Tout a commencé un jour pluvieux, ou peut être un jour ensoleillé. En vérité je ne m'en souviens plus. Tout ce qui frappe ma mémoire douteuse c'est cette route, embouteillée et bruyante. Le brouhaha environnant me recouvre de tous cotés et je me sens comme perdu. Les voitures défilent, encore et encore, sans arrêt. Je suis sur ce trottoir, une jolie brune de l'autre coté de la rue. Je tiens un bouquet de fleurs. Des Jonquilles. Le brouhaha continue mais les voitures s'arrêtent. Elle avance vers moi, son long manteau beige traînant presque par terre. Je peux voir son nez rougi par le froid. C'était un jour pluvieux, je m'en rappelle maintenant. Elle souris et lève le bras, puis passe à ma droite. Je traverse enfin et marche quelques minutes. Les grilles grincent quand je les ouvre. La pluie martèle le béton, de plus en plus fort et de plus en plus vite. L'odeur du goudron mouillé se mélange à mon parfum bon marché tandis que j'avance, slalomant entre les pierres tombales. Je dépose les jonquilles sur une tombe, puis m'en vais. Je ne peux jamais rester très longtemps ici, mais je me dois de venir apporter la paix et le bonheur à nos disparus. Je plonge les mains dans mes poches et m'empresse de rentrer chez moi.
Après m'être séché entièrement, j'attrape un verre de whisky et m'allonge dans mon fauteuil. Voilà ce qu'étais ma vie, je me rendais au cimetière, puis je buvais. Je ne devais pas avoir plus de 25 ans, peut être 26, à cette époque. Je n'avais aucun but, aucun objectif à atteindre. Je n'ai jamais été quelqu'un de passionné, un amoureux de la vie comme on dit. Je n'ai jamais vraiment compris ces gens heureux, qui croquent la vie à pleine dents. Mais subitement j'allais les comprendre. J'allais soudain devenir l'un d'eux.
J'ai fait des études de cinéma, seule discipline qui méritait mon attention. Je n'ai jamais cherché la gloire ou la célébrité comme tout ces opportunistes prêt à vendre père et mère pour un rôle de figurant dans le dernier Spielberg. Quand je descendis chercher mon courrier, jamais je n'aurais pensé que tout allait prendre un sens aussi farfelu. J'ouvris mes factures une par une puis ouvrit une enveloppe sur la quelle mon nom était écrit à la main. Il n'y avait pas le nom du destinateur, seulement le miens. C'était une lettre de Darla, une amie américaine de longue date. Elle m'annonce qu'elle se marie et qu'elle aimerait que j'assiste à cet événement et que je sois son témoin. Le mariage doit avoir lieu ce week-end. Je n'ai aucune envie d'y aller, je ne sais pas pourquoi c'est moi qu'elle a choisi à vrai dire, nous ne nous sommes pas parlés depuis le lycée, mais par politesse je me dois d'accepter, puis je n'ai rien de mieux à faire. J'ouvre mon ordinateur et me met à chercher un vol pour Boston. C'est là qu'aura lieu son mariage. Moi, témoin ? Je me penche vivement sur la droite pour m'observer dans le miroir. Je n'ai rien d'un témoin type, je ressemblerais plutôt au SDF devant l'église qui fait la quête espérant toucher l'hypocrisie de ses soi-disant bonnes âmes. Non, je n'ai rien d'un témoin. C'est moi qu'elle a choisi, et elle devra faire avec. La lettre a dû arriver en retard, après tout parcourir 5 000km ça prend du temps. Je dois partir demain dans l'après midi, si je veux être arrivé Samedi matin. Je préviens Darla par SMS - envoyer une lettre serait bien trop long - que j'arriverais dans la matinée Samedi.
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Ce que j'appellerais la vie
General Fiction"Ca commence par une idée puis ça devient tout autre chose" - Picasso