Chapitre 3 : Épée et bouclier

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Puisque je me suis faite virer du lycée je rentre chez moi pour me reposer avant d'aller à mon cours d'escrime du lundi. Et comme j'ai du temps libre, ce que je ne refuse jamais, je compte bien en profiter pour aller me dépenser dehors. J'enfile une tenue de sport " devinez la couleur..."   noire, comme toujours. On ne change pas une équipe qui gagne.

Je grimpe trois par trois les escaliers de mon immeuble pour arriver sur le toit et de là, sauter sur des immeubles de plus en plus petits pour arriver près de la tour Montparnasse. Les quartiers autour de cette dernière sont pauvres, ce qui explique que les toits ne sont pas aussi aménagés que ceux des riches.

Une fois de retour sur la terre ferme, je continue de courir et me fais un petit parcours que je parsème d'embûches créés par le mobilier urbain.

Je saute par dessus les murs, cours sur les dossiers des bancs publics, me laisse glisser sur les rambardes des escaliers... Je me déconnecte de la réalité et laisse parler mon corps et mes envies. C'est ce que j'aime par dessus tout dans ce sport : pas besoin de se creuser les méninges pendant cent-sept ans pour se défouler.

Ouais ouais, je vous vois venir..." encore un imbécile de sportif ..." Mais je ne suis pas comme ça moi ! C'est également dans le but de me creuser la cervelle que je fais de l'escrime, le noble art de l'épée, pour les tactiques innombrables à perfectionner et prévoir à l'avance et a chaque instant les intentions de ses adversaires. Je suis une artiste complète !

Ce n'est qu'une fois bien transpirante que je retourne à mon appart' pour prendre une douche et me reposer avant le cours d'escrime.  Cela fait 7 ans que j'en fait et sans trop me vanter, je fais partie des meilleurs bretteurs du club.

En entrant par la porte de ma chambre ( oui c'est plus pratique que par les égouts ou les fenêtres ), j'aperçois les contours de l'étui de ma trompette. Je joues de cet instrument depuis que je suis toute petite, mon père m'ayant légué l'amour qu'il porte aux cuivres et ma mère celui du classique et du piano. Encore aujourd'hui je joues de ces deux instruments. Cela me rend parfois nostalgique des moments à répéter et à faire des concerts pour nos familles avec mon frère, qui joue, lui d'à peu près tous les cuivres ainsi que de la guitare. Nos duos étaient toujours très appréciés, et nous adorions nous produire devant le public.
Cette partie de ma vie s'est terminée quand mes parents se sont séparés. Finis les concerts à trois, et je n'ai plus jamais revu mon frère...

Allez assez de nostalgie comme ça ! Je sors mon instrument favori de son étui et commence des gammes pour m'échauffer avant de commencer. Pour ceux qui ne le savent pas le son d'une trompette est produit par une vibration des lèvres, qui se fatiguent quand le musicien joue trop fort ou longtemps ou aigu. À force de jouer on acquiert une certaine endurance, mais il est toujours nécessaire de s'échauffer pour ''chauffer''  l'instrument.

Je joue quelques morceaux typés classique de ma composition ( ça vous étonne hein !?! Ou pas... bref.), puis quelques classiques  qu'on aime toujours bien du genre Hello d'Adele ou Uptown Funk de Bruno Mars.
...Avant de me rendre compte que je suis grave à la bourre !

Je prends vite fait le sac de sport que j'avais préparé dans l'entrée au cas où je serais en retard ( c'est que je me connais bien ...) Bref je passe par mon chemin sur les toits, bien moins encombré que les rues de Paris.

J'arrive pile à l'heure à mon cours d'escrime, me change en vitesse dans le vestiaires et ressors habillée d'un bas près du corps ainsi qu'un haut assez ample, tous deux toujours aussi noirs que d'habitude.

Je me rends en vitesse dans la salle principale, celle où l'on pratique, et choppe en vitesse du râtelier d'armes une des épées en bois que l'on utilise pour l'échauffement. Tous les élèves se mettent face à un mannequin d'entraînement et attend les directives de notre entraîneur.

La forme d'escrime que je pratique n'est pas celle que l'on voit aux jeux olympiques, je trouve ridicules leurs petits fleurets tout fins qui se plient dans tous les sens dès que l'on effleure quelque-chose... Ici, dans ce club, ce sont de vraies épées, du genre médiéval, que nous utilisons. Avec quelque fois, des variations avec des poignards ou des dagues.

L'ordre de Mike, notre entraîneur et accessoirement ex- taulard pour agression à arme blanche, claque dans l'air chaud et chargé de l'odeur de la sueur : aujourd'hui, on reprend les combinaisons de base. Dans cette discipline, c'est la rigueur et la répétition qui font que l'on réussit, c'est pour cela que l'on revoit régulièrement les mouvements de base.

Je me mets dans ma bulle et exécute les mouvements ordonnés avec la précision et la régularité que l'on acquiert avec l'expérience.

Au bout d'une demi-heure de révisions, c'est l'heure des duels. On prend cette fois-ci de vraies épées et le maître appelle les adversaires du jour.
Puisque nous sommes un nombre impair, Mike va sûrement en profiter pour me provoquer en duel, ce qui s'avèrera bien plus intéressant que si je devais me battre contre un autre élève.

Je regarde distraitement les autres combats, perdue dans les méandres de mon esprit ; eh mais elle est vachement classe cette tournure de phrase ! M'enfin bref, je me '' réveille '' de cet état second quand Mike m'appelle pour le dernier duel qui m'opposera à lui.

Je m'avance sur la surface dédiée aux combats, ma simple épée en fer le long de mon corps. Nous nous saluons par respect l'un envers l'autre et nous mettons en garde.

Puis le combat commence. Très vite le ton est donné, nous connaissons tous les deux trop bien notre adversaire pour tenter des feintes classiques. Il nous faut à chaque fois innover.

Je me laisse envahir par cette sensation si apaisante et dans laquelle mes sens sont décuplés, et où mon instinct prend le dessus pour me mener à la victoire.

Pare, fend, vire, taille, feinte, tourne, volte, tend, cisaille, pivote, pare, esquive, réplique...

Les enchênements se succèdent à une vitesse folle, puis soudain, je repère une faille que j'exploite immédiatement et pointe le bout de mon épée sur le cœur de mon adversaire qui se fige sur le champ.

Nous restons de longues secondes dans cette position à nous regarder dans le blanc des yeux jusqu'à que je baisse la garde et le laisse se détendre. Mike me fait ensuite un grand sourire et le tape l'épaule pour me féliciter.

« Bravo Zara ! Tu me surpasses maintenant, c'est dingue ! Je n'ai même pas eu le temps de me rendre compte que mon cœur était à découvert que j'avais déjà ton épée dessus !
Allez tout le monde le cours est terminé !
Encore bravo à ma guerrière noire ! »

Je sors satisfaite, mais épuisée du club et rentre tranquillement chez moi sous la Lune éclairant ... Bon d'accord rien du tout puisque l'éclairage public fait son boulot mais ... elle éclaire mon esprit voilà !

L'élue de la VictoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant