#1 - Les joies simples du bricolage (faire et défaire)

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Ah, le bonheur du bricolage ! Construire. Embellir. Réparer. Améliorer. Et surtout, pouvoir se réaliser en tant qu'Homo Fabricatus, fier représentant de cette espèce animale ingénieuse capable de créer avec ses propres mains (et quelques outils génialement inventés par elle), de l'architecture et du confort, de la fonctionnalité belle, du design pratique, des grandes œuvres et de l'artisanat. Car oui, le bricoleur du dimanche est le digne descendant des laborieux Egyptiens qui érigèrent les mystérieuses pyramides, et des astucieux Romains, constructeurs du colossal Colisée et autres aqueducs indestructibles pourvoyeurs d'eau et d'ébahissements pendant des siècles ; il est l'héritier des habiles tailleurs de pierre et émérites bâtisseurs de cathédrales, des inspirés artistes de la Renaissance, adroits sculpteurs et talentueux peintres, des féconds décorateurs de la Belle Epoque, ou encore des tourneurs-fraiseurs-mécanos de la révolution industrielle. L'homme est par nature créatif, inventif, dégourdi et débrouillard ; tout homme est un bricoleur instinctif dont le moi-profond s'épanouit en réalisant quelque chose d'utile, quelque chose de beau qui va améliorer le cocon familial. Bricoler, n'est-ce pas tout simplement donner un sens à sa vie casanière ?

Bien sûr il faut se donner du mal. Mais après s'être mesuré seul à une noble tâche, le bricoleur se sent fier du travail bien fait et qui fait briller les yeux admirateurs de sa famille ébahie devant tant de savoir-faire et d'habileté, et sa satisfaction est en outre renforcée par le fait d'avoir accessoirement su économiser de coûteuses dépenses en artisans plus ou moins fiables, plus ou moins soigneux, plus ou moins ponctuels, et plus ou moins respectueux des règles fiscales fixant à son juste niveau la perception de la TVA.

Ah, Le plaisir de bricoler le dimanche ! Profiter de son week-end pour prendre du temps pour soi et son home sweet home !

D'abord, avoir un but, se fixer un objectif, comme refaire toute la cuisine, par exemple. Puis faire une évaluation rigoureuse de l'exploit à accomplir, des taches à réaliser, successives, précises. Planifier, s'organiser. Choisir ses outils avec soin, car un bon artisan, ce sont d'abord de bons outils. Donc forcément, aller en racheter de nouveaux. Bien sûr y passer beaucoup de temps (mais finalement, passer son samedi chez Bricofarfouille à rêver devant les dernières générations d'instruments de chantier, cela fait partie du plaisir du bricoleur) et dépenser beaucoup plus que prévu (mais bon, ça resservira, c'est donc un investissement).

Ah, les joies simples du bricolage !

Voilà, sauf que moi, j'aime pas le bricolage ! Euphémisme. Je déteste cette activité bassement manuelle censée être génétiquement innée chez tout homme depuis Néandertal et le bricolage de pierre. Moi j'ai pas ce gène et tant pis si ça vous gêne. Il faut pour bricoler une certaine expérience que je n'ai jamais cherché à acquérir, et une vraie habileté qui m'a toujours fait défaut, de même que les outils les plus basiques que je n'ai jamais su utiliser. Mon père avait bien essayé de m'apprendre, mais j'en avais eu marre tôt. Je suis nul. Pas de ma faute si je suis un intellectuel. On ne peut pas être bon à tout, surtout quand on est bon à rien.

Heureusement, point de cuisine à construire, ni de plomberie à refaire, ni de 9ème merveille du monde à ériger à la force du poignet ; non, la corvée qui me hante depuis de long mois, c'est seulement d'accrocher un cadre au mur. Cela fait un an que je recule devant la tâche, repoussant au week-end prochain ce que j'aurais déjà dû faire le mois dernier, me faisant invariablement et régulièrement pourrir par ma femme :

« Tu vas t'en occuper du tableau oui ou non ? C'est quand même pas moi qui doit faire ça. Je fais déjà tout ici, blablabla.

- Ça va, j'ai dit que j'allais m'en occuper ; pas la peine de me rappeler tous les 6 mois !

- Ou alors demande au mari de la concierge : pour 50 Euros je suis sûr qu'il voudra bien nous faire ça vite fait, bien fait. »

Ah Non ! Payer au black ce fainéant, au motif qu'il ne veut pas travailler pour des clous, sûrement pas !

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⏰ Last updated: Mar 02, 2020 ⏰

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La dernière gorgée de bière, et autres contrariétés majusculesWhere stories live. Discover now