XVI. Quand pointera l'aube

68 6 5
                                    

  Je sens la vie pesant sur mes épaules. Je sens les mouvements imperceptibles de sa respiration. Je sens les rêveries dans lesquelles elle s'enfonce. Je sens la lumière doucement disparaître.
  Dans une nuit de lumière éclairée par la lune, je sens. Je sens une étoile qui s'efface. Une braise à peine plus brillante que des cendres luttant de toutes ses forces pour ne pas s'en aller.
Un souffle long et faible me caresse le cou. Il s'échappe toujours plus lentement. Il n'y a presque plus rien à faire partir, presque plus aucune vie à faire sortir, le temps m'est compté.

.--- . / ... ..- .. ... .-.-.- .-.-.- .-.-.-

  Malgré le poids sur mes épaules, malgré l'incertitude de l'avenir, je ne faisais qu'accélérer. Mon pas se faisait plus ferme, plus constant, plus rapide. Je n'étais sûr que d'une chose: là tout de suite, maintenant, j'étais le seul à pouvoir faire quelque chose pour Ignès. J'étais le seul à pouvoir essayer de la sauver.

  Il n'y a que cet instant qui compte, ce "maintenant", ce présent, il n'y a que mes choix, mes pas qui influeront sur la balance. Alors je ne reculerai pas. Encore et encore j'avancerai. Je ne laisserai pas tomber, jamais.

  L'entrée du palais me faisait face. Une colonne de torches de chaque côté, leurs lueurs dessinaient l'encadrement d'une porte gigantesque à deux battants. Elle était recouverte d'un bas-relief représentant deux êtres vaguement humains  sortant de deux sphères et au sommet, loin dans le ciel, se tenait un étrange oiseau géant aux plumes de feu. La scène pourtant d'apparence simple, m'emplissait d'un tel sentiment d'admiration et de contemplation que je ne pus y soustraire mon regard pendant une poignée de secondes. J'assistais sur ces pans de pierres à l'événement le plus simple, le plus beau, le plus pure qui soit; une naissance. J'y ressentais l'amour et la joie à travers ces traits inanimés et froids.

  Confiant, j'ouvris la lourde porte du palais djinn. Dans un bruit profond et long elle m'invita à entrer. Un vent chaud émanait de l'intérieur, caressant mes joues humides de larmes et faisant s'envoler mes mèches de cheveux et celle d'Ignès, il avait quelque chose de sinistre. J'entrais dans un antre occupé par l'inconnu, un antre dangereux mais qui détenait le pouvoir de sauver une vie.

  Le hall avait un plafond très haut et voûté soutenu par une multitude de piliers. Malgré sa taille impressionnante et la nuit, il était très bien éclairé. Un pilier sur deux était entouré d'une ceinture de flammes aux couleurs diverses. Ce mystérieux éclairage reproduisait à la perfection la lumière du jour, mélangeant avec une harmonie mystique les différentes lumières qu'émettaient ces flammes. Au fur et à mesure que j'avançais, je remarquai que ces boules de feux colorés n'avaient aucun support. Pas de lampe, pas de torche, les longues colonnes flamboyantes  étaient tout simplement présentes à même la surface des piliers.

  L'entrée suivait un long couloir de feu et de pierre avant de se diviser en carrefour. Tout droit, à gauche, à droite, demi-tour étaient mes quatre options. Bien que la dernière était à prohiber, il me restait encore trois directions possibles et aucun indice sur leurs destinations. Me trouvant à la croisée des chemins, réfléchissant sur la suite, j'essayais de deviner la position de mes alliés lorsqu'une petite étincelle tomba sur mon nez. Intrigué par son origine, je levai les yeux au ciel.

  Le toit était ouvert à cet endroit, laissant apercevoir le vrai ciel. La lune et ses étoiles m'accueillaient avec bienveillance. Une fine pluie "d'étoiles" s'écoulait. Des petits fragments de lumière tombaient paisiblement jusqu'à moi comme pour attirer mon attention. Soudain, sans vraiment me l'expliquer, j'eus une idée. C'était comme si ces petits éclats avaient pénétrés mon esprit et y avaient fait germer une pensée qui n'était pas la mienne.

  Je tendis une main. Comme un enfant attrape un flocon de neige, j'attrapai un de ces petits morceaux d'espoir. La sensation était indescriptible. Je soufflai en direction du chemin me faisant face. Le flocon tourbillonna avant de s'engouffrer dans celui de droite. Sa trajectoire n'était pas naturelle. Il aurait due suivre la voie indiquée par mon souffle, mais il s'en était détourné. Animé de sa propre volonté, se servant de la force que je lui avais donnée, il me guidait à travers le palais.

Galaad l'aventurier : Premier VoyageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant