for your pearl

Yifan expira calmement dans le silence de ses appartements. Sous son duvet de soie, il était allongé sur le dos, les yeux clos. A l'extérieur, il n'y avait plus un bruit. Les servants, de même que les membres de son clan, avaient certainement tous rejoint leurs quartiers au sein du siheyuan.

Soudain ses paupières s'ouvrirent et il s'extirpa de son lit. Sans un bruit sur le bois lustré, il enfila ses chaussures dans l'obscurité, sachant pertinemment qu'allumer la moindre bougie serait susceptible d'éveiller son père pourtant plusieurs pièces plus loin.

Il agrippa le balluchon qu'il avait préparé en secret et le hissa sur son dos. Lentement, il fit coulisser la porte en bois et jeta un œil dans la cour du palace. Il n'y avait pas un chat. Penché sur lui-même, appréhendant un peu l'idée de se faire prendre, il se dirigea à pas feutrés jusqu'à la grande porte principale. Il jeta un coup d'œil furtif en arrière, sur les quartiers de ses parents. Personne. Alors, sans plus se retourner, il quitta la résidence familiale.

Dans la nuit, Yifan traversa la forêt à la fois muette et bruyante, les yeux alertes. A l'affût du moindre bruissement suspect, du moindre mouvement. Entre les frémissements des feuilles et les craquements sous ses pieds, il gardait une main contre la perle luisante, nouée à son cou par un lacet en cuir, pour en dissimuler l'éclat. Le corps porté par l'adrénaline, il accéléra l'allure.

Au loin se dessina la lumière de la porte d'une demeure, tout aussi luxueuse que celle où vivait sa famille. Sur chaque côté de la grande arche, accrochées au toit, il y avait une paire de lanternes vertes.

Après une seconde d'hésitation, il enjamba la marche du seuil et s'aventura à l'intérieur. Il contourna la cour par la droite, sous les quelques arbres taillés, plantés çà et là. Le plus discrètement possible il s'infiltra dans l'une des pièces de la demeure. Avec un soupir soulagé, il avisa la silhouette familière, près de la fenêtre.

Zitao était en train de nouer son bagage, illuminé par la faible lueur de la lune. Ses cheveux mi-longs, noirs de jais, étaient légèrement ébouriffés sur son crâne, et encadraient son visage fin en retombant doucement sur ses joues et son front. En l'apercevant il cessa tous ses mouvements et resta quelques secondes immobile. Yifan, son visage perdant instantanément son froid naturel, lui sourit faiblement pour le rassurer.

- Tu m'as fait peur, murmura Zitao aussi bas que possible.

Yifan s'avança jusqu'à lui. Dans un froissement il amena ses mains aux traits inquiets de son vis-à-vis, et son front rejoignit le sien comme par instinct.

- Tu es prêt ?

Le plus jeune hocha légèrement la tête, s'agrippant à la soie de sa robe brodée, froissant le tissu verdâtre entre ses doigts. Bien qu'un peu hésitant, il laissa Yifan glisser sa main dans la sienne, et tous les deux ils fuirent les deux palaces où leur relation était trop longtemps restée dissimulée.

Yifan mena Zitao jusqu'à une petite habitation en bois, au beau milieu de la forêt dense, à côté d'un cours d'eau. Suffisamment loin des demeures familiales pour éviter de se faire prendre, mais pas assez pour franchir la frontière du royaume, et s'aventurer jusqu'à la terre des humains. Il pressa le plus jeune pour qu'ils s'abritent au plus vite à l'intérieur.

Ils se laissèrent choir sur le sol recouvert de nattes de bambous tissés. Tout était vide, à l'intérieur. Il n'y avait rien, rien de plus que leurs deux corps. Leurs deux corps épuisés. Peu habitués à être dépourvus du confort et du luxe de leur palace, ils commencèrent tous les deux à ressentir la fatigue et le froid. Le plus vieux, voyant que Zitao s'était mis à trembloter, serra ses mains entre les siennes. Lentement il les amena à sa bouche, et avec toute la douceur dont il était capable, il envoya un souffle brûlant sur ses extrémités frigorifiées.