballante à sa gauche d'un coup sec. Celle-ci débouchait sur un escalier toujours aussi obscur.

Avant d'avoir eu le temps de poser le pied sur la première marche, on cria.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 16, 2020 ⏰

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