Chapitre 1:

37 1 0
                                    

12 octobre 2012, 11h43. Route 740 B.

Ça y est, c'est la fin. Un flash me revient. Tout s'est passé très vite, le choc a été brutal. La route, la voiture, l'impact, mon corps, la douleur, le noir. Tout en moi semble arrêté, stoppé.

Quelques morceaux de puzzles dans mon esprit tentent de s'assembler dans l'espoir de comprendre ce qu'il vient de m'arriver. Mais qu'est-ce qu'il se passe. Seule la douleur s'imprime en moi, une vaste douleur envahissant mon torse et s'attaquant à chacun de mes organes. Je me souviens de chacun des composants de mon corps s'arrêtant un à un pour me laisser à même le sol, sans vie.

Les paroles de ma mère me reviennent à l'esprit :
« Ne rentre pas trop tard ma chérie, toi et ton frère vous avez cours demain ». « Oui promis », lui ai-je répondu avant de rapidement sortir pour échapper à ses mises en garde quotidienne. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas...

Soudain, tout s'arrête. Je me vois étendue par terre, le visage en sang, la poitrine encastrée dans le pare-chocs de la voiture et les membres estropiés. Je me regarde, observe chacune des parcelles de mon corps. Non ! Je suis saisie d'un grand froid. Non ! Je me mets à crier, mais personnes semblent m'entendre. Je m'énerve, je crie. Merde, aidez-moi ! Aidez-moi, je vous en prie ! Mais rien ne se fait.

Je me retourne et constate la scène. Le trottoir recouvert des éclats de verres laissés par l'accident, se rempli peu à peu de personnes inconnues qui viennent s'agglutiner aux premières loges pour voir mon corps allongé sous le véhicule. Pour la plupart, la curiosité les anime. Une vieille femme sur le trottoir tente d'expliquer à son voisin toutes les péripéties de l'accident. Celui-ci sans grand étonnement proclame que ça ne l'étonne plus avec tout ces jeunes ivres qu'il peut voir dans les bars. À ces mots la colère monte en moi, mais celle-ci s'arrête aussitôt lorsque je m'approche de la voiture.

La Peugeot 208 laisse échapper un filet de vapeur grise. Encore au volant de sa voiture, une femme pleure. Elle a l'air jeune. À l'arrière du véhicule, j'arrive à distinguer un caisson de bières vides et quelques bouteilles encore couchées sur le siège. Je continue mon inspection. À quelques mètres de l'engin, un autre corps gît. Alors que je m'avance vers lui, la peur m'envahit lorsque je découvre qu'il s'agit de mon frère, Mathias. Des témoins de la scène s'agglutinent autour de lui, un premier s'écrit :
- «  J' entends le cœur, il respire. Que quelqu'un appelle les secours ».
Un autre homme s'empresse de réagir. Derrière lui, la carcasse de mon scooter prend feu. L'homme d'une cinquantaine d'années essaye de soulever le corps de mon frère, mais n'y parvient pas. Prenant conscience du risque pour sa propre vie, il s'enfuit. Je tente de le retenir, cependant dans sa fuite, il me traverse. Le froid m'envahit à nouveau. Je le supplie de l'aider, mais il ne m'entend pas. J'appuie ma tête sur le corps de mon frère, mais, je ne le sens pas. Il est trop tard, l'engin explose.

Mathias se dresse alors devant moi, me regarde puis sourit. L'enveloppe qu'il revêt le ressemble en tout points, à un détail près, celle-ci est transparente. Un long fil doré le relie encore à ce qui reste de sa dépouille. À mesure qu'il s'avance vers moi, celui-ci s'étire puis se rompt. Il dépose un baiser sur ma joue et s'éloigne. Il s'étire peu à peu, se soulève et se met à flotter. Mais alors que je cherche à le rejoindre, une violente douleur m'irradie. Dans un bourdonnement sourd, une voix s'adresse à moi : « Ce n'est pas le moment pour toi, Kate, bientôt ... ». Par la suite, la douleur me reprend, puis s'intensifie. Tous mes sens semblent en alerte. Mon corps s'affole et me rappelle à lui. Au même instant, je me retrouve comme aspirer dans mon enveloppe corporelle. Je ne sens plus mes membres. La panique s'empare de moi. Les battements de mon cœur reprennent peu à peu, avant de s'accélérer dangereusement. Tout devient noir. Les cellules de mon cerveau s'éteignent une à une. Je me reprends à sortir à nouveau de mon corps.

Soudain retentit la sirène d'une voiture de police qui est accompagnée de près par une ambulance. Deux médecins sortent du véhicule et courent vers moi. Dans l'espoir d'avoir encore quelque chose à sauver, le premier, réalise les gestes de premier secours. L'autre se saisit d'un défibrillateur qu'il dispose sur ma poitrine. Celle-ci, sous l'effet de décharges électriques, se soulève. L'arrêt du cœur se prolonge. Les soins s'accélèrent. Les minutes s'écoulent. Après trois-quarts d'heure, mon cœur repart. La vie m'envahit à nouveau. Une douleur intense s'installe. J'ai mal, mais je ne réagis pas. Mon être se fige au sein d'un coma profond. Le vide semble s'emparer de moi. À cet instant, ma mémoire se verrouille. Je ne pense plus, enfin, je ne pense plus comme avant. Je prends conscience de ce qu'il se passe, de tout ce qui vit. Ma conscience est totale. Mon esprit est ouvert. Mon corps sous la forme d'une vapeur blanche translucide s'élève. Très vague dans un premier temps, la forme se précise et prend un à un tous les contours de mon enveloppe de chair. Un long fil d'argent me relie encore à mon ancienne enveloppe et alors que je semble flotter, une lumière m'attire vers le ciel et semble me rappeler à elle. L'angoisse a disparu. Mon esprit se vide de toutes pensées. Je me sens accaparé par un sentiment de plénitude absolue. Le fil s'étire, mais alors qu'il s'apprête se rompre, une voix me rappelle à elle : « Je suis là mon cœur » ...

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jan 11, 2021 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Behind the heaven doorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant