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Ma valise est bouclée, dans la soute, et je survole actuellement l'océan Atlantique. J'aimerais rester suspendu ici, à l'écart de tout, mais gardant un oeil sur ce qu'il se passe en bas. La mer semble agitée. J'espère secrètement longer l'horizon sans jamais dépasser les nuages. Mais c'est impossible. Les courants aériens et tout ce bordel l'en empêche, enfin je crois je n'en sais rien. 

Le voyage fut long, mes jambes sont engourdies lorsque je sors de l'appareil. Darla doit sûrement m'attendre au récup' bagage. Je n'ai jamais su comment appeler cet endroit dans un aéroport, et depuis mes 4 ans, ce terme de "récup' bagage" est resté. Je voyageais souvent avec ma mère, pour son travail. Je ne me souviens pas être resté dans la même ville plus d'un an pendant mon adolescence. Cette exception d'une année fut à Boston, où j'ai rencontré Darla, Ben et les autres. Ma mère pensait avoir enfin trouvé l'endroit parfait où faire notre vie, mais elle se trompait. Enfin, je vous raconterais ça peut être plus tard, ce n'est pas encore le moment. 

J'avance vers une grande dame brune, au teint hâlé et à la silhouette menue. Elle resplendit de bonheur et porte sur son bras droit une jolie petite fille. 

- Mon dieu ne me dit pas que Jill et toi avaient déjà adopté ? 

- Rassure toi Amaël, ce n'est que ma nièce. 

Je la prend dans mes bras et nous voilà déjà parti. Elle a un mariage à organiser et moi une bouteille à ouvrir. Le trajet se fit avec exaltation, Darla s'impatientait de me voir, elle me raconta tout ce qui a pu se passer pendant ses 10 années de demi-silence en quelques minutes. Je n'écoutais rien, tout ce qui m'intéressait était de savoir pourquoi elle m'avait choisi, mais je n'eu pas le courage de lui demander. Une fois ma valise posée dans cette chic maison de banlieue, je décidai d'ouvrir l'une des bouteilles de scotch que j'ai emporté. J'en propose un verre à Jill. Elle refuse, plaidant qu'elle doit être en pleine possession de ses moyens pour son mariage. J'en propose un verre à Darla. Elle accepte, n'étant en pleine possession de ses moyens qu'avec un verre sous le nez, tout comme moi. C'est ce qui nous a rassemblé si je puis dire à l'époque, ce goût pour l'évasion, l'alcool, la drogue, l'écriture. Tout ce qui pouvait nous permettre, l'espace de quelques secondes, d'oublier nos vies merdiques, on le prenait. Sincèrement, ça aurait pu marcher avec Darla, nous étions si similaires, mais elle aime les femmes, et je les aimes aussi. 

Les jeunes mariées coururent toute la journée, à gauche à droite, tandis que je m'occupais d'écrire mon discours de témoin. Je n'ai jamais été très doué pour les effusion d'émotions, je n'ai jamais été très doué pour les émotions tout court. Je ne sais pas gérer tout ce merdier qu'elles engendrent. Je couche quelques mots sur le papier, espérant que ça fera l'affaire. 

Je ne sais pas trop ce que je fous à Boston. Je me suis habitué au froid de l'Ecosse, à ces nuages opaques, à l'odeur du vieux whisky et de la bière à la sortie des bars. Je me suis habitué à mon vieux siège en cuir gris, à ma bibliothèque rempli de livres grotesques, à mon verre en cristal posé en permanence sur la petite table de salon. Je me suis habitué à croiser des inconnus, entre deux feux rouges, lorsque je sors. Je me suis habitué à tout ça. J'aime ma vie là-bas. Je fais ce que je veux, quand je le veux. Je bosse sur tout un tas de projets de films, dont aucun encore n'a aboutit. Je me considère comme un hyperactif lent. C'est à dire que je ne fais rien, mais je touche à tout en même temps. Mon cerveau ne cesse de fonctionner, et même lorsque j'ai l'air de ne rien faire, je fais en réalité une multitude de choses. J'ai ce besoin constant d'analyse et de défi, tout ce qui accroît mon exclusion de la société. Cette exclusion est voulue. D'une certaine manière. J'aime être seul plus que tout, même si j'adore être entouré. Vous voyez ? Je m'égare encore. Je n'arrive jamais à tenir un fil conducteur jusqu'au bout. 

La cérémonie arrive à grand pas, et j'ai dû enfiler un de ses costumes trois pièces super chic. Ce costar dénote avec ma barbe d'une semaine, mes cheveux en bataille et mes tatouage sur les mains. Je ne suis pas le genre de type à porter des truc chics, je suis plutôt celui qui les fabriquent. 

Darla s'avance dans l'allée, elle est magnifique. Jill et elle portent la même robe blanche, mais c'est Darla qui la porte le mieux. La dentelle tombe parfaitement sur ses courbes, et la traîne semble être la continuité de son corps, elle est comme un véritable ange tombée du ciel. Son sourire est le même qu'en Terminal, le même qu'à ce fameux bal de promo. Je m'en souviendrais encore dans dix ans, j'en suis sûre. 

Ce que j'appellerais la vieWhere stories live. Discover now