Mon regard parcourt la pièce, pour la centième fois, pourtant, aucune alarme ne semble vouloir se déclencher, aucun O.V.N.I ne se décide à atterrir sur le toit de l'internat Graham. Rien.
La science physique n'avait jamais été ma matière de prédilection, loin de là, pourtant ce cours devait avoir battu le record de l'heure la plus soporifique de l'univers. Ma tête, avachie dans ma main droite, essayant de la masser pour faire passer ma migraine draconienne, j'essayais de résoudre un exercice de plus en griffonnant quelques notes sur mon cahier défiguré par mes gribouillages. Étrangement, plus les minutes passaient plus je trouvais des similitudes entre une cellule et cette salle de science. Par exemple, le professeur, Mr Berthold s'avérait être un professionnel de la torture psychologique. En effet, il possédait cette agaçante habitude de distribuer les notes par ordre décroissant en y ajoutant, souvent, ou plutôt toujours, un commentaire nonchalant et pour les personnes ayant eu des notes plus basses que la moyenne, un monologue sur comment nous ruinons notre vie.
- Le temps est écoulé, je vais à présent vous rendre les copies du test de la semaine dernière.
L'annonce de la distribution des copies me nouait l'estomac. Je savais très bien que je n'avais pas assuré cette fois - ci.
15.
La feuille, posée sur mon pupitre est un supplice. J'ai l'envie folle de la déchirer pour ensuite la brûler, de m'éloigner le plus loin que possible de maudite copie mais tout ce que je trouve à faire, c'est de la retourner et de la fourrer entre les pages de mon cahier. Un poids qui manque de s'effondrer à tout moment me pèse sur les épaules. Lara, elle, n'a toujours pas reçu sa note mais je sais à quoi m'attendre. C'est toujours le même disque qui tourne sur le gramophone. Une chanson au son acoustique et rock à la fois. Dans cette mélodie, la basse triomphe constamment sur le piano.C'est perpétuellement, elle, qui l'emporte sur moi, dans n'importe quel domaine, elle m'écrase comme un insecte.
- Lara, encore d'excellents résultats à ce que je vois !
Mes mots prononcés à voix basse se superposent à ceux de Mr Berthold. La brune quant à elle se contente d'ignorer le bruit de fond que produisent les autres élèves et de se retourner vers moi. Son visage aussi pâle que le carrelage recouvrant le sol affiche une mine mécontente.
"Pitié ne me le demande pas"
- Combien tu as eu ?
"J'aurais du m'en douter..."
- Information classée TOP SECRÈTE !
- Oh, allez ! Léo ! En plus, j'ai complètement oublié de regarder l'ordre de la distribution des fiches ! Si, ça se trouve, tu as eu une meilleure note que moi ! Montres !
- Peut-être, bien.
- O.K. J'abandonne mais ce n'est que partie remise !
- En parlant de partie remise...Dépêches - toi de rejoindre ton Roméo ou je crois que je vais vomir tellement il te couve du regard.
- Qui ?!
- Je n'ai eu le droit à tes " Quoi ? ", "Comment ?" et "Où ?"
- Très drôle ! Pour ton information, Lucas ne me "couve" pas du regard.
- Oui, tu as tout à fait raison maintenant il t'étouffe avec les couvertures.
- Quelles couvertures ?
- Dis, tu le fais exprès ?
- Peut-être bien.
- Rhaaaaaa...
Je me racle la gorge qui me semble aride et pousse Lara pour lui intimer de sortir de cette foutue salle. Sur le chemin qui nous mène à la cafétéria, c'est-à-dire un vrai dédale d'escalier et de bousculades, mon esprit est occupé à une seule est même tache : crier famine aussi fort qu'une ado au concert de son idole, tout en faisant mine d'écouter Lara qui me parle de ces fameux kangourous en Australie, d'ailleurs, est-ce que ça se mange ?- Woah, tu as vu la queue ?!
Je relève les yeux pour apercevoir le tableau qui se dresse devant moi. Une horde de lycéens zombies affamés est attroupée devant ce qui ne ressemble plus vraiment à un guichet. Le principe de la cantine de Graham est simple. On doit, en premier temps, se rendre au guichet pour aller chercher un ticket avec un numéro qu'on devra remettre à l'entrée du self donc, pas de ticket pas de repas ! Une organisation bien merdique digne de mon internat adoré ! Sachant, au passage que le self ferme à 13h ce qui nous laisse 30 pour manger, comprenant bien sûr l'achat du merveilleux bout de papier.
