La Rencontre

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Je me souviens encore du jour où je fis la rencontre de Mademoiselle Françoise.

C’était un jour d’été comme l’on en rêvait ; le soleil illuminait de ses rayons les visages des passants. J’exerçais encore le métier de cordonnier, et je profitais de cette journée pour me promener, profiter du beau temps ainsi que de mes nouveaux souliers. J’avais tout juste vingt ans. J’étais encore empreint de cette insouciance dont seule la jeunesse avait le secret. Je me sentais fort, assuré, et étais persuadé que ma vie serait toujours aussi radieuse qu’en cet instant.

J’étais vêtu d’un pantalon en toile, ainsi que d’une chemise blanche. Aussi n’étais-je jamais séparé de mon béret, qui se trouvait à chacune de mes sorties juché sur ma tête, comme un fidèle compagnon. Je ne l’ôtais qu’une fois rentré chez moi, ou brièvement, lorsque je saluais quelqu’un. C’était à ces moments là que tous pouvaient voir de plus près cette tignasse brune qui me servait de chevelure. Rares étaient les jours où je ne souriais pas, et mes lèvres s’étiraient bien plus quand j’apercevais des visages familiers.

Au milieu de la grande place, je distinguai une silhouette qui m’apparut inconnue, mais que je devinai être une femme à la vue d’une longue robe. À mesure que je l’approchais, je remarquai un corps élancé, une peau laiteuse, et quelques mèches blondes sous un chapeau en dentelle. La jeune femme semblait perdue, parcourait nerveusement la place du regard. Puis elle se tournait et m’apercevait. Je la saluai en levant légèrement mon béret :

– Mademoiselle, lui dis-je. En quoi puis-je vous être utile ?

L’expression d’inquiétude sur son visage laissa place au soulagement :

– Je souhaiterais me rendre au domaine de Chalus, répondit-elle.

En voilà, une destination singulière, me dis-je. Le château, qui se trouvait près du village, n’était pas un lieu que beaucoup recherchaient. C’était même la première fois que quelqu’un demandait à s’y rendre. Je ne sus si la surprise se lisait sur mon visage, mais je n’osai l’exprimer ouvertement à la femme. Je lui répondis :

-Ce n’est pas très loin. Il vous suffit de vous diriger sur ce sentier, qui vous y conduira. Le domaine est au bout du chemin.

Un instant, je songeai à lui montrer la route d’un vague geste de la main. Mais je me ravisai aussitôt que cette pensée me venait ; cette jeune femme avait peut-être fait un long chemin avant d’arriver ici. Peut-être méritait-elle un meilleur traitement.

-Laissez moi vous accompagner.

Avant qu’elle ne puisse répondre, j’ajoute :

-J’insiste. Je tiens à vous aider, et je connais les lieux comme ma poche. Ainsi, vous ne risquerez pas de vous perdre.

Je ne pouvais me résoudre à laisser errer et se perdre cette jeune femme. Celle-ci me remercia d’un signe de tête, en s’inclinant légèrement.

-Je ne peux refuser votre aide, dit-elle en souriant. Je vous suis.

Ainsi, nous traversâmes la grande place. Je m’assurai que l’inconnue me suivait encore, et chaque fois que je tournais la tête, je la trouvais qui m’emboîtait le pas. Nous quittions la place centrale du village, encore noire de monde. Le silence s’installait. Nous nous avancions vers le sentier aux abords du village ; l’espace étant moins étroit, la jeune femme pouvait marcher à ma droite. Je choisis ce moment pour me risquer à l’observer plus en détail, discrètement cependant.

La Rencontre {Nouvelle}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant