Chapitre 4

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Cette fois, il était minuit passé lorsque son infirmier attitré entra dans sa chambre. Fugacement, Nico se dit que, pour passer le temps, il pourrait tenter de prévoir quand il arriverait, avant de penser que ça ne serait pas un jeu très amusant à jouer seul. Après tout, parier contre lui-même n'était peut-être pas la meilleure option pour se divertir. Il revint rapidement à la réalité en le voyant consulter à nouveau.

— Dis-moi, Solace, tu regardes quoi à chaque fois ?

— Appelle-moi Will. J'aime bien mon nom de famille, mais bon, ça fait quand même un peu bizarre.

— OK, Will. Tu regardes quoi ?

Il le vit lever les yeux au ciel, et regretta un instant de l'embêter pendant son travail, avant de remarquer qu'il tentait (vainement) de réfréner un sourire.

— Tes constantes. La machine enregistre ton rythme cardiaque ou ta température, entre autres. Faut que j'analyse les résultats mais, normalement, tu pourrais sortir d'ici quelques jours

— Fight me. Pourquoi pas dès demain matin ?

— Parce que tu ne survivrais pas à une journée de cours à l'université. Une anémie, si non traitée, peut vraiment te pourrir la vie. Des migraines atroces, des vertiges, une baisse de tes capacités respiratoires et intellectuelles...

— C'est pas grand-chose de nouveau, quoi. Je dois avoir ça depuis la première.

Will le regarda comme s'il allait faire un arrêt cardiaque.

— Répète ce que tu viens de dire. Lentement.

— Que j'ai tous ces symptômes depuis super longtemps ? Pourquoi en faire tout un plat, c'est pas si grave que ça, ajouta-t-il.

Mais Will ne semblait pas de cet avis. Fébrile, il gribouilla une suite de mots sur son petit carnet, tout en marmonnant pour lui-même.

— Il va falloir prescrire une dose beaucoup plus forte... Des relevés fréquents, un traitement de fond plus long et important... Je vais en avoir jusqu'à pour demain matin.

— Attends trente secondes. Déjà, laisse tomber le traitement, je sais que j'oublierai de le prendre. Ensuite, tu me dis de dormir, et tu compte faire nuit blanche ? Et tu te dis infirmier ?

— C'est différent... Nico, comment tu fais pour avoir si peu de considération pour toi-même, pour ton bien-être ?

Nico haussa les épaules, sans se formaliser qu'il l'ait appelé par son prénom. Depuis la mort de sa soeur, il n'avait plus rien à faire de comment il se sentait. S'il était malade, il travaillait deux fois plus ensuite pour rattraper le temps perdu. Son corps était une limite dont il se serait volontiers débarrassé. Tant qu'il pouvait suivre ses cours, rien d'autre ne comptait.

— Des années d'entraînement, se contenta-t-il de répondre.

— Ouais, bah écoute, je vais pas te lâcher.

— T'es pas censé avoir d'autres patients, d'ailleurs ?

— Et non ! J'ai fini plus tôt aujourd'hui, tu es le dernier. D'ailleurs, c'est agréable de parler avec quelqu'un autrement que par ronflements, même si je maintiens que tu devrais dormir. La nuit, ça sert à ça. Je te l'ai dit, ça va être difficile de te débarrasser de moi.

— Formidable. Tu vas pouvoir me faire la leçon sur quel-patient-ingrat-je-suis pendant des heures.

— Ah, mais je compte bien.

Intérieurement, Nico souriait. En même temps, comment faire autrement ? La perspective d'une telle compagnie (d'une compagnie tout court, d'ailleurs) ne pouvait que le réjouir.

— Au fait, je me demandais, ta famille ne va pas venir te rendre visite ?

Le noiraud grimaça, et Will regretta amèrement d'avoir ruiné l'ambiance si vite.

— On... On est pas en très bon termes, répondit-il, évasif.

Tout simplement parce que lui-même refusait de les laisser se rapprocher. Pourtant, ses cousins Percy et Jason avaient essayé ! Ils étaient gentils mais, après ce qui était arrivé à Bianca et à leur mère, il ne voulait pas risquer d'être autant blessé une nouvelle fois.

L'infirmier dut voir qu'il avait touché une corde sensible, puisqu'il s'assit sur le lit et posa sa main sur le coude de Nico.

— Je suis désolé d'avoir dit ça. Ce n'est pas mon rôle en tant qu'infirmier. Mais... ajouta-t-il, hésitant, après un instant de flottement, ça pourrait être mon rôle d'ami. Je vais être franc. Je t'aime bien. T'es marrant, et il faut quelqu'un pour te surveiller, histoire que tu fiches pas ta santé en l'air.

Le coeur du garçon alité accéléra brièvement, touché. Il pensa à se sentir offensé d'attirer tant la pitié, puis décida qu'il avait la flemme de ressentir quoi que ce soit. Il eut un pauvre sourire.

— C'est gentil. Je t'aime bien aussi. Mais là, j'ai plus assez de forces pour parler à qui que ce soit, de quoi que ce soit.

Mieux valait lui faire croire que c'était la fatigue qui l'empêchait de se confier. La vérité, c'était que Nico mourrait d'envie de parler à Will. Avoir un ami, quelqu'un sur qui compter, il ne demandait que ça (surtout que le blond était plutôt canon). Seulement, il n'en avait ni le courage ni la force. Il avait déjà assez donné.

Mais, si le blondinet releva le mensonge, il n'en laissa rien paraître. Il se leva et adressa un sourire Ultra Bright au jeune homme, avant de presser rapidement sa main.

— Je vais te laisser te reposer, dans ce cas. Faut que je réfléchisse à ton traitement, Monsieur DiAngelo. Et surtout, dors !

— Je pourrais te dire la même chose, rétorqua-t-il.

La porte se referma et Nico se retourna dans son lit. Trop d'émotions pour ce soir. Son coeur de glace commençait à battre à nouveau, et il ne voulait pas baisser sa garde. Être en meilleure forme ne lui réussissait pas.

Fight me [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant