Miami, 13 juin 2009.
Comme chaque samedi, William emmenait les enfants pique-niquer sur les pelouses du Bayfront Park. Lina avait enfin un petit temps vraiment pour elle dans la semaine. Elle s'installa sur le balcon de leur appartement, qui offrait une large vue sur Miami Beach. Elle profitait de ce moment chaque samedi, en sirotant un thé glacé ou un cocktail frais, et tentait de s'inspirer du concert que rendait la ville pour écrire.
Ecrire était sa passion depuis des années. Elle avait publié seulement une dizaine de livres, mais tous avaient été fort appréciés par ses lecteurs, et honnêtement, ils lui avaient rapportés gros. Mais depuis quelques mois, elle n'avançait pas, et sa maison d'édition attendait après elle. « Lina, je t'adore, et tes lecteurs aussi, mais on a publié ton dernier livre il y a déjà 3 ans et demi, et si on veut faire du bénéfice, il faudra en sortir un bientôt... ». C'est ce que lui avait dit Tony, son éditeur, lors de leur dernière conversation il y a quelques jours. Mais elle n'avait rien qui venait. Seulement quelques phrases, qui n'avaient aucun lien entres elles. Chacune des ses histoires s'inspiraient de sa vie personnelle, de son ressenti, sa relation avec ses proches, ses amis. Mais dernièrement, tout avait changé.
En effet, plus rien n'était semblable à sa vie d'avant. Voilà maintenant 4 mois et quelques jours que sa mère est plongée dans le coma. Elle lui rendait visite chaque soir, aussi longtemps qu'elle le pouvait. Elle lui parlait, pleurait. Mais son esprit était vide. Lina avait toujours eu l'habitude de se confier à sa mère, c'était le seul parent qu'elle avait eu. Elle n'avait jamais connu son père, il était décédé alors qu'elle tenait à peine sur ses petits pieds, lui avait raconté plusieurs fois sa maman. Et elle n'avait jamais connu sa mère fréquentant un homme, d'ailleurs.
- Maman, on est là ! cria une voix enfantine, mais tout de même assez puissante.
Lina se réveilla en sursaut. Elle s'était assoupie, et il était déjà 16h. Elle n'avait pas avancé sur son livre, alors elle décida d'aller voir sa mère à l'hôpital. En passant dans la salle, elle embrassa son mari.
- Alors ce bouquin, ça avance ? lui demande-t-il.
- Il n'y a même pas l'ombre un d'un livre dans mes pensées.
- Allez, je suis sûre que c'est un blocage psychologique, tu as toujours été très créative et pleine d'inspiration. Tu trouveras, ne te mets pas de barrière !
Lina hocha la tête, sans vraiment y croire. Elle saisit son sac, se servit un verre de thé glacé qu'elle but d'une seule traite, et se dirigea vers la porte. Son mari la retint par le bras.
- Chérie, je m'inquiète pour toi depuis quelques temps. Depuis l'accident de ta mère, tu as beaucoup maigri, tu n'écris plus, tu ne passes plus de temps avec les enfants... Tu ne manquais jamais le pique-nique du samedi !
- Tu sais bien que je dois me remettre à écrire...
- Arrête, ce n'est pas du tout bénéfique ! Au contraire, passer un peu de temps à l'extérieur avec nous te ferai sûrement du bien, plutôt que d'être tout le temps sur ce balcon ou dans les murs de l'hôpital.
- Tout va bien mon amour. J'essaierai de passer un peu plus de temps avec vous, mais j'ai besoin d'aller voir ma mère le plus souvent possible.
- Bien sûr, c'est normal. Fais attention à toi, je t'aime.
William embrassa tendrement sa femme, avec une main dans son dos qui la serrait contre lui, comme pour la rassurer.
Lina prit la voiture. Elle n'avait pas envie de se stresser avec les transports en communs, encore moins un samedi. Elle se présenta à l'accueil de l'hôpital, monta dans l'ascenseur et appuya sur le bouton en direction du quatrième étage, service de neurologie. A chaque temps d'attente pendant la montée de l'ascenseur, elle était prise d'une angoisse incontrôlable. Ce n'était qu'une fois dans la chambre où se trouvait sa mère qu'elle décompressait. Le fait de la voir la rassurait, même si elle ne savait pas si elle allait se réveiller un jour. Elle s'assit auprès de celle qui lui avait donné la vie, lui pris la main, et comme à chaque fois, lui racontait sa journée, ses difficultés d'écriture, comment grandissaient ses petits-enfants... Puis dans un long silence, elle versait quelques larmes, mais imaginant que sa mère l'entendait, ou la voyait, elle se contrôlait. Elle se devait d'être forte devant elle, qu'elle puisse se battre le plus longtemps possible. Dans ce moment interminable, Lina sentit une présence derrière elle. Elle tourna légèrement la tête, et aperçu la silhouette d'un homme, assez grand. Elle se retourna complètement quand cet homme brandit un pistolet dans la direction de sa mère. Elle se leva d'un bond, et se jeta entre sa mère et l'homme.