- C'est mort, on est pas prêtes de manger !
Je remarqua une silhouette quittant la masse pour se rapprocher de nous que je reconnus immédiatement.
- Salut. Dit le nouvel arrivant.
- Salut, Lucas.
Je me contenta de jauger du menton, le nouvel arrivant qui de toutes manières ne s'attardait point sur moi, trop occupé à fixer l'hystérique qu'était devenue mon amie. Cela faisait deux ans que je les voyais se tourner autour comme la terre et le soleil me donnant de plus en plus le tournis.
- Je t'ai pris un ticket
Le blond aux airs de prince charmant avait enfin remarqué ma présence puisqu'il ajouta :
- Oh ! Désolé Léonie, je ne pensais pas que tu serais là...
"Après tout ce n'est pas comme si je mangeais constamment avec ta princesse tout les midis depuis trois ans."
- Ne t'en fais pas, je comptais partir pour aller à la bibliothèque ce midi, je n'avais pas faim. Lara est toute à toi !
Je crus le voir rougir légèrement, quant à mon amie, ses joues avaient pris une teinte rouge coquelicot. Je n'ai jamais été douée pour la conversation, ça ne date pas d'hier.
- Tu es sûr de ne pas vouloir rester ?
"Alors, là, non ma vieille ! Il est HORS DE QUESTION que je tienne la chandelle entre toi et ton valentin pendant que vous me torturez avec vos lasagnes bien chaudes devant moi ! "
- Non, vraiment. Je dois me dépêcher.
Sur ce, je m'enfuis de cette atmosphère qui régnait depuis peu pour rejoindre la bibliothèque, le meilleur endroit de l'établissement. Détachée de l'ensemble, non, loin de l'aile gauche des dortoirs, le site avait une allure médiévale avec ses sculptures en pierre et ses dorures, pourtant l'intérieur possédait tout l'équipement moderne possible. Des rangées d'ordinateurs en libres services dans un coin, une borne pour emprunts de livres dans l'autre, toutes les époques semblaient coexister harmonieusement ensemble. Je pris place à une rangée de grandes tables en bois, où Cédric et Lisa discutaient à mi - voix.
- Laisses moi deviner, Lara est partie manger en tête à tête avec Monsieur Le prince de Galles, pendant que tu tenais le digne rôle de la cinquième roue du carrosse. Commença Lisa.
- Je n'aurais pas dit mieux.
- Non mais sérieusement, qu'est-ce qu'elle lui trouve ?
- Peut-être parce que lui n'a pas fait un bon de dix mètres en apercevant une pauvre petite coccinelle ?
Ma réplique ne parut pas plaire au roux qui fit mine de bouder, sa peur des insectes remontait à la maternelle où Lara, Lisa et lui étaient amis, depuis le jour où il me l'avait raconté, je n'arrêtais pas de le charrier avec ça. Lisa coupa court à la réaction plus qu'enfantine de son voisin de place en déclarant :
- Je n'en reviens pas, on nous a encore prit pour un couple ! On est au milieu de l'année quand même !
Je pouvais facilement comprendre le raisonnement des gens, j'ai moi moi - même cru qu'ils l'étaient, une fois. Il est vrai que pour des jumeaux, Lisa et son frère étaient loin de se ressembler, seul leur nom de famille le confirmait. Lors de ma première année à l'internat, Cédric avait apparemment eu le béguin pour moi qui à l'époque, ne le connaissais pas, j'ai donc fait comme tout le monde en écoutant les rumeurs. Finalement, le malentendu avait été dissipé et nous étions restés de bons amis ainsi qu'avec Lara. Ils étaient précieux à mes yeux, c'est un peu cliché mais c'est vrai, j'ai la conviction que ces années à Graham n'auraient jamais été les même sans eux, même si parfois il m'arrivait de me sentir un peu....exclue.

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"Elle"
RomanceRessament je me suis rendue compte de certaines choses que je cachais à mon encontre. La première, les liens qui me relié aux personnes qui me sont chers étaient devenus des chaînes. La deuxième, la personne que j'avais détesté et adoré à la fois n'...