Les Troubles Philanthropes

Note 2

Elle était là
Appuyée au rebord de la rembarde du métro, un écouteur dans l'oreille, du chewing gum dans la bouche.
La nuit poursuivait son spectacle, le cadran approchant l'heure fatidique.
Les mains dans les poches, Elle regardait tranquillement les derniers fêtards de sa ville moyenne finir leurs verres.
Un oeil au beurre noir, un peu plissé, le rebord de la lèvre éclaté, des cheveux courts en bataille.
Elle s'alluma une cigarette, cracha au sol son ancienne distraction bucale et prit une profonde inspiration.
Les yeux mi clos, Elle profitait de l'instant.

Il était là. Le souffle court, un regard appeuré, fuyant. Il remontait, d'un pas trébuchant, les marches du métro. Son manteau était légèrement déshordonné et ses lacés étaient défais.
Une légère barbe blonde, des cheveux mi-long mal coiffés, des yeux d'un bleu incomensurable.

Il la percuta, un peu violement, manquant de tomber.
L'oeil calme, de jais, Elle décrivait lentement l'allure de la chute, ses pupilles suivant une pente brute.
Elle ne peut s'empêcher d'emettre un sourire face à l'absurdité de la scène.
Son premier réflèxe fût de tourner violement sa tête dans la direction opposée, comme si un agresseur était à ses trousses.

_ il fait mauvais temps pour les fils à papa dehors.

Sa voix, dure et ferme, granuleuse, sonnait comme un marteau dans le silence ambiant.
Il la regarda.
Et le temps sembla s'arrêter.

Le saphir s'était gravé dans son encéphale, comme le fer rouge, une cicatrice aigre douce qu'elle ne pourrait jamais oublier.
_ Je ne suis pas un fils à papa.

De la colère brûlait son oesophage, mélangée à de la peur, une peur maladive, lancinante et omniprésente. Il semblait produire de la peur, tant sa voix hésitante se muait dans un frisson.
Ils se regardèrent, pas longtemps.
Elle n'osait l'observer.
Il avait une respiration saccadée, rauque.

Un instant , de la pitiée inonda son visage, formant une moue étrange.
Elle tendit sa main vers lui, proposant ainsi un appui.
Il décrivit un léger sourire, dans lequel se mélangeait de la gratitude et une immense tristesse.

_ Merci.

_ Sérieusement, cette ville craint. Ne traine pas trop ici la nuit.

Il lui lança ce regard, emplit d'interrogations. Pourquoi lui donner un conseil alors qu'elle ne l'appliquait même pas à elle même?
Cette question brulait ses lèvres, il ne voulais pas terminer la conversation ainsi, et laisser partir son étoile du jour.
Pourtant, il n'osait dire mot.
Elle l'intimidait, peut être.

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