- Noooon !
Elle eu l'impression que tout se déroulait au ralenti, comme dans un film. Elle reçut la balle en plein milieu de la poitrine. Elle ne ressentait rien, c'était fini. Mais elle avait sûrement sauvé la vie de sa mère.
- Maman ? Tu vas bien ? Maman !
Elle entrouvrit doucement les yeux, et posa sa main sur sa poitrine. Pas de sang. Encore ce fichu cauchemar.
- Maman, pourquoi tu as crié ? Tu nous as fait peur !
- Ce n'est rien mon bonhomme, maman a fait un vilain cauchemar. Tu peux aller jouer avec ta sœur.
Le bambin repartit, en se dandinant. Lina eu un petit sourire. Du haut de ses 5 ans, Mateo ne pouvait pas comprendre le comportement de sa maman dernièrement. William lui expliquait régulièrement que sa maman était triste, car elle ne savait pas si mamie allait se réveiller un jour. Il répondait toujours : « Moi aussi je serais très triste si maman dormait tout le temps ! ».
- Encore le même rêve ?
Will s'installa aux côtés de sa femme, dans le canapé. Elle se releva tranquillement et lui fit un signe de tête positif.
- Dans un autre contexte, mais oui...
- Tu devrais t'en servir pour ton livre.
- Non, hors de question. Je ne veux pas me servir de l'accident de ma mère pour ma réussite professionnelle.
- Je suis sûre qu'elle ne t'en voudrait pas, au contraire, et puis ça te ferait certainement du bien. Tu ne veux pas aller en parler à un professionnel, alors lâche toi dans ce qui te passionne le plus. Réfléchis-y, au moins. Tu irais sans doute mieux.
- Promis, j'y songerai.
Il embrassa sa femme sur le front.
- Bon je retourne à la vaisselle. Tu devrais sortir avec les enfants, tu as dormi deux heures cet après-midi.
- On est quel jour ?
Après son mauvais rêve, elle ne savait plus vraiment se situer dans le temps.
- Dimanche. Vous n'avez qu'à aller manger une glace, c'est bientôt l'heure du goûter, et il fait très beau dehors.
Lina était d'accord avec son mari. Passer un peu de temps avec ses enfants ne lui ferait vraiment pas de mal. Elle monta prendre rapidement une douche, enfila un jean moulant et un chemisier jaune, avec des sandales simples. Un coup de mascara, elle releva ses longs cheveux blonds en une queue de cheval, puis appela Mateo et Nina.
Ils sortirent à pieds. Comme son mari le lui avait conseillé, elle offrit une glace à ses enfants, et ils se promenèrent sur la Lincoln Road. Après une petite heure de shopping, elle invita ses enfants à s'asseoir dans leur Coffee Shop préféré. Elle choisi leur fameux café glacé. Ils discutèrent de tout et de rien, elle se renseignait sur l'année scolaire de Nina, qui finissait sa deuxième année de collège. Mateo lui fit part de ses craintes quant à l'apprentissage de la lecture l'année prochaine. « Maman et Papa seront là pour t'aider, mon chéri, et même Nina sera très contente de te venir en aide. Celle-ci fit la moue.
Nina était une jeune fille très solitaire, en manque de confiance en elle. Elle était plutôt bonne élève, mais tout le monde savait qu'elle pouvait mieux faire si elle prenait confiance en ses capacités. En dehors de ça, à la maison, c'était une enfant épanouie et débordante d'énergie, qui n'avait jamais causé le moindre souci.
- Je vais aux toilettes maman !
Sa mère hocha la tête, et continua de discuter avec Mateo. Quand tout à coup, son regard s'arrêta sur un homme qui rentrait dans le Coffee Shop. Elle mit du temps à le reconnaître, mais c'était l'homme dans son rêve, celui qui lui avait tiré dessus. Il la fixa une seconde. Pourquoi était-il là ? Pourquoi son visage lui était-il familier ? Et surtout, pourquoi suivait-il Nina, qui venait à peine de rentrer dans les toilettes ?!
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Le secret de Lina
Ficção GeralLina, une jeune écrivaine totalement épanouie dans son métier et dans sa famille, voit le monde s'écrouler sous ses pieds lorsque sa mère est victime d'un grave accident. Mais si cet accident n'était pas arrivé par hasard ? Et serait-ce le dernier ?