Chapitre 3 - Une noix difficile à briser

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Sur les parois de la grotte, la lumière glisse à l'inverse d'un liquide : s'accumulant sur les reliefs, disparaissant dans les cavités. Elle vacille comme si elle allait à chaque instant s'éteindre, et pourtant l'ampoule continue de briller au bout du long double-fil qui la relie à la batterie de Volta. Un geste brusque et son crochet est planté dans la pierre, au-dessus de sa tête. La roche s'effrite. L'ampoule suspendue se balance et toute la lumière semble tourner jusqu'à l'entrée de son refuge. Au dehors, le jour est presque mort et la chaleur avec lui.

Avec une forme de précaution, elle retire les bandages qui la protègent du sable, et qui sont l'apanage des Buzzards. Ceux de ses bras, ceux de ses jambes et ceux de sa tête, jusqu'au foulard humide de son haleine et de sa sueur après les heures de travail. De ces oripeaux de voyage, elle ne possède qu'un seul jeu. Contre la paroi, le large sac de toile rude où elle a stocké tout le cuivre débité repose comme un ossuaire, et à côté, elle a jeté le War Boy.

Pour endiguer l'hémorragie de sa jambe, elle a fait ce qu'elle a pu. L'essentiel, finalement, pour s'octroyer le temps nécessaire à le livrer. Elle ne sait pas combien il a de côtes fendues au châssis ni en combien de pièces est réellement sa jambe. Les brûlures sont difficiles à distinguer du reste et son épaule s'est plus ou moins replacées dans l'axe pendant le transport. A présent, il a aussi une longue trace de cisaille à cuivre sur le sommet de son front blanc. Il ne s'est pas poudré depuis plusieurs jours, c'est une évidence, et les seules marques au cambouis qu'il possède sont sous son nez et autour de ses yeux. Une toute fin de demi-vie qui y passera en deux jours sans transfusion, avec de la chance. L'étendue des peintures au cambouis ne trompe pas, chez les War Boys, Volta en a vu assez pour savoir. Et le moins ils en ont, le plus dangereux ils sont car il sont réellement en bout de course.

— J'ai intérêt à me grouiller, demain, souffle-t-elle en tirant son sac jusqu'à elle, mais ses yeux sont toujours sur lui, qui semble enfin émerger.

Elle prend un risque, en faisant ça : même à demi ouvert, même quasiment canné, il a eu de bons réflexes, plus tôt. Il vaut certainement même plus que ce dont il s'est vanté. Si les rumeurs sont vraies, à la Citadelle, ne restent plus que les War Boys inaptes à se battre sur la Fury Road, et les War Pups aux bras encore si immatures qu'ils ne soulèvent même pas les capots. Tout le reste a servi de chair à pneus et à poudre, dans une tentative enragée d'elle ne sait même pas quoi. Le mot guerre suffit à décrire tout ça, de toute façon. Ils voudront sûrement rafistoler celui-là, même s'il ne lui reste sans doute intrinsèquement que très peu de temps à vivre. Elle ne doute pas qu'elle sera effectivement récompensée. En attendant, son poignard reste à son côté.

Tandis qu'il fait rouler sa tête sur la paroi, elle fouille dans les poches latérales de son sac et en tire un autre morceau de cuivre. Une longue tige, effilée, qui ne lui demandera plus que peu de boulot. Sa tréfileuse manuelle, elle l'a fabriquée elle-même et la ressent comme un prolongement de son bras. Il ne lui faudra que quelques instants pour que sa seconde ampoule soit à nouveau fonctionnelle. Mordre, tirer, souffler sur les poussières et recommencer. Le Way Boy a ouvert les yeux. Bleus comme ça, il a souvent dû en chier dans la réverbération.

Il regarde sa jambe, essaye de prendre une respiration ample – ce qui échoue – puis semble faire le focus sur l'endroit où il se trouve. La couleur ocre de la roche ne le trompera pas : ils sont toujours sur le territoire des Rockriders, tournés vers la plaine, cependant. A l'extérieur du défilé. Elle a un peu dégusté pour le hisser là-dedans, mais le sac de cuivre était plus lourd encore. Même si elle se concentre sur son ouvrage, elle perçoit qu'il évalue la situation. S'il se remet à lui balancer n'importe quoi, à commencer par ses rouleaux de cuivre, elle l'achèvera et décidera que la récompense n'en valait pas le désagrément.

I live, I die, I live againWhere stories live. Discover